Plus d'infos Tout voir

Réforme du CNP : La fin du clair-obscur

Réforme du CNP : La fin du clair-obscur

En intégrant la majorité des recommandations du CESE et du CNDH, le projet de loi n°26.25 relatif à la réorganisation du Conseil national de la presse (CNP) ambitionne de clarifier son rôle, renforcer sa représentativité et adapter la régulation aux nouvelles réalités du paysage médiatique.

Que veut-on faire de la régulation de la presse au Maroc ? Quelle place souhaite-t-on donner à une profession qui cherche encore son nouvel équilibre dans un environnement caractérisé par les mutations technologiques, la bataille pour sa crédibilité et la pression économique ?

Ce sont à ces interrogations que tente justement de répondre le projet de loi 26.25, porté par le ministre de la Communication, Mohamed Mehdi Bensaid. Ce texte arrive comme un chantier de rénovation majeur attendu depuis longtemps visant à gommer les angles morts, les imprécisions et les zones d’ombre qui laissaient la profession se débrouiller dans un vide juridique inconfortable.

Lundi 2 décembre, à la Chambre des conseillers, lors d'une réunion de la Commission de l'enseignement, de la culture et de la communication, le ministre l’a rappelé sans ambages : 80% des observations du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) ont été prises en compte dans les amendements apportés au projet de loi.

Loin d’être un détail technique, ce chiffre illustre la volonté de bâtir un texte issu d’un véritable dialogue institutionnel. Ce n’est donc pas un simple toilettage, mais une réécriture tenant compte des avis de deux institutions constitutionnelles dont personne ne peut contester la légitimité en matière de gouvernance et de droits fondamentaux.

Bensaid a également insisté sur un point que la profession évoque depuis des années : la nécessité de renforcer la représentativité. Le fait d’intégrer des représentants de syndicats au sein du Conseil n’est pas anodin. C’est une réponse directe à ceux qui, jusqu’ici, dénonçaient un CNP parfois trop éloigné du terrain, trop institutionnel et trop «hors sol» pour être réellement le porte-étendard des journalistes marocains.

A cela, s’ajoute une avancée majeure : la consolidation du mécanisme de recours interne. Avant de s’en remettre à la justice, les litiges seront traités au sein même du Conseil, avec un cadre clair, balisé et encadré par des règles. Ce n’est pas un privilège accordé à la profession, mais un moyen de restaurer la confiance dans l’autorégulation.

Sur un autre registre, le ministre a rappelé une évidence que certains feignent d’oublier, à savoir qu’il n’existe pas, dans le monde, un modèle unique de conseil de presse. Tous sont le fruit d’histoires politiques, de cultures médiatiques et d’équilibres institutionnels différents. Et dans un Maroc engagé dans une modernisation accélérée du champ médiatique, comment ignorer les transformations qui bousculent le secteur ?

Bensaid l’a bien souligné : les défis ne sont plus seulement ceux de la presse papier. Ils s’appellent désormais podcasts, création numérique ou encore contenus hybrides. Toutes ces nouvelles formes médiatiques redessinent les contours du métier, et la réforme doit en tenir compte.

Recherche de consensus

Sur les bancs de la Chambre des conseillers, les discussions se sont crispées autour du mode de vote: individuel pour les journalistes, par liste pour les éditeurs. Les groupes d’opposition y voient une asymétrie injustifiée. Les débats ne sont pas tranchés, mais ce qui est remarquable, c’est la volonté affichée de travailler le texte pour «parvenir à des consensus garantissant la protection des journalistes et renforçant leur autorégulation».

Et en cela, les groupes ont salué l’ouverture du ministre aux amendements proposés ainsi que sa «volonté de prendre en compte les conclusions des consultations menées avec les professionnels et la commission provisoire».

In fine, il faut reconnaître que le projet de loi 26.25 marque la fin du clair-obscur. Le Conseil gagne en clarté, en structure et en prérogatives, avec une ossature lui permettant d’être capable d’assurer son autonomie réelle. Car, dans le fond, la réforme laisse le CNP souverain dans ses décisions, mais dans un cadre juridique stable.

L’Etat redevient un arbitre et non un acteur direct. Dans un contexte où la confiance du public dans les médias s’érode et où les fake news se propagent à la vitesse grand V, ce nouveau cadre est une condition de survie pour une profession encore en quête de repères.

Le Maroc ne peut pas prétendre défendre sa souveraineté informationnelle, développer son influence régionale et renforcer la qualité démocratique sans un CNP efficient. Certes, cette réforme ne sauvera pas la presse marocaine. Mais elle lui donne enfin des outils pour se sauver elle-même. Ce qui, convenons-en, est déjà beaucoup.

 

Par D. W.

 

 

Articles qui pourraient vous intéresser

Mercredi 03 Decembre 2025

Zones industrielles : Le Maroc franchit un cap avec la première enclave privée intégrée

Mercredi 03 Decembre 2025

Automobile : M-Automotiv lance la marque KGM au Maroc

Mardi 02 Decembre 2025

Financements alternatifs : «Sans la confiance, aucun système de Zakat ne peut fonctionner»

S'inscrire à la Newsletter de La Quotidienne

* indicates required