Un nouvel incident d’une rare violence a une fois de plus mis en lumière la rivalité explosive entre chauffeurs de taxis traditionnels et conducteurs de VTC au Maroc.
Hier à Rabat, trois chauffeurs de petits taxis ont poursuivi un chauffeur de VTC sur l’autoroute, allant jusqu’à percuter son véhicule pour l’immobiliser. Une course-poursuite digne d’un film d’action, filmée et largement partagée sur les réseaux sociaux, a suscité l’indignation générale. Selon les autorités, les trois chauffeurs de taxi impliqués ont été interpellés par la police peu après les faits. Ce n’est pourtant que la dernière manifestation d’un conflit devenu récurrent et qui révèle toutes les failles dans la régulation du secteur des transports au Maroc.
Depuis l’apparition des plateformes VTC, le secteur des taxis traditionnels est en ébullition. Entre accusations de concurrence déloyale et absence de régulation claire, les tensions ne cessent de s’amplifier. À Rabat, comme à Casablanca (pour ne citer que celles-ci), les altercations entre chauffeurs se multiplient, souvent sur fond d’intimidations et de violences. La récente agression impliquant un diplomate russe à Casablanca a déjà marqué les esprits, mais l’incident d’hier sur l’autoroute Rabat-Casablanca pousse la question au-delà du conflit économique : elle devient une problématique de sécurité publique.
L’appel urgent à une régulation
Le Maroc tarde à trancher sur le cadre juridique régissant le transport via applications intelligentes. L’ancien ministre du Transport et de la Logistique, Mohammed Abdeljalil, avait évoqué une étude en cours visant à définir une vision intégrée de la mobilité urbaine, mais les résultats concrets se font attendre. Ce flou réglementaire laisse place à une anarchie où chacun semble dicter ses propres règles. Pendant ce temps, des milliers d’usagers, attirés par les tarifs compétitifs et la praticité des VTC, se retrouvent otages d’un système en ébullition.
Les experts s’accordent à dire qu’une régulation claire et équitable est indispensable. Cela passe par une reconnaissance officielle des plateformes VTC, un encadrement strict de leur activité, mais aussi une mise à niveau des taxis traditionnels. En ce sens, la circulaire récente d’Abdelouafi Laftit, ministre de l’Intérieur, insiste sur la transparence des tarifs, l’utilisation systématique des compteurs et la lutte contre les pratiques abusives. Des mesures louables, mais qui restent pour l’instant insuffisantes face à l’ampleur du problème.
Un secteur des taxis en crise
Les tensions actuelles ne sont que la partie immergée d’un iceberg de dysfonctionnements dans le secteur des taxis. Non-respect des tarifs réglementés, refus de service, licences coûteuses et souvent monopolisées : le système est gangrené. Pour beaucoup, les taxis traditionnels paient aujourd’hui le prix d’une inertie historique face à l’évolution des besoins des usagers. L’intégration de nouveaux modèles comme les VTC représente une menace existentielle pour un secteur qui n’a pas su se réinventer.
Pourtant, cette mutation pourrait être l’occasion d’une refonte globale. En mettant les taxis sur un pied d’égalité avec les VTC, en modernisant leurs services et en régulant les plateformes numériques, le Maroc pourrait transformer une crise en opportunités. Mais pour cela, il faudra un réel courage politique et une vision à long terme.
Une coexistence encore possible ?
Dans ce bras de fer, la question n’est pas seulement de savoir qui aura le dernier mot, mais comment garantir la sécurité et la satisfaction des usagers. Les affrontements violents entre taxieurs etc onducteurs de VTC ne peuvent devenir la norme. L’État doit jouer un rôle d’arbitre impartial, en veillant à ce que chaque acteur du secteur soit respecté, tout en répondant aux attentes croissantes des citoyens.
La récente circulaire du ministère de l’Intérieur marque une première étape. Mais pour que cette initiative porte ses fruits, elle devra être suivie d’actions : une régulation cohérente, un dialogue constructif entre les parties prenantes, et surtout, une application stricte des lois.
À défaut, le Maroc risque de voir ce conflit dégénérer davantage, au détriment non seulement des professionnels du secteur, mais aussi de la confiance des usagers dans leur système de transport, d’autant que la CAN 2025 et le Mondial 2030 se profilent à l’horizon.