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La volatilité du gaz pousse Macron à s’envoler en Algérie

La volatilité du gaz pousse Macron à s’envoler en Algérie

C’est la deuxième visite du président de la République française, Emmanuel Macron, en Algérie. À chaque fois, c'est sous haute tension que le chef d’État français se rend à Alger. Cette fois encore, il doit éteindre le torchon qui brûle entre Alger et Paris, relancer les partenariats politiques et surtout économiques qui sont au point mort depuis plusieurs mois.

 

 Par Abdelhak Najib
 Écrivain-journaliste

Cette visite officielle de trois jours et deux nuits à Alger et Oran, sous invitation du président algérien, Abdelmajid Tebboune, obéit au même lexique diplomatique de façade :  «approfondir la relation bilatérale tournée vers l'avenir au bénéfice des populations des deux pays, renforcer la coopération franco-algérienne face aux enjeux régionaux et poursuivre le travail d’apaisement des mémoires», précise le communiqué de l’Élysée.

Mais au-delà des déclarations de base dans ce type de visite, il y a ce qui se joue dans les coulisses et qui sous-tend les véritables raisons de ce déplacement. Si la France parle volontiers de certaines exigences et ajustements qui doivent être mis en place par l’Algérie, du genre: «Il faudrait quand même qu’il y ait des gestes d’Alger sur un certain nombre de nos demandes que sont les laissez-passer consulaires, les affaires économiques». Le but unique et principal demeure l’approvisionnement en gaz, un gros problème posé pour Paris, depuis l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe en février 2022. Il a suffi de six mois de grave crise énergétique pour que Paris change son fusil d’épaule et tend la main à une Algérie pourtant décriée depuis plus de trois ans par plusieurs membres du gouvernement Macron et par le président lui-même qui a multiplié les sorties provoquant l’ire des généraux algériens, qui mènent le pays à la baguette.

Dans ce sens, il ne faut pas oublier que l’Algérie demeure tout de même le troisième fournisseur de l’Europe en gaz. Et que pour la France, c’est un très bon super marché pour assurer une alimentation en flux tendu en hydrocarbures en France, l’un des pays européens, qui a lourdement payé la fracture énergétique causée par Vladimir Poutine, mettant à genoux toute une économie, qui tire la langue et ne sait plus comment s’en sortir étant 100/100 dépendante du pétrole et du gaz.

Profitant de cette pénurie, la Sonatrach, le géant pétrolier et gazier public algérien, a même fait savoir, en février 2022, sa décision d’investir 40 milliards de dollars entre 2022 et 2026 dans l'exploration, la production et le raffinage du gaz. Autrement dit, Alger se positionne en sauveur des Européens, malgré le fait qu’elle ne peut en aucun cas répondre aux demandes européennes en gaz étant donné que la production ne suit pas, et que jusqu’au 25 août 2022, les volumes de gaz de l’Algérie sont très limités et ne peuvent satisfaire tous les partenaires européens, d’où ce pion avancé par Paris, qui joue ici sur plusieurs tableaux.

D’abord rétablir l’entente avec Alger, assainir le climat pourri entre les deux pays, et répondre aux conditions d’Alger dont le point nodal reste la question du Sahara et le conflit ouvert avec le voisin marocain. Quelle sera l’attitude du président Macron ? On le saura très vite. À moins d’une volte-face de la part de Paris, ce qui serait une erreur politique lourde de sens pour la présence française dans une Afrique, qui a montré depuis plusieurs années qu’elle se passe du paternalisme de Paris se tournant vers des pays comme la Chine et la Russie, qui traitent les Africains de partenaires et non de vassaux.
La fin de cette Françafrique signifie aussi que Macron doit jouer aux équilibristes pour garder de bonnes relations avec Rabat et avec Alger. Ce qui est une équation inextricable. À moins d’opter pour le double-jeu, ce qui est une spécialité française affirmant une chose et faisant derrière les rideaux tout le contraire.

Il faut bien se résoudre au fait que la Realpolitik peut souvent exiger ce type de flou, mais la situation de Macron aujourd’hui est plus qu’intenable. Il est obligé, dans un sens, de faire un geste fort vis-à-vis de l’Algérie tout en ménageant Rabat. Comment y arriver ? Il faut qu’il soit un fin négociateur doublé d’un grand stratège, promettant ce qu’il ne peut tenir en attendant une improbable crise en Europe.

Il lui reste la carte des mouvements de protestation au cœur de l’Algérie. Le Hirak peut servir de contrepoids puisqu’au moins treize organisations de la diaspora algérienne attendent des positions claires d’Emmanuel Macron sur l'état actuel des droits humains en Algérie.

Des organisations qui avancent des arguments de poids que Macron ne peut écarter sans faire un grand faux-pas politique : «Près de dix mille arrestations suivies d'au moins un millier de détentions provisoires abusives en violation du code pénal sont à l'actif de ce régime depuis le début des manifestations prodémocratie du Hirak, lancé en février 2019 (…) les quelques acquis obtenus au prix de décennies de lutte et d'engagement citoyen (...) sur la liberté d'expression, d'organisation, de manifestation, de presse et de l'activité politique sont en net recul, voire en voie de disparition», comme on peut le lire dans une déclaration conjointe de ces organisations.

Il est fort à parier que le président français fera l’impasse sur cette épineuse question des droits de l’Homme, dans un régime totalitaire, dirigé par une junte militaire, qui le crie haut et fort aux yeux du monde, et en toute impunité.

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