Vers la moitié du mois d’août, les Américains prédisaient que les Talibans devraient arriver à Kaboul après 90 jours. Et bien non, 90 heures ont été largement suffisantes pour mettre la main sur la ville.
Une chose est sûre, l’invasion se préparait depuis de longs mois devant le silence et l’inertie suspecte des forces occidentales, qui disaient suivre de très près la situation en Afghanistan. Un suivi si efficace qu’ils n’ont pas vu venir la dernière salve qui a fait fléchir la capitale Kaboul et 99% du territoire afghan, y compris les zones tribales farouchement opposées au régime des Talibans !
Quoi qu’il en soit, c’est désormais acté : l’Afghanistan passe encore une fois sous contrôle des forces talibanes. Celles-ci ont tenu face aux armées américaines déployées sur place et face aux forces de la coalition internationale dont le bilan n’est autre qu’un échec politique total après vingt ans d’occupation et de guerre larvée.
Avant d’analyser les tenants et les aboutissants de cette reconquête par les Talibans, intéressons-nous aux réalités du terrain dans un pays qui vit en guerre depuis plusieurs siècles. En effet, cette terre afghane a de tout temps été le terrain de jeu de tous les conflits. Et ce, à cause de sa mosaïque ethnique qui se compose de Pachtounes, de Hazaras, de Tadjiks, d’Aïmaks, de Turkmènes, de Nouristanis et d’autres minorités telles que les Baloutches et les Pashaïs. Toute cette diversité d’origines se voue des inimitiés historiques nourries aux interventions des forces coloniales venues d’Asie ou d’Occident. Avec un point d’orgue entre 1979 et 1989, qu’est la guerre contre l’armée rouge soviétique qui s’est soldée par la débâcle des Russes.
Entre 1991 et 2001, s’est entamé un cycle infernal de grande confrontation entre l’armée de Ahmad Shah Massoud et les ancêtres des Talibans. Ce qui donne corps, le 7 octobre 2001, à une vaste offensive militaire américaine suite aux attentats du 11 septembre 2001.
A peine deux mois plus tard, le 6 décembre, les Talibans capitulent, eux qui étaient au pouvoir depuis 1996. Les 20 années de conflit qui suivirent, aboutissent aujourd’hui au retour des Talibans qui n’ont jamais abdiqué ni quitté le territoire afghan. Le 16 août 2021 marque donc la victoire des forces talibanes après l'effondrement des forces gouvernementales et la fuite à l'étranger du président Ashraf Ghani.
En 10 jours, le mouvement islamiste radical, qui avait déclenché une offensive en mai 2021, à la faveur du début du retrait des troupes américaines et étrangères, a pris le contrôle de la quasi totalité du pays, miné par la pauvreté et les inégalités sociales.
Il faut y voir, encore une fois, un camouflet pour l’armée américaine qui a mis à feu et à sang toute une région pour s’en aller en laissant la terre en friche et le conflit à son comble. C’est le même constat pour toutes les forces internationales qui étaient en faction sur place et qui ont quitté le navire laissant le peuple afghan face à la férocité des Talibans, qui affirment aujourd’hui, face aux caméras et sur les réseaux sociaux (plus pour amuser la galerie que pour rendre compte de leurs réelles intentions : «la guerre est finie, et tout le monde est pardonné». Sauf que l’Histoire nous a appris que jamais, le mot pardon n’a eu droit de cité sur le sol afghan. Ce qui nous amène au cœur de cette réflexion qui se focalise en guise de conclusion sur le sort réservé aux populations afghanes, dans leur grande diversité et surtout aux femmes afghanes qui ont toujours payé un lourd tribut à la guerre et aux obscurantismes. Nous le savons, les femmes sont la première cible d’un régime misogyne, qui considère la femme comme un «animal». Elle est maltraitée. Elle est violée. Elle est mariée par force si jeune. Elle est mutilée dans son corps. Elle est déportée. Elle est incarcérée. Elle est jugée sur la place publique et condamnée à mort par lapidation. Comme nous l’avons si souvent vu au cours des longues années d’exactions criminelles de factions talibanes très hostiles aux libertés. Malgré tous les discours de circonstance aujourd’hui, pour amadouer la communauté internationale, les convictions des Talibans sont claires et ne souffrent d’aucune ombre : pas d’école, pas de travail et aucun droit ni pour les femmes ni pour les petites filles. Encore plus pour l’ensemble de la population qui doit encore une fois changer de mœurs et de coutumes. Une population qui doit se plier aux obligations strictes d’une charia inventée de toutes pièces pour réduire les citoyens au silence et à la peur constante.
Dans cette configuration dont les contours se sont déjà dessinés, il n’y a certes pas de place pour les ONG internationales qui veulent plaider la cause des libertés individuelles sous un régime liberticide. Il n’y a pas de place pour les associations de protection de la femme et des jeunes filles. Place au pouvoir et aux fouets.
Nous allons y assister en direct : ce régime taliban de retour aux commandes fera pleuvoir le feu de toutes les vengeances pour solder le compte de 20 ans de bras de fer avec l’Occident.
Entre-temps, le monde se confond en déclarations vides de tout sens. Joe Biden appelle les Afghans à défendre leur autodétermination comme si les populations avaient le pouvoir de le faire. Les USA ont délibérément oublié que ce sont eux qui ont créé ce mouvement belliqueux qui ne jure que par la guerre et le sang. Quant à Emmanuel Macron, son unique souci, c’est le flux migratoire vers l’Europe. Il s’est d’ailleurs empressé de rapatrier ses ressortissants et ceux qui ont collaboré avec la France.
Les images horribles d’avions quittant les tarmacs témoignent des populations apeurées, affolées et hagardes. Des individus, des citoyens qui courent derrière les réacteurs dans un désespoir sans appel.
Voici en gros la situation telle qu’elle est aujourd’hui après la prise du pouvoir par les forces talibanes : un pays en ruines. Nous avons un État de non-droit. Nous avons un champ de bataille ouvert sur tous les drames et tous les désastres. Nous avons une communauté internationale en spectatrice. Nous avons des populations qui s’attendent au pire pour l’avoir déjà vécu à plusieurs reprises et à chaque fois que les Talibans ont repris les commandes de ce pays.
Voici le temps des horreurs et des obscurantismes face à l’inertie internationale et un G7 qui se tIendra la semaine prochaine.
Pourquoi faire ? Il a fallu le tenir avant n’est-ce pas ?
Par Abdelhak Najib