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A Gaza, vivre devient pire que mourir

A Gaza, vivre devient pire que mourir

Il y a des drames qui se vivent dans le silence. D’autres dans la stupeur. Et puis il y a Gaza. Gaza où l’horreur se diffuse en direct sur les chaînes d’information. Où les décombres fument encore pendant que les diplomates tergiversent. Où les enfants meurent sous le regard laxiste du monde. 

Depuis le 7 octobre 2023, Israël mène dans ce territoire une guerre de représailles contre le Hamas. Une guerre qui, à ce jour, y a fait plus de 52.400 morts, pour la plupart des civils, selon les chiffres du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas. 

Face à cette hécatombe, l'Etat hébreu réplique par une rhétorique de légitime défense. Mais la légitime défense justifie-t-elle le siège total d’un territoire de 2,4 millions d’êtres humains et le bombardement de tentes de réfugiés, d’hôpitaux et d’écoles. 

La légitime défense justifie-t-elle d’affamer délibérément une population ? En effet, depuis le 2 mars 2025, Israël bloque toute entrée d’aide humanitaire à Gaza. Plus un camion, plus une boîte de médicaments, plus un sac de farine ne passe. 

Objectif : contraindre le Hamas à libérer les otages toujours retenus dans l’enclave. Une stratégie de pression, dit-on. 

Mais sur qui ? Car ce sont les civils (femmes, enfants, vieillards) qui en paient le prix. Faut-il rappeler qu’il est interdit, par le droit international humanitaire, d’utiliser la famine comme arme de guerre ?

Et pourtant, c’est exactement ce qui se passe. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme : «les opérations humanitaires dans la bande de Gaza sont au bord de l’effondrement total». 

Les cuisines collectives, souvent seul recours pour un repas quotidien, risquent de s’arrêter dans les prochaines semaines. Les hôpitaux, faute de médicaments, sont au bord de la rupture. 

Le Programme alimentaire mondial annonce avoir «épuisé tous ses stocks». Les boulangeries ferment les unes après les autres, faute de farine. La famine n’est plus une crainte : c’est une réalité.

Mike Ryan, Directeur général adjoint de l’Organisation mondiale de la santé, a pour sa part brisé le ton diplomatique habituel. A Genève, le 1er mai, il a lancé, la gorge serrée : «ce qui se passe à Gaza est une abomination». 

Et d’ajouter, dans un cri de colère rare pour un haut fonctionnaire international : «nous brisons le corps et l’esprit des enfants de Gaza. Nous affamons les enfants de Gaza (...) Si nous n’agissons pas, nous serons complices de ce qui se passe sous nos yeux».

Cette complicité silencieuse, Amnesty International la dénonce elle aussi sans détour. Dans son rapport annuel publié le 29 avril, l’ONG parle de «génocide en direct» et accuse Israël d’actes qui relèvent des pires crimes contre l’humanité : meurtres, atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale, déplacements forcés et destruction délibérée des conditions de vie. 

«Le monde assiste sur ses écrans à un génocide en direct (…) Les Etats ont regardé, comme s'ils étaient impuissants, Israël tuer des milliers de Palestiniennes et de Palestiniens, massacrant des familles entières sur plusieurs générations et détruisant des habitations, des moyens de subsistance, des hôpitaux et des établissements scolaires», écrit Agnès Callamard, sa secrétaire générale.

Bien sûr, Israël récuse avec véhémence ces accusations, qualifiant les propos d’Amnesty de «mensonges sans fondement». 

Le gouvernement de Benjamin Netanyahu, qui ne recule devant aucun effet de manche, affirme que son «objectif suprême» est la défaite du Hamas. Mais à voir les photos de bébés amputés, les vidéos de femmes pleurant leurs enfants et hurlant devant les ruines de leur maison, ainsi que ces longues files d’hommes squelettiques quémandant un peu d’eau ou un pansement, on se demande si c’est vraiment le Hamas la cible de Tsahal. 

 

Quid de la communauté internationale ?

Et la communauté internationale, que fait-elle ? Elle regarde, ponctue son inaction de communiqués fades et multiplie les appels sans suite. Le haut-commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU, Volker Türk, a beau dénoncer une «catastrophe humanitaire» et rappeler que «tout recours à la famine comme méthode de guerre constitue un crime de guerre», ses mots sont inaudibles et les enfants continuent de mourir.

Pendant ce temps, les Etats-Unis, principal allié d’Israël, bloquent toute résolution contraignante à l’ONU. L’Europe, engluée dans ses contradictions et sa mauvaise conscience historique, souffle le chaud et le froid à la fois : condamnations symboliques d’un côté, ventes d’armes et coopérations militaires avec Israël, de l’autre. 

Bref, ce qui se passe à Gaza n’est plus une guerre. C’est un processus d’extermination méthodique de tout un peuple. C’est, comme le dit Amnesty, un génocide en direct. Qui, loin de sécuriser Israël, empêche toute réconciliation et alimente une haine durable.

 

F. Ouriaghli

 

 

 

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