Hanoï, 25 mai 2025 : le soleil se couche, l’humidité colle aux chemises et l’avion présidentiel français touche le sol vietnamien. La porte de l’avion s’ouvre. Emmanuel Macron s’avance. Brigitte, en embuscade, surgit.
Deux mains jaillissent hors-champ et atteignent le visage du président. Qui recule d’un pas, comme surpris. Puis il se ressaisit, salue dignement, le menton droit et la pommette rougie, avant de descendre l’escalier présidentiel. Mais Brigitte ne saisit pas le bras tendu de son mari. Elle préfère la main courante.
Les images sont là. Brutes. Sans montage ni musique dramatique. Alors, le monde s’enflamme. Le couple présidentiel devient rapidement la nouvelle star des réseaux sociaux. Claque ? Scène de ménage en altitude ? Ou simple caresse énergique ? A l’Elysée, c’est le vent de panique. D’abord, on nie. «Vidéo trafiquée !», dit-on. Mais voilà, la source, c’est Associated Press. Oups. Revirement immédiat : «C’était une blague. Une chamaillerie. Un moment de complicité». Dans la version élyséenne, la gifle devient donc un moment de tendresse. Mais l’opinion publique internationale est circonspecte. Et chacun y va de sa lecture et de sa théorie. Et quand la Russie s’en mêle, ça donne ça : «Peut-être que c’était la main du Kremlin ?», ironise Maria Zakharova, porte-parole de la diplomatie russe. Russia Today multiplie les rediffusions.
Les chaînes publiques russes s’en donnent à cœur joie. Sur les réseaux sociaux, on s’en amuse. Les parodies se multiplient. Macron, lui, a tenté de reprendre la main depuis Hanoï : «Il faut que tout le monde se calme. Je plaisantais avec mon épouse. Comme on le fait souvent». La tentative de désamorçage a le mérite de la franchise. Mais soyons lucides ! Ce qui choque, ce n’est pas tant la «claque» que l’embarras qui l’entoure. Un président giflé (ou pas), une communication qui cafouille et des explications qui laissent un goût d’inachevé. Tout cela écorne l’image présidentielle. Et puis, l’on ne peut s’empêcher de poser une interrogation : et si les rôles avaient été inversés ?
Si Macron avait, dans un moment de complicité, levé la main sur sa femme, même pour rire ? Que n’aurait-on dit ? La polémique aurait été toute autre. Elle aurait été violente et accusatoire. Les féministes seraient montées au créneau pour crier à la violence conjugale. Macron aurait été livré à la vindicte populaire et lynché médiatiquement. Or, ici, on relativise. Et l’on s’attarde davantage sur l’«affront» subi par le président français que sur le geste de sa femme. Ce deux poids deux mesures médiatique est un sujet en soi.
Une femme gifle (ou mime de gifler) son mari : on parle de chamaillerie. L’inverse : on crie à la violence conjugale. C’est révélateur d’un biais culturel qui mérite d’être interrogé, même dans la légèreté. Alors, gifle ou pas gifle ? Complicité conjugale ou tension sous-jacente ? On ne saura peut-être jamais. Et au final, qu’a-t-on retenu de ce voyage officiel au Vietnam ? Un accord commercial ? Militaire ? Une déclaration sur l’Ukraine ?
Non. Ce qui s’est imprimé dans la mémoire populaire et ce que l’histoire retiendra, c’est cette «claque», le regard surpris d’un président et le bras ferme d’une première dame. On retiendra aussi que Macron est le premier Président de la Vème République à avoir été «giflé» par son épouse à 10.000 kilomètres de Paris, devant les caméras de l’Associated Press, tout en gardant la posture d’un chef d’Etat et la dignité d’un homme qui sait que l’image est tout. Chapeau, Monsieur le Président !