Nous le disions tantôt ici : la Délégation générale à l'administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR) est sans aucun doute l’institution qui monte le plus au créneau au Maroc pour faire des démentis et mises au point, suite à certaines informations qui circulent sur les réseaux sociaux et autres sites électroniques.
Sauf que dans la conscience collective, une fois qu’une information, voire une rumeur est lancée, elle fait tache.
Et on a beau démentir, difficile d’être blanchi.
Les derniers évènements qui ont eu lieu à la prison locale de Ras El Ma à Fès en sont la preuve.
Ils ont conduit à toutes sortes de supputations, avec comme conséquence la suspension de trois fonctionnaires de la prison et le limogeage du directeur de l’établissement pénitentiaire.
Lequel avait révisé la faveur accordée à un détenu qui jouissait d'un appel téléphonique quotidien de 30 minutes, au lieu de l’appel hebdomadaire de 6 à 10 minutes prévu par les règles en vigueur.
Mais qui est mieux placé que le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) pour nous dire ce qui se passe vraiment dans les prisons marocaines ?
Il a mené l’enquête, et ses conclusions sont très révélatrices.
Une délégation du CNDH s’est en effet rendue, les 7 et 8 novembre 2019, aux établissements pénitentiaires Tifelt 2, Toulal 2 (Meknès), Ras Al Ma (Fès), Ain Aicha (Taounat), Taza et Guercif, où ont été transférés les détenus visés par les mesures disciplinaires annoncées au courant de la semaine dernière.
Visite des cellules, entretiens avec les détenus, investigation sur les allégations de torture, visualisation des vidéos des caméras de surveillance…, tout y est passé.
Il est ainsi ressorti de l’enquête du CNDH que, le jeudi 31 octobre 2019, les six détenus ont refusé de quitter le hall à côté du poste de surveillance et de rejoindre leur cellule pendant plus de deux heures; chose que les détenus ont confirmé lors des entretiens individuels.
Par ailleurs, à part un détenu, tous les autres transférés de la prison Ras Al Ma vers les autres établissements pénitentiaires ont été soumis à un examen médical à leur arrivée.
De même, il y a bien eu altercation entre les agents pénitentiaires et deux détenus, avec au final des ecchymoses sur le corps de ces derniers, et la prescription d’un arrêt de travail pour les agents.
En outre, le CNDH n’a décelé aucune trace de torture à l’encontre des détenus, mais dénonce par contre, lors des visites des prisons de Toulal 2 et de Ain Aicha, «l’état déplorable des cellules disciplinaires qui ne disposent ni d’éclairage, ni d’aération, et ce en contradiction avec la disposition 13 de l’ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus».
«Les prisons doivent être des lieux sûrs pour y vivre et pour travailler, c’est-à-dire pour les détenus, pour le personnel et pour les visiteurs », rappelle le CNDH, en référence au chapitre 16 du manuel onusien de formation aux droits de l’Homme à l’intention du personnel pénitentiaire.
Cette immersion du CNDH dans certains établissements pénitentiaires a au moins permis d’éclairer la lanterne des citoyens.
C’est dire que la réalité des prisons marocaines n’est pas tout à fait celle que l’on décrit souvent abusivement sur les réseaux sociaux.