Quand on se penche sur les réalités africaines en termes de sécurité alimentaire, il faut faire attention aux conclusions de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) qui a travaillé sur le rapport entre les réserves mondiales de blé et la volatilité des prix, et sur leur impact sur les économies les plus vulnérables.
Il en ressort que les tensions sur les stocks au cours des 18 derniers mois ont aggravé la volatilité et fragilisé la sécurité alimentaire mondiale. Une volatilité qui reste élevée par rapport aux tendances historiques des prix des céréales. Un autre indice fort des incertitudes qui continuent de planer sur les marchés du blé.
Dans le même temps, force est de constater que depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le monde vit au rythme d’une vague de mesures sur les exportations et les importations de denrées.
L’une des premières conséquences de ce déséquilibre montre que la crise alimentaire mondiale a été aggravée par l’intensification des restrictions commerciales mises en place par les pays dans le but d'accroître l’offre intérieure et de faire baisser les prix.
Il faut ici retenir un chiffre très parlant : jusqu’à mars 2023, 23 pays ont imposé 29 interdictions d'exportation sur certains produits agricoles et dix pays ont adopté 14 mesures limitant les exportations. Un coup dur supplémentaire qui consacre l’insécurité alimentaire surtout pour les pays les plus vulnérables.
Ceci a des répercussions directes sur le terrain, puisque selon les données du Rapport mondial sur les crises alimentaires 2022, le nombre de personnes en situation d'insécurité alimentaire aiguë et nécessitant une aide humanitaire d’urgence devrait atteindre 205 millions dans 45 pays.
Cela montre à quel point l’économie mondiale est fragile et qu’elle ne subit pas les mêmes impacts d’une région à une autre.
Si, aujourd’hui l’Europe compte plus de 110 millions de pauvres, l’Afrique, elle, selon la trajectoire actuelle, va compter 479 millions d’Africains (soit 28,1% de sa population) qui vivront dans une extrême pauvreté d’ici 2030.
Cette estimation indique que l’Afrique centrale continuera d'être la région la plus pauvre, avec un taux de pauvreté extrême de 44,6% en 2030.
L'Afrique du Nord consoliderait ses résultats avec un taux de pauvreté extrême de 1,8%. Bien qu’une chute du taux de pauvreté soit prévue pour tous les pays, les tendances varieraient.
Neuf pays (Algérie, Cap-Vert, Égypte, Gabon, Libye, Maroc, Maurice, Seychelles, Tunisie) atteindront la cible des ODD d'ici 2030.
Inversement, le taux de la population vivant dans l'extrême pauvreté continuera à être supérieur à 30% dans 24 autres pays. A l’horizon 2043- année de la fin du deuxième cycle décennal de l’Agenda 2063 de l’Union africaine (UA)- l’Afrique peinera encore à atteindre les ODD de 2030.
A ce moment-là, les personnes extrêmement pauvres du continent constitueront 17,8% de sa population. Ce qui est inquiétant, c'est que sept pays africains auront encore des taux de pauvreté extrême supérieurs à 30% d'ici 2043.
Cependant, avec des interventions politiques adéquates et un soutien politique approprié, l'Afrique pourrait réduire considérablement l'extrême pauvreté au cours des deux prochaines décennies.
Il est donc nécessaire d’adopter une approche intégrée qui s’attaque à la transition démographique, à la corruption, à la mauvaise gouvernance, à la pénurie d'infrastructures, au manque d'intégration commerciale régionale et à la mauvaise qualité de l'éducation.
Selon de nombreux rapports mondiaux, cette approche combinée (le scénario combiné de l’Agenda 2063) peut abaisser la pauvreté extrême à 6,4% d'ici 2043. Autrement dit, une révolution agricole pourrait, à elle seule, sortir 110 millions de personnes de l'extrême pauvreté à l’horizon 2043.
Abdelhak Najib