Le Haut-commissariat au Plan (HCP) a levé le voile sur les résultats détaillés du Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH 2024). Au-delà des chiffres bruts, cette nouvelle édition dessine les contours d’un Maroc en pleine transition démographique, économique et sociale. Si l’urbanisation s’accélère et que les progrès en matière d’éducation sont notables, le pays fait face à des défis persistants en termes d’emploi, de logement et d’équilibre socio-économique.
En 2024, le Maroc compte 36,8 millions d’habitants, un chiffre en progression de seulement 0,85% par an depuis 2014, illustrant un ralentissement notable. Autrefois rurale, la population est désormais urbanisée à 62,8%, contre 51,4% il y a trente ans. Casablanca reste la locomotive démographique du pays, avec 3,2 millions d’habitants, suivie de Tanger, Fès et Marrakech, des villes qui concentrent près de 38% de la population urbaine.
L’indice de fécondité, tombé à 1,97 enfant par femme, confirme un basculement sociétal majeur : le seuil de renouvellement des générations (2,1) n’est plus assuré, laissant présager un vieillissement progressif de la population. Ce dernier est accentué par une baisse de la part des actifs, au profit des seniors.
Capital humain : éducation en hausse, analphabétisme en baisse
Les progrès en matière d’éducation constituent l’une des avancées majeures du RGPH 2024. Le taux de scolarisation des enfants de moins de 15 ans progresse, notamment pour les filles rurales (à 95,1% pour les 6-11 ans). La durée moyenne de scolarisation grimpe à 6,3 ans, bien que des disparités persistent.
Par ailleurs, le niveau d’études des Marocains s’améliore significativement : 39,1% des 25 ans et plus détiennent désormais un diplôme secondaire collégial contre 30,2% en 2014. Toutefois, le taux d’analphabétisme, bien qu’en baisse, reste élevé (24,8%). Les efforts déployés dans le milieu rural et auprès des femmes se traduisent par des avancées notables, même si des inégalités persistent.
Travail et emploi : l’ombre persistante du chômage
Si la population active continue de croître, son taux d’activité accuse un net recul, passant de 47,6% en 2014 à 41,6% en 2024. Les femmes, particulièrement concernées, affichent un taux d’activité de seulement 16,8%.
Le chômage, quant à lui, s’aggrave, touchant 21,3% de la population active, contre 16,2% dix ans auparavant. Les femmes et les ruraux subissent le plus durement cette situation, témoignant d’écarts régionaux criants.
Logement : modernisation et accessibilité en question
Le parc immobilier marocain affiche une double évolution. En milieu urbain, les maisons marocaines modernes dominent (à 65,4%), tandis que les logements de type rural reculent dans les campagnes. Parallèlement, la taille moyenne des ménages se réduit à 3,9 personnes, un signe de changement des modes de vie.
Toutefois, l’accès aux services de base, bien que largement amélioré, reste inégal : 97,1% des ménages disposent de l’électricité, mais seuls 82,9% sont raccordés au réseau d’eau potable, une problématique persistante en milieu rural.
Perspectives : modernisation économique et inclusion sociale
Avec 1,3 million d’établissements économiques actifs, le tissu entrepreneurial marocain, en dehors du secteur agricole, génère 3,6 millions d’emplois permanents. Toutefois, la place des femmes reste limitée : seulement 10% des entreprises sont dirigées par des femmes.
En définitive, le RGPH 2024 met en lumière les acquis démographiques et sociaux du Maroc, tout en pointant les failles structurelles. Urbanisation rapide, vieillissement de la population, tensions sur le marché de l’emploi… autant de défis auxquels les politiques publiques devront répondre avec fermeté et anticipation pour maintenir le cap d’un développement inclusif et équilibré.