Le gouvernement table sur une croissance moyenne de 4% sur la période 2023-2025.
C’est bien peu par rapport aux ambitions que se fixe le nouveau modèle de développement.
Par D. William
Les principales orientations du Projet de Loi de Finances 2023 sont désormais connues. Le Rapport d’exécution budgétaire et de cadrage macroéconomique triennal, qui vient d’être rendu public, donne ainsi un large aperçu des priorités retenues par le gouvernement dans cet environnement économique international très tendu, marqué par la guerre entre la Russie et l’Ukraine et la flambée des prix des denrées alimentaires et des produits énergétiques.
Quatre domaines d’intervention prioritaires ont été définis : le renforcement des fondements de l’Etat social, la relance de l’économie nationale à travers le soutien de l’investissement, la consécration de la justice spatiale et le rétablissement des marges budgétaires pour assurer la pérennité des réformes. La mise en œuvre du PLF 2023 devrait ainsi aboutir à une croissance économique de 4,5% en 2023, après 1,5% en 2022.
Cette projection retient comme hypothèses une production céréalière de 75 millions de quintaux, un cours du gaz butane à 700 dollars la tonne, un taux de change Dollar/Dirham à 9,8, une demande étrangère adressée au Maroc (hors produits de phosphates et dérivés) à 4,5% et un cours moyen du baril de brent à 98,6 dollars. A l’horizon 2025, les prévisions tablent sur «une poursuite du dynamisme de l’activité économique nationale pour enregistrer une croissance de 3,8%».
De fait, la croissance moyenne sur la période 2023- 2025 serait de 4%. Ces prévisions appellent plusieurs remarques et posent la problématique de la dépendance de l’économie marocaine à nombre de facteurs exogènes et endogènes. Parmi eux, il y a la situation internationale, avec notamment la reprise post-covid et la guerre russo-ukrainienne qui ont créé des goulots d’étranglement au niveau des chaînes d’approvisionnement et perturbé le marché mondial des matières premières.
Conséquence : une forte flambée des prix des denrées alimentaires et des produits énergétiques, créant des niveaux d’inflation exceptionnels dans presque tous les pays. Cette situation place les partenaires du Maroc dans un inconfort économique qui peut avoir des répercussions négatives sur la demande adressée au Royaume. Et ce, dans un contexte où l’instabilité de la situation géopolitique internationale et ses conséquences économiques sont entretenues par le conflit en Ukraine, qui risque de perdurer. Par ailleurs, rappelons-le, l’agriculture reste le principal driver de la croissance marocaine.
Or, le Royaume reste confronté à des épisodes de sécheresse de plus en plus récurrents et de plus en plus sévères, qui impactent durement les campagnes agricoles. A preuve, pour la campagne 2021-2022, la production céréalière a fortement chuté pour se situer à 32 millions de quintaux (contre 103,2 millions de quintaux précédemment), soit une valeur ajoutée agricole qui devrait se contracter de -13% après une croissance exceptionnelle de 17,8% en 2021. En cela, avoir une croissance moyenne de 4% à l’horizon 2023-2025, c’est faire le pari que le Maroc réalise, trois années de suite, une campagne agricole moyenne, c’est-à-dire sans sécheresse.
Excès d’optimisme
Trop optimiste le gouvernement ? Oui, à moins qu’il ait sous la manche d’autres leviers structurants à activer pour booster la croissance. Ce qui n’est pas le cas pour le moment. Car, aujourd’hui, dans ce Maroc où le PIB non agricole n’est pas suffisamment robuste, la pluviométrie, sur laquelle il n’a aucune emprise, reste le principal déterminant d’une bonne campagne agricole, et donc de la croissance.
C’est pourquoi d’ailleurs il est question d’un nouveau modèle de développement (NMD), avec pour objectif principal de booster la croissance tout en construisant une économie plus égalitaire et plus inclusive. Sauf que si l’on se fie aux chiffres contenus dans le rapport de la Commission spéciale sur le modèle de développement, on aura plutôt tendance à dire que le gouvernement… manque d’ambitions. Et pour cause, le rapport, dévoilé en mai 2021, préconise d’accélérer la croissance pour atteindre un rythme moyen annuel supérieur à 6%, l’accession à ce nouveau palier devant permettre de doubler le PIB par habitant à l’horizon 2035. Nous en sommes très loin.
Surtout qu’en tenant compte du taux de croissance 2022 (1,5%), la croissance moyenne annuelle sur la période 2022- 2025 serait d’environ 3,4%. Le gap à rattraper est énorme. Et 2035, c’est demain. Il ne reste que peu de temps pour opérer cette profonde transformation structurelle de l’économie qui permettra au Maroc d’atteindre les objectifs fixés dans le cadre du NMD. Y arrivera-t-il ? C’est toute la question.