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La Quotidienne : Tout d’abord, quelle est la finalité stratégique que vous assignez à EPIK leaders ? Le mouvement se limite-t-il à former des leaders pour le Maroc, ou porte-t-il l’ambition de créer une élite panafricaine capable de peser sur les décisions continentales ?

Mahmoud Cherkaoui Salhi : Notre horizon a toujours été continental. Quand nous avons créé EPIK leaders début 2025 avec Dr Nizar Chaari, le Maroc a été choisi comme point de départ, non pas comme une fin en soi. Ce pays est notre base de lancement, notre laboratoire d’idées et d’actions, grâce à son écosystème académique riche, son tissu entrepreneurial dynamique et ses institutions engagées. Mais notre ambition a toujours été résolument panafricaine.
Nous croyons fermement que les grands défis de l'Afrique, qu'il s'agisse de la gouvernance, de l'économie ou de la cohésion sociale ne peuvent être relevés qu'en construisant des ponts entre les nations et en partageant des valeurs communes de leadership, d'éthique et d'initiative.

C’est pourquoi nous travaillons à former une élite de jeunes leaders capables de penser au-delà des frontières et d’influencer les décisions à l’échelle du continent. Former ces leaders n’est pas seulement une ambition, c’est une urgence. Car les enjeux de demain à savoir emploi, climat, migrations et inclusion numérique, ignorent les frontières.

Ils exigent des femmes et des hommes intègres, visionnaires, qui osent inventer des solutions inédites et incarner une responsabilité collective.

Notre mission est de donner à cette jeunesse les compétences, les réseaux et la confiance nécessaires pour transformer leur potentiel en action. L’Afrique est riche de ses cultures, de ses talents et de sa créativité. Avec EPIK leaders, nous voulons convertir cette richesse en une force d’influence et d’impact, capable de placer la jeunesse africaine au cœur des décisions stratégiques qui façonneront l’avenir du continent.

LQ : Pourquoi avoir choisi le format d’une tournée nationale de 45 jours pour lancer cent clubs, et comment garantir que ces structures ne resteront pas symboliques mais deviendront de véritables espaces d’action ?

M.C.S : La tournée nationale de 45 jours n’est pas un simple événement de lancement, c’est une véritable déclaration d’intention. Elle nous permet d’aller à la rencontre de la jeunesse dans toutes les régions du Maroc, de Tanger à Dakhla, pour semer les graines d’un leadership inclusif. Nous ne voulons pas de structures symboliques. Chaque club est une antenne opérationnelle, un centre de formation et d’action.

Pour garantir leur vitalité, nous avons conçu un modèle exigeant. Chaque club est intégré dans un programme annuel riche et diversifié, qui alterne formations, projets collectifs, défis d’innovation et campagnes citoyennes. Nous avons retenu une pédagogie fondée sur le «learning by doing».

Nos jeunes apprennent en créant, en débattant, en s’engageant dans des actions qui transforment leur environnement immédiat. Ils bénéficient aussi d’un accompagnement continu, avec un suivi régulier, du mentorat assuré par nos alumnis et des passerelles avec les institutions et les entreprises partenaires.

Cette tournée est aussi un signal envoyé au monde économique et académique. A cet effet, les clubs EPIK leaders ne sont pas de simples associations étudiantes, mais des espaces où émergent des solutions concrètes aux défis de demain.

En attirant des hommes et des femmes, des Marocains et des étudiants subsahariens, nous voulons refléter la diversité culturelle du Royaume et de l’Afrique. C’est cette pluralité qui garantit la force et la pérennité du mouvement.

LQ : Comment des clubs de leadership étudiant peuvent-ils avoir un impact réel sur des enjeux aussi vastes que l’éducation, l’économie ou la cohésion sociale ?

M.C.S : Les clubs étudiants ne sont pas des entités isolées; ils sont des leviers de changement. En se mobilisant sur des problématiques concrètes, ils influencent directement l’éducation, l’économie et la cohésion sociale.
Prenons l'éducation : nos clubs organisent des sessions de mentorat, des ateliers sur le développement personnel et des forums de discussion avec des professionnels.

Ces activités favorisent l’orientation, renforcent les compétences transversales et améliorent l’employabilité. Sur le plan économique, ils initient des projets d'entrepreneuriat, créent des partenariats avec le secteur privé et sensibilisent aux enjeux de l'économie verte. Enfin, sur le terrain de la cohésion sociale, leur impact est immédiat.

Ils lancent des campagnes de solidarité, des initiatives de reboisement, des collectes de sang. Ils promeuvent la diversité culturelle à travers des événements artistiques et interculturels, renforçant le dialogue et l’ouverture d’esprit. Ce sont ces expériences qui forgent une conscience citoyenne et créent un ancrage territorial fort.

L’impact est donc à la fois local et tangible. Chaque club agit sur son campus et dans sa ville, mais tous s’inscrivent dans une dynamique nationale et continentale. Ce maillage progressif est la clé pour transformer de petites actions en une grande force collective.
 
LQ : Vous évoquez un déploiement aux Comores, au Sénégal, au Mali et en Tunisie. Quelles stratégies adaptez-vous à chaque contexte national pour que l’initiative ne soit pas perçue comme une exportation uniforme du modèle marocain ?

M.C.S : Le déploiement d'Epik leaders au-delà du Maroc est guidé par une approche de diplomatie académique et associative. Nous ne souhaitons pas exporter un modèle uniforme. Au contraire, notre stratégie est d'adapter notre initiative à chaque contexte national.

Aux Comores, au Sénégal, au Mali ou en Tunisie, nous travaillons en étroite collaboration avec les acteurs locaux tels que les universités, associations étudiantes, et institutions pour co-construire notre présence. Cela garantit que nos actions répondent aux besoins spécifiques de chaque pays tout en respectant leur identité culturelle.

Aux Comores, l’enjeu est de renforcer l’inclusion insulaire. Au Sénégal, il s’agit de capitaliser sur un écosystème entrepreneurial en pleine expansion. En Tunisie, nous devons reconnaître une tradition forte de mouvements étudiants. Au Mali, la priorité est l’employabilité et le lien avec les territoires ruraux.

Cette approche favorise un véritable dialogue Sud-Sud et contribue activement au rapprochement des peuples, montrant que les solutions aux défis africains peuvent venir de l'Afrique elle-même, par un échange mutuel et respectueux.

Nous voulons bâtir la plus vaste communauté panafricaine de leadership étudiant, mais nous savons que sa légitimité dépendra de notre capacité à écouter, à adapter et à relier. Notre ambition est continentale, mais nos méthodes sont toujours locales.

 LQ : Quelles qualités sont aujourd’hui indispensables aux jeunes leaders africains pour relever les grands défis du continent ?

M.C.S : Les jeunes leaders africains d'aujourd'hui doivent incarner un ensemble de qualités essentielles. L'intégrité est fondamentale, car sans éthique, le leadership est vide de sens. L'innovation est cruciale pour trouver des solutions originales au chômage et aux défis économiques.

La résilience est indispensable pour faire face à l'instabilité et aux crises. Enfin, la vision panafricaine est la qualité la plus importante. Ces leaders doivent penser au-delà de leurs propres frontières pour aborder des problèmes transnationaux comme le changement climatique ou les migrations. 
EPIK leaders s’inscrit pleinement dans cette logique de soft power africain, en créant des espaces où la jeunesse peut se former, se connecter et agir.

C’est précisément dans cet esprit que nous lancerons en janvier 2026 EPIK 100, une initiative panafricaine dédiée à la reconnaissance de 100 jeunes leaders africains dont l’engagement, le parcours et l’impact sociétal transforment concrètement leurs communautés.

EPIK 100 n’est pas une simple distinction; c’est une plateforme d’inspiration et de mise en réseau, pensée pour faire émerger des figures de référence pour toute une génération. Mettre en lumière ces trajectoires, c’est montrer que le leadership africain existe déjà, qu’il est pluriel, responsable et orienté vers l’impact.

C’est ainsi que pourra émerger une génération capable de transformer son potentiel en influence durable, au service de l’Afrique et de ses citoyens.