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Déficit hydrique : Punition collective

Déficit hydrique : Punition collective

La situation hydrique au Maroc, marquée par un déficit persistant, exige une réflexion sérieuse et des actions concertées. Les chiffres alarmants exposés par le ministre de l'Équipement et de l'Eau soulignent l'ampleur de la crise.

Selon Nizar Baraka, les rendements supplémentaires d'eau n’ont pas dépassé 646 millions de mètres cubes entre le 1er septembre 2023 et le 22 janvier 2024, tandis que le volume des réserves en eau des barrages a atteint au 22 janvier courant 3,74 milliards de mètres cubes, soit 23,2% du taux de remplissage contre 31,7% enregistré l'année dernière à la même date.

La moyenne des précipitations annuelles au niveau national a atteint, entre le 1er septembre 2023 et le 18 janvier 2024, 32,2 millimètres, soit une baisse de 51,4 millimètres comparé à la moyenne de la même période de l’année dernière (66,3 millimètres).

Le taux de remplissage des barrages en baisse, la diminution des réserves en eau, la baisse des précipitations et l'exploitation excessive des eaux souterraines, tous ces éléments pointent vers une vérité dont on ne peut plus se soustraire : la nécessité de repenser notre relation avec l'eau.

Raison pour laquelle les pouvoirs publics ont initié une méthode radicale : la punition collective. C’est sous ce prisme que nous sommes tentés d’apprécier les mesures drastiques prises par le wali de Casablanca le jeudi 25 janvier courant, appliquées aussi au sein de toutes les régions du Royaume. 
Sauf que les restrictions imposées à l'utilisation de l'eau potable pour le lavage des voitures, les activités des hammams, la plantation de gazon, l'arrosage des espaces verts… ne sont que des pansements sur une plaie béante. 

La crise hydrique, amplifiée par des années de sécheresse et les effets du changement climatique, exige une approche plus profonde et une réforme structurelle.

L'accent mis sur la nécessité de chasser le gaspillage de l'eau est certes nécessaire, mais cela ne suffit pas. Il est impératif d'aller au cœur du problème : le secteur agricole. Les politiques publiques doivent, d’abord, prioriser ce secteur, principal consommateur d'une ressource devenue précieuse.

L’économiste Najib Akesbi le disait tantôt dans nos colonnes : «toute action sérieuse, crédible et efficace à ce niveau-là doit se concentrer prioritairement sur l’agriculture qui capte… 87% de la ressource disponible». 
Clairement, il faut oser repenser la politique agricole du Maroc, vorace en eau. «Nous sommes arrivés à un stade où les choix de production, avec leur localisation, doivent être subordonnés à l'état des ressources, c'est-à-dire qu’on ne peut plus produire n’importe quoi, n’importe où. Autrement dit, les choix de politique agricole doivent être orientés par les deux seuls critères les plus importants : les ressources naturelles et la souveraineté alimentaire», analyse Akesbi.

 

Les barrages en question

«La disponibilité (potentielle) par habitant des ressources en eau renouvelables au Maroc a diminué, passant de 2.560 m3 par personne et par an en 1960 à près de 620 m3 par personne et par an en 2020, ce qui place le Maroc dans une situation de stress hydrique structurel. Le Maroc pourrait atteindre, d’ici la fin de la décennie en cours, le seuil de pénurie d’eau absolue qui est de 500 m3 par personne et par an», indique un rapport de la Banque mondiale.

Ce qui nous renvoie à une donnée fondamentale que l’on ne peut plus ignorer : le Royaume est confronté à un déficit hydrique devenu structurel, inhérent à une raréfaction tendancielle et inquiétante des apports en eau, à cause, entre autres, de sécheresses de plus en plus récurrentes et de plus en plus sévères.

Alors, ne faudrait-il pas revoir la politique de construction de barrages, traditionnellement perçus comme des solutions permettant de stocker l'eau et de faire face aux variations climatiques ?

En effet, dans pareil contexte, l'idée de limiter la construction de ces ouvrages doit être sérieusement considérée, surtout s’ils sont destinés à rester désespérément vides à cause d’une diminution structurelle des ressources hydriques.

Ce choix doit cependant s'inscrire dans un cadre plus large de stratégies diversifiées, à travers une exploration approfondie et équilibrée des alternatives pour une mobilisation efficace et une utilisation rationnelle et durable des ressources en eau.  

 

F. Ouriaghli

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