• Face à la montée des cas de rougeole au Maroc, la sonnette d’alarme est tirée.
• Les chiffres récemment dévoilés par la Délégation générale de l'administration pénitentiaire et de la réinsertion (DGAPR) confirment la propagation inquiétante de cette maladie : 41 cas d’infection ont été recensés.
Cette maladie infectieuse est probablement l’une des pathologies les plus contagieuses au monde, un constat corroboré par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Ainsi, une personne non immunisée, exposée au virus, a plus de 80% de chances d’être contaminée. Plus alarmant encore, le virus de la rougeole, transmis par voie aérienne, et contagieux dans l’air ou sur des surfaces, même après le départ de la personne infectée.
Cette maladie constitue une menace redoutable, elle combine deux facteurs contagiosité et dangerosité. Au Maroc, la rougeole connaît une recrudescence déconcertante avec 41 victimes déjà déplorées dans les centres pénitentiaires.
Prisons, un terrain propice à l’éclosion des cas
Traditionnellement perçue comme une pathologie infantile, la rougeole montre qu’elle peut toucher même les adultes. Le Dr Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, nous explique pourquoi ce genre de maladie se propage dans le milieu carcéral.
«Les prisons, par leur configuration en espaces clos offrent des conditions idéales à la propagation de maladies contagieuses. L’aérosol d’un virus comme la rougeole peut se propager rapidement dans un environnement fermé, accentuant les contaminations. En prison, les symptômes tels que la fièvre et les éruptions cutanées sont rapidement diagnostiqués. Ce contexte facilite l’identification des cas de rougeole, contrairement à la vie courante où les diagnostics peuvent passer inaperçus. De plus, tous les cas en milieu carcéral sont systématiquement recensés, diagnostiqués et notifiés, contrairement à la population générale où certains cas ne consultent pas ou ne sont pas déclarés».
Depuis octobre 2023, on recense près de 20.000 cas et 107 décès. Dans ce sens, le Dr Hamdi estime que les données officielles du ministère de la Santé pourraient sous-estimer l’ampleur réelle des cas de rougeole, pour lui la raison est simple.
«Tous les malades ne consultent pas. Parmi ceux qui consultent, certains ne sont pas déclarés. Ainsi, les chiffres officiels représentent probablement la partie visible de l'iceberg. En revanche, en milieu carcéral, chaque cas est détecté et signalé, ce qui explique des chiffres plus précis pour ces institutions », affirme-t-il.
A cet effet, une opération de vaccination volontaire contre la rougeole est ouverte aux détenus et au personnel des établissements pénitentiaires, sous la supervision d'un staff médical relevant des services de la DGAPR.
Dans cette optique et afin de renforcer la vigilance, il a été procédé, le 3 janvier 2025, à la généralisation d’une circulaire sur l’ensemble des établissements pénitentiaires les exhortant à prendre les mesures préventives et thérapeutiques nécessaires dès la détection d’éventuels nouveaux cas.
La rougeole revient en force, pourquoi maintenant ?
Si la rougeole refait surface aujourd'hui, les raisons sont claires avec l’entrée en jeu de deux principaux facteurs, à savoir la baisse de la couverture vaccinale et un relâchement dans la surveillance épidémiologique.
«Le seuil vaccinal est en baisse dans plusieurs régions, notamment Souss-Massa en septembre 2023, et plus récemment en avril 2024 dans les régions de Chefchaouen, Tanger, Tétouan et Al Hoceïma. Dès que le taux de vaccination descend en dessous de 95%, la situation devient problématique. À ce niveau de couverture, même en présence de cas isolés, le virus ne peut se propager car il est contenu par l'immunité collective. Cependant, lorsque la couverture vaccinale tombe à 80%, 70%, voire moins, comme c’est le cas dans certaines régions du Maroc, le virus trouve des opportunités pour se répandre et créer des foyers», analyse le médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé.
Plusieurs éléments expliquent cette baisse, qui se résume à l'hésitation vaccinale des parents, aux retards accumulés pendant la pandémie de la Covid-19, ajoutez à cela le relâchement dans les services de vaccination, aussi bien publics que privés.
Pour Tayeb Hamdi, la combinaison de ces facteurs aggrave la situation et favorise la résurgence de maladies qui, pourtant pourraient être évitée.
«Un autre point important concerne le relâchement dans la surveillance épidémiologique des maladies infantiles. Normalement, face à des cas isolés de maladies contagieuses comme la rougeole, les autorités sanitaires devraient réagir rapidement, enquêter sur l'origine, protéger l'entourage, et bloquer la propagation par des mesures comme la vaccination ou l’isolement. Or, ce dispositif ne semble pas avoir fonctionné correctement, ce qui a permis une grande diffusion du virus avant que les alertes ne soient lancées», martèle-t-il.
Il est évident que l’épidémie de rougeole met en lumière les vulnérabilités du système de santé. L’action collective reste le premier remède a ce mal. Il est donc nécessaire de mettre en oeuvre une couverture vaccinale complète et régulière. Ainsi, une campagne de sensibilisation et de rattrapage a été généralisée dans le tout le Royaume, y compris dans les centres pénitentiaires.
Le ministère de la Santé insiste sur la nécessité de poursuivre les efforts pour éradiquer cette épidémie, en rappelant que «chaque citoyen a un rôle crucial à jouer dans la lutte contre la rougeole; notamment en respectant le calendrier vaccinal ».
Face à ces défis, les autorités sanitaires, en collaboration avec les acteurs sociaux, doivent conjuguer leur effort pour mettre en place des mesures préventives pour contrer de futures épidémies.
Objectif : protéger les populations les plus vulnérables, qu’elles se trouvent dans les communautés locales ou dans les institutions pénitentiaires.
A noter qu’en 2023, la rougeole a touché plus de 10 millions de personnes dans le monde, soit une augmentation de 20% par rapport à 2022. Depuis, cette maladie a causé plus de 100.000 décès, principalement chez les nourrissons et les enfants de moins de cinq ans.
I.Z