La Haye, 15 jan 2019 (AFP) - Laurent Gbagbo a été acquitté mardi de crimes contre l'humanité par la Cour pénale internationale (CPI), qui a ordonné la mise en liberté de l'ancien président de la Côte d'Ivoire, infligeant un nouveau revers à la justice internationale.
"La Chambre fait droit aux demandes d'acquittement présentées par Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé (ex-chef du mouvement des Jeunes patriotes, fidèles à M. Gbagbo) concernant l'ensemble des charges" retenues contre eux et "ordonne la mise en liberté immédiate des deux accusés", a déclaré le juge président Cuno Tarfusser.
Le juge a ajouté que cette décision avait été prise à l'unanimité car "l'accusation ne s'est pas acquittée de la charge de la preuve conformément aux critères requis" par la justice internationale.
La mise en liberté des deux accusés est cependant suspendue jusqu'à mercredi afin de laisser le temps à l'accusation de répondre à la décision historique rendue par la CPI.
M. Gbagbo, 73 ans, et M. Goudé, 47 ans, sont tombés dans les bras l'un de l'autre après la décision du juge, sous les applaudissements de leurs sympathisants présents dans la tribune publique de la salle d'audience.
En Côte d'Ivoire, la nouvelle de la prochaine libération de M. Gbagbo a été saluée par des cris de joie, des danses et des concerts de klaxons à Gagnoa, la ville natale de l'ancien président.
"Je suis content. Il n'a rien fait de mal et il a fait 7 ans de prison. C'est important qu'il soit libéré, c'est notre leader", a affirmé un de ses partisans, Bertin Sery.
Premier ancien chef d'État à avoir été remis à la Cour, M. Gbagbo était jugé pour des crimes commis pendant la crise post-électorale de 2010-2011, née de son refus de céder le pouvoir à son rival, l'actuel président ivoirien Alassane Ouattara. Les violences avaient fait plus de 3.000 morts en cinq mois.
Les deux hommes étaient accusés de quatre chefs de crimes contre l'humanité : meurtres, viols, persécutions et autres actes inhumains, pour lesquels ils ont toujours plaidé non coupable.
La décision des juges, très attendue en Côte d'Ivoire, est un nouveau camouflet pour la CPI. Les tentatives précédentes de la Cour afin de juger des personnalités politiques de haut rang - la plupart en Afrique - ont toutes rencontré des obstacles.
Dernier acquittement en date, celui de l'ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba en juin 2018.
Il avait d'abord été condamné à 18 ans de prison pour des crimes commis par sa milice en Centrafrique entre 2002 et 2003.
M. Gbagbo était en détention depuis sept ans à La Haye, où siège la CPI.
Après avoir occupé le palais présidentiel pendant plusieurs mois, Laurent Gbagbo avait finalement été arrêté en avril 2011 par les forces du président Ouattara, soutenues par les Nations unies et la France, avant d'être remis à la CPI.
L'ex-chef d'État s'est "accroché au pouvoir par tous les moyens", a martelé l'accusation, qui a convoqué plus de 80 témoins depuis le début du procès en janvier 2016.
Celui-ci repose sur une "déformation de l'histoire", a de son côté affirmé la défense l'année dernière. Lors d'une audience en décembre, elle a argué que l'ancien président, "âgé et fragile", ne poserait aucun risque de fuite.
Dans une démarche inhabituelle, les juges de la CPI avaient ordonné l'année dernière aux procureurs de clarifier les preuves.