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Éducation nationale : L’école marocaine otage de crises de confiance

Éducation nationale : L’école marocaine otage de crises de confiance

Ce n’est pas le bout du tunnel, mais le 27 novembre 2023, le gouvernement marocain a décidé de mettre en stand-by des pans entiers de la réforme du statut unifié des enseignants du secteur public. Dans un accord entre le gouvernement et les syndicats, à l’issue d’une réunion multipartite, il a été décidé de geler la situation actuelle, de prévoir une révision des indemnités pour tous les travailleurs de l’Éducation nationale et la suspension des retenues sur les salaires des enseignants en grève, sans oublier la formation d’un comité ministériel pour résoudre les problèmes liés à ce dossier d’ici le 15 janvier 2024. 

Ce gel, qui survient plus de 55 jours après le début des grèves, laisse certes un peu d’espoir de sauver un tant soit peu cette année scolaire, mais le mal est fait. Ce sont les enfants marocains et leurs parents qui payent un lourd tribut face à cette crise de confiance entre le gouvernement et les syndicats, d’une part, et les enseignants et les élèves, d’autre part. 
 
Dans ce contexte de méfiance, une seule question vaut la peine d’être posée : Pouvons-nous sacrifier encore une année scolaire et compromettre l’avenir de millions de jeunes marocains ? Plusieurs semaines sans cours, un premier trimestre perdu, des millions d’élèves en vacances forcées, des parents qui ne savent plus à quel saint se vouer, des incertitudes sur la suite qui sera donnée à cette situation inextricable... 

Tout indique que cette année scolaire 2023-2024 est déjà compromise, à plus d’un égard. Encore une année qui va s’ajouter à deux années difficiles durant la pandémie qui a porté un coup fatal à l’école marocaine, avec des cours à distance qui ont montré toute leur limite. 

Encore une année scolaire comprise qui vient consacrer les lacunes des écoles publiques marocaines et les failles très inquiétantes pour l’avenir de l’enseignement au Maroc.  

Les statistiques actuelles montrent l’ampleur de la catastrophe qui nous pend au nez. Plus de 8 millions d’heures de classes perdues à jamais, puisqu’aucun rattrapage ne peut combler ce gouffre, et 7 millions d’élèves qui ne vont plus à l’école. Ce qui est une aberration qui dépasse l’entendement. 

Grève après grève, ce sont les enfants marocains qui payent les pots cassés d’une situation chaque jour plus délétère, dans un climat social plus qu’électrique, avec des enseignants qui montent au créneau et qui ne lâchent rien face à la posture du gouvernement, qui, de son côté, campe sur ses positions.  
 
Aujourd’hui, quelle que puisse être la suite de cette année scolaire déjà estropiée, force est de constater qu’une profonde crise de confiance s’est installée entre les élèves et les enseignants, entre les parents et les écoles marocaines, entre les centrales syndicales et le gouvernement, dans un cercle vicieux qui pénalise grandement le secteur de l’éducation au Maroc. Avec, à terme, une rupture entre les Marocains et l’école publique, puisque nous avons constaté qu’au cœur de cette crise, plusieurs familles ont été obligées d’inscrire leurs enfants dans des institutions privées pour sauver cette année scolaire et ne pas condamner l’avenir de leur progéniture.  

Pourtant, nous le savons, ceux qui optent toujours pour l’enseignement public le font parce qu’ils n’ont pas les moyens de recourir aux services du privé. Comment vont faire ces millions de familles, qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts, qui se serrent constamment la ceinture, qui font des sacrifices énormes, pour payer l’école privée à leurs enfants ? Avec quel argent ? En contractant de nouveaux crédits ? En vendant leurs biens ? En hypothéquant le peu qu’ils possèdent ? Qui se soucie de ces millions de pauvres qui ont aussi et surtout droit à toute l’oreille de leurs députés et de leur gouvernement pour les écouter, pour entendre raison et veiller à aider leurs enfants à avoir une scolarité digne de ce nom ? 

Face à l’absence de réponse convaincante, la majorité écrasante des parents affirme haut et fort, aujourd’hui, que personne ne les écoute, que personne ne s’occupe d’eux, que personne ne tente de comprendre leur situation et leurs attentes. Cette rupture de dialogue entre le gouvernement et les bases sociales légitime cette terrible interrogation : les pauvres n’ont-ils pas droit à l’école ? Les démunis doivent-ils rester dans l’ignorance et sacrifier l’avenir de leurs enfants ?

Bref, l’école publique continue d’être otage. Et c’est malheureux.

Par Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste

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