Le 27 juillet 2023 s’est ouverte à Saint-Pétersbourg, en Russie, la deuxième édition du sommet Russie-Afrique. Un rendez-vous placé sous le signe de la consolidation des partenariats avec certains pays africains.
Ce sommet Russie-Afrique attendu depuis sa 1ère édition qui a eu lieu en 2019, est considéré par le Kremlin et par le président russe, Vladimir Poutine, comme un «événement majeur» pour les relations russo-africaines. Il a lieu les 27 et 28 juillet 2023, à Saint-Pétersbourg, avec la ferme ambition de donner un coup d’accélérateur aux partenariats dans les domaines politique, sécuritaire, économique, scientifique et culturel.
Pour cette édition 2023, les organisateurs ont mis en place un Forum économique, qui est organisé dans le cadre du sommet avec un volet dédié aux dossiers humanitaires, dans l’objectif de diversifier ce partenariat stratégique initié par Moscou dans une optique de «développement à long terme», a souligné le porte-parole du Kremlin. C’est dans ce sens, et pour mieux préparer ce sommet, dans ses différents volets, que la Russie a multiplié, ces derniers mois, les messages de soutien envers l’Afrique ainsi que les missions diplomatiques.
On s’en souvient, en janvier 2023, le ministre des Affaires étrangères, Sergeï Lavrov, a effectué deux tournées africaines dans plusieurs pays pour poser en amont les assises de cette conférence très importante pour Vladimir Poutine qui veut étendre ses relations en Afrique et gagner la confiance de plusieurs pays du continent, faisant ainsi face à l’isolement qui lui est imposé par l’Occident. C’est aussi une manière de revoir les cartes russes au niveau des échanges commerciaux qui demeurent très en deçà des attentes de Moscou et de l’Afrique.
Ainsi, des secteurs importants de coopération entre la Russie et l’Afrique, comme le domaine de l’armement, sont les plus urgents puisque depuis une décennie, Moscou affirme vouloir renforcer ses partenariats militaires avec de nombreux pays comme le Cameroun, l’Éthiopie, l’Afrique du Sud, la Centrafrique ou bien le Mali.
Ces accords viennent donner suite à une vieille tradition qui remonte à l’époque des indépendances. A cette époque, l’Union Soviétique avait fourni des armes à de nombreux pays africains. Mais la continuité n’a pas pu avoir lieu après la chute du bloc soviétique. Un retard que le Kremlin compte rattraper avec l’aide de la milice Wagner qui a déjà posé ses jalons ces dernières années dans des pays comme la Centrafrique, le Mali, le Soudan ou encore la Libye.
C’est dans ce sens qu’il faut comprendre qu’entre 2018 et 2022, la Russie a réussi un virage important en détrônant la Chine en tant que premier exportateur d’armes en Afrique subsaharienne, comme on peut le lire dans un rapport de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, passant de 21% à 26% de parts de marché. Ce même rapport nous apprend que «les livraisons d’armes à l’Afrique ne représentent qu’une petite part des exportations d’armes de la Russie (12% en 2022) dont le volume global a par ailleurs connu une baisse significative au cours des dernières années et davantage avec la guerre en Ukraine».
Une réalité relevée par de nombreux spécialistes qui affirment que : «Les exportations militaires en Afrique ne sont pas les plus significatives pour la Russie, ni en termes de niveau technologique, ni en termes de recettes en devises, bien qu’elles constituent l'un des vecteurs de l'influence russe dans la région», a précisé Julien Vercueil, économiste spécialiste de la Russie et vice-président de l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco).
C’est le même son de cloche qu’on peut lire chez Maxime Ricard, chercheur spécialiste de l’Afrique de l'Ouest à l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (Irsem), qui souligne que : «À l’échelle de la Russie, ces livraisons demeurent relativement faibles, mais elles ont un intérêt stratégique pour l'influence de la Russie en Afrique. En soutenant des élites politiques peu regardantes sur les droits humains, elles ont une dimension politique importante car elles participent au renforcement de régimes autoritaires. Pour les dirigeants des États comme le Mali ou le Burkina Faso, le partenariat militaire avec la Russie est un gros enjeu, particulièrement depuis qu’ils ont demandé le retrait des forces françaises».
Ceci en ce qui concerne le volet sécuritaire. Dans d’autres domaines, la Russie a réussi à stabiliser un important partenariat agricole avec les pays africains, dont elle est le premier fournisseur de blé au monde. Dans ce sens, ce forum Russie-Afrique se tient à un moment crucial et tendu, puisque Moscou vient de se retirer de l’accord permettant l’exportation de céréales ukrainiennes par la mer Noire. Ce sommet est donc une occasion de traiter ce dossier épineux qui menace la sécurité alimentaire de plusieurs régions africaines.
Abdelhak Najib