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Protection sociale : Une réforme qui s’éternise

Protection sociale : Une réforme qui s’éternise

Le 6 décembre à Rabat, l'Observatoire marocain de la protection sociale a présenté un rapport détaillé sur l’état des réformes en matière de protection sociale au Maroc. Ce rapport souligne les déséquilibres structurels et les défis majeurs qui freinent une couverture sociale universelle et inclusive.

 

Propos recueillis par M. Boukhari

Depuis 2018, l'Observatoire marocain de la protection sociale mène une série d'ateliers de réflexion et de dialogue pour débattre des politiques publiques en matière de protection sociale. En collaboration avec des acteurs sociaux, académiques et politiques, l'Observatoire a analysé les réformes récentes dans le secteur de la protection sociale au Maroc, notamment celles prévues entre 2021 et 2024.

Dans ce contexte, les membres du bureau exécutif dudit observatoire ont présenté récemment le bilan du travail gouvernemental concernant ce chantier stratégique. «La protection sociale est un droit humain. Il s’agit d’un ensemble de politiques et de programmes conçus pour réduire ou prévenir la pauvreté et la fragilité tout au long du cycle de la vie humaine en général, et qui cherchent à garantir le revenu minimum décent en tant que droit de tous les citoyens et résidents sur un pied d’égalité. Autrement dit, garantir un niveau de vie décent pour tous et rendre accessibles les services et un revenu de base à toute la population. Cela nécessite que l’Etat assume les responsabilités principales en matière d’allocation, de financement, de gestion de mise en place des institutions nécessaires à la gouvernance et l’exécution des programmes», a affirmé Kamal Lahbib, représentant de l’Observatoire marocain de la protection sociale.

Le rapport de l'Observatoire met en lumière plusieurs déséquilibres qui nuisent à l'efficacité du système de protection sociale marocain, et qui empêchent une couverture équitable pour tous les citoyens. Parmi ces déséquilibres, il existe certains dits normatifs et d'harmonisation. Selon ce document, le système de protection sociale au Maroc ne respecte pas entièrement les normes minimales internationales fixées par l'Organisation internationale du travail (OIT), notamment en ce qui concerne la couverture des chômeurs.

De plus, le cadre législatif marocain est jugé insuffisant pour garantir une couverture continue pour les personnes exclues du marché du travail. En 2024, environ 1,63 million de chômeurs n’ont pas bénéficié de soutien financier, faute de mécanismes adéquats. Par ailleurs, le système ignore souvent les spécificités liées au genre, ce qui creuse les inégalités, en particulier dans la répartition des tâches de soins et d’accompagnement, souvent confiées aux femmes.

Pour l’Observatoire, cela limite leur accès à la protection sociale et au marché du travail. Ensuite, un déséquilibre de gouvernance et de participation est observé. Les mécanismes de coordination entre les différentes entités responsables sont flous et les comités de décision se réunissent trop rarement. Aussi, l’Observatoire note une absence de participation active des citoyens et des acteurs sociaux dans la conception, la mise en œuvre et l'évaluation des politiques sociales, ce qui nuit à la transparence et à l'efficacité du système. Il existe également, selon la même source, un déséquilibre juridique et une incohérence des textes. De fait, l’application de la loi-cadre sur la protection sociale est freinée par une lourdeur juridique et un manque d’harmonisation des textes législatifs. Certaines réformes importantes, comme la révision de la loi sur la sécurité sociale, accusent des retards, compliquant ainsi leur mise en œuvre effective.

Un système plus inclusif

Les déséquilibres dans le financement et la durabilité sont également importants. Le financement des politiques de protection sociale reste fragile. Selon l’Observatoire marocain de la protection sociale, la suppression progressive de la Caisse de compensation pourrait réduire le pouvoir d'achat des citoyens, notamment des classes moyennes, et exacerber les inégalités sociales.

Par ailleurs, les systèmes de retraite et de santé sont sous pression face au vieillissement démographique et à l'augmentation des maladies chroniques. Qui plus est, l’inflation, associée à des politiques sociales insuffisantes, pèse lourdement sur les familles marocaines. Les efforts du gouvernement pour améliorer la protection sociale n’ont pas encore permis de répondre efficacement aux besoins des citoyens, qui continuent de supporter une part importante des dépenses liées à la santé, indique-t-on dans le rapport.

En plus de ces déséquilibres structurels, le système de protection sociale marocain doit faire face à plusieurs défis importants. Le taux de chômage prévu à 13,6% en 2024, soit environ 1,7 million de chômeurs, pose un défi majeur pour l'inclusion dans le système de protection sociale. Les chômeurs ne bénéficient pas d'un revenu stable, ce qui limite leur accès aux services de santé et à un revenu minimum garanti. De plus, ils ne cotisent pas au système de sécurité sociale ni au fonds de retraite, ce qui les prive d’une couverture à long terme.

Environ 60% de la population active travaillent dans l'économie informelle, un secteur difficilement accessible à la couverture sociale. D’après le rapport, le ciblage des travailleurs informels est compliqué par l'absence de preuves de travail formel. Résultat : cela empêche une inclusion adéquate de cette catégorie dans les systèmes de sécurité sociale. Le vieillissement démographique constitue également un défi majeur pour la durabilité du système. D'ici 2050, le nombre de personnes âgées devrait passer de 4,5 millions à 10 millions, exerçant une pression accrue sur les systèmes de santé et de retraite.

En outre, l’environnement économique difficile, exacerbé par des crises comme la pandémie de COVID-19, aggrave les obstacles financiers à la mise en œuvre du chantier de la généralisation de la protection sociale. Face à ces défis et déséquilibres, l'Observatoire marocain de la protection sociale propose plusieurs recommandations pour rendre le système de protection sociale plus juste et inclusif.

Une couverture accessible à tous

Ces recommandations reposent sur plusieurs approches clés. Il s’agit en l'occurrence de l’approche politique et juridique générale, qui consiste à renforcer la volonté politique pour une répartition équitable des richesses. De plus, il est essentiel de garantir que les politiques sociales bénéficient à l’ensemble de la population, en particulier aux groupes vulnérables. L’adoption d’un arsenal législatif compatible avec les normes internationales et les évolutions sociétales est également cruciale pour garantir une couverture sociale universelle et adaptée aux besoins des citoyens.

En matière de gouvernance, le rapport indique qu’il est nécessaire de démocratiser la gestion du système de protection sociale, en favorisant une plus grande transparence et une participation active des acteurs sociaux, syndicaux et professionnels dans l'élaboration et la mise en œuvre des politiques sociales. Par ailleurs, l’Observatoire estime qu’un financement durable et équitable est indispensable pour assurer la viabilité de ces dispositifs à long terme.

L’efficacité des services doit être améliorée en rendant la cotisation au système de protection sociale accessible à tous, notamment aux travailleurs indépendants et aux groupes informels. In fine, une approche communautaire est jugée nécessaire pour sensibiliser toutes les couches de la société à l’importance de la protection sociale. Cela implique, selon l’Observatoire marocain de la protection sociale, une participation accrue de la société civile et des citoyens dans les processus de décision et la mise en œuvre des politiques sociales.

 

 

 

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