C’est un moyen parmi les mesures prises par le gouvernement pour gérer la pandémie.
Différentes études ont montré que la mortalité est de 99% chez les patients non-vaccinés contre la Covid-19.
Entretien avec le Pr Saïd Motaouakkil, anesthésiste - réanimateur et membre du Comité national technique et scientifique.
Propos recueillis par Ibtissam Z.
Finances News Hebdo : Le pass vaccinal est désormais obligatoire au Maroc. Selon vous, est-ce la meilleure manière de contrôler la situation épidémiologique ?
Pr Saïd Motaouakkil : Le pass vaccinal est un moyen parmi les mesures prises pour gérer la pandémie. Il est actuellement largement utilisé dans plusieurs pays, notamment les plus démocratiques. Il trouve sa base juridique dans l'application des articles contenus dans la loi des urgences sanitaires, comme la loi marocaine n° 2/20/292. Quelles sont les bases scientifiques pour son application ? La réponse est que différentes études ont démontré que la mortalité est de 99% chez les patients non-vaccinés contre la Covid-19. De même, la mortalité est 11 fois supérieure chez les sujets non-vaccinés et 10 vont présenter une forme grave de la maladie. A cet effet, une autre étude française a été réalisée entre décembre 2020 et juillet 2021 sur 22 millions de sujets vaccinés et non-vaccinés. Ainsi, chez les patients dont l'âge est supérieur à 50 ans, on a constaté 90% de protection pour les sujets vaccinés, qui vont éviter la mort et ne présenteront pas de formes graves par rapport aux non-vaccinés. Cette même étude française révèle une protection de 83 à 95% contre le variant Delta. Toutes ces données sont en faveur de l'instauration du Pass vaccinal.
F.N.H. : Une partie de la société civile pense que cette mesure porte atteinte à la liberté individuelle. Une pétition a même été lancée dans ce sens. En tant que membre du Comité national technique et scientifique, quelle lecture en faites-vous ?
Pr S. M. : Le positionnement de certaines parties de la société civile et leur réaction par rapport au pass vaccinal traduisent le débat sain qui alimente toutes les sociétés, dont la nôtre. Il marque aussi les avis très divergents devant l'absence de certitude scientifique qui a accompagné le début de la pandémie. Les mesures restrictives qui ont accompagné toutes les démarches avaient pour finalité de maîtriser et amoindrir les effets néfastes du virus sur le plan économique, social, psychologique et surtout sanitaire. Par ailleurs, tous les débats sont marqués par des positionnements idéologiques et presque religieux. Nous avons vu des mouvements radicaux et très soucieux de l'ordre libertaire. Ces affrontements ont ajouté de la confusion à la confusion. Les scientifiques, désemparés face à la demande pressante des sociétés à trouver des réponses rapides, ont aussi joué un rôle néfaste, contribuant au désarroi des populations, lesquelles ont des divergences de vue sur des questions scientifiques pointues.
F.N.H. : Comment peuton convaincre les Marocains qu’il s’agit d’une nécessité sanitaire et non pas d’une privation de liberté ?
Pr S. M. : Il faut faire un travail pédagogique et de sensibilisation par un discours clair, crédible, honnête, accessible à tous et sans conflits d'intérêt. Ce discours doit éviter le catastrophisme et la culture de l'angoisse. Justement, Albert Camus disait à propos de la peste : «il n'y avait pour cela qu'un seul moyen, celui de combattre la peste». Cette vérité n'était pas admirable, mais elle était conséquente…
F.N.H. :Les autorités marocaines ont décidé de suspendre les vols depuis et vers l'Allemagne, les PaysBas et le Royaume-Uni en raison de l'évolution de la situation sanitaire dans ces trois pays. Qu’en est-il exactement, sachant que ces pays vivent tout à fait normalement ?
Pr S. M. : La suspension des vols à destination de l'Angleterre, de la Hollande et de l'Allemagne est due à la situation épidémiologique qui prévaut dans ces pays. Elle est marquée par l'augmentation des cas journaliers. Cette situation est due aussi à une levée très rapide des mesures barrières et un retour à une vie normale. De même, nous constatons la survenue de plus de cas Covid-19 avec l'apparition du sous-variant Delta plus, le AY.4.2. Il est apparu en Inde, puis aux USA, Israël, Danemark... Pour l’heure, nous ne connaissons pas les caractéristiques épidémiologiques de ce sous-variant, en termes de contagiosité, de virulence, de vitesse de diffusion, de létalité et d'échappement vaccinal éventuel.