Par Abdelhak Najib, écrivain-journaliste
Le malaise social est bien là, bien visible. C’est un fait établi. Et pour cause, la vie est de plus en plus chère au Maroc. Tous les prix ont flambé. Les légumes, les fruits, les denrées alimentaires de base, les produits laitiers, le poulet, la sardine ... Bref, le panier qu’un pauvre peut s’offrir quand il peut. A propos d’ailleurs des sardines, l’on sait que le pays pêche 1,4 million de tonnes de produits de la mer dont 850 mille tonnes de sardines que le Marocain peut parfois payer au-delà des 20 dirhams dans certaines régions.
L’essence, le gasoil, le moyen de transport, les livres scolaires, les fringues, les jouets, les services, les soins, les écoles, les cafés, les snacks, les restaurants, les hôtels, les piscines, les clubs…
Pour chaque produit, chaque service, on se rend compte que le Marocain, qui n’a pas de rémunération correcte est exclu d’une grande partie de ce qui fait la vie à la marocaine. Autrement dit, le pauvre, déjà dans la précarité, doit encore serrer la ceinture jusqu’à l’asphyxie. C’est cela la triste réalité de millions de familles marocaines qui vivent dans le besoin, qui colmatent les brèches et qui bricolent dans l’incurable. C’est cela la stricte vérité que beaucoup d’entre nous veulent ignorer détournant le regard et faisant semblant que tout va bien. C’est faux parce que ce comportement reflète une hypocrisie sociale dans laquelle nous évoluons.
Revenons à cette cherté de la vie, les propos du président de la Fédération nationale des associations du consommateur (Fnac) donnent du sens et du ton : «La situation est catastrophique, non seulement pour le Maroc, mais partout dans le monde. La reprise progressive de l’économie a induit une inflation qui s’est répercutée sur les prix des produits de grande consommation comme l’huile de table, qui a connu des augmentations record. Le coût du fret international a explosé et les cours des matières premières sont montés en flèche. Face à des revenus en baisse à cause des répercussions de la crise du Covid-19, le panier de la ménagère devient de plus en plus cher».
De fait, les choses sont claires : à titre d’exemple, le prix de la bouteille d’huile de table de 5 litres, est passé de 50 ou 60 dirhams à plus de 128 dirhams. C’est le cas aussi des prix des pains et des céréales, des légumes, et des viandes. Selon le haut- commissariat au Plan (HCP), la hausse des produits alimentaires observée entre mai et juin 2022 concerne principalement les «Huiles et graisses», dont le prix à grimpé de 2,7%, le «Lait, fromage et œufs» de 2,1%, les «Eaux minérales, boissons rafraîchissantes, jus de fruits et de légumes» de 0,8% et le «Café, thé et cacao» de 0,4%.
En ce qui concerne les produits non alimentaires, la hausse a marqué les prix des «Carburants» avec 9,2%. Toutes ces hausses sont bel et bien actées, mais les salaires, eux, stagnent irrémédiablement . Pourtant, les prix des céréales, des huiles végétales et du sucre ont reculé à l’échelle mondiale fin juin 2022, comme l’a annoncé l’Organisation mondiale des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Alors quels leviers peut activer le gouvernement pour trouver les bonnes solutions et soulager une grande majorité des Marocains qui souffrent ? Comment le gouvernement réagit-il face à cette situation inextricable qui s’est traduite par des campagnes virulentes sur les réseaux sociaux dénonçant la cherté de la vie au Maroc allant jusqu’à demander la démission du Chef du gouvernement.
En effet, Aziz Akhannouch a même précisé, il y a quelques semaines, que le gouvernement a déjà alloué des subventions importantes pour réduire l’impact du renchérissement des cours des produits pétroliers et des matières premières à l’international. Ces subventions représentent 17 milliards de dirhams pour le gaz butane, 14 milliards de dirhams pour l'électricité, 600 millions de dirhams par mois pour subventionner la farine de blé et 3 milliards de dirhams par an pour le sucre. Concernant les prix du carburant, qui ont atteint plus de 17 dirhams, Aziz Akhannouch a promis des mesures pour alléger cette situation qui n’a fait que trop ddué, alors que les prix des hydrocarbures à la station ont baissé presque partout dans le monde. Il a même ajouté qu’«Un dialogue est engagé avec les représentants des professionnels du transport afin de trouver des solutions pour alléger l’impact des prix élevés du carburant sur les citoyens».
Mais à ce jour, en août 2022, le prix de l’essence dépasse toujours les 15 dirhams paralysant les activités de millions de Marocains qui dépendent des hydrocarbures pour faire du commerce et subvenir à leurs besoins. Car comment s’en sortir quand on a un revenu de 2.000 ou 3.000 dirhams ? Comment faire, quand on est un simple ouvrier dans une usine ou employé normal, comme le sont des millions de Marocains ? Comment faire quand on est veuve, quand on est vieux, quand on n’a personne pour subvenir à nos besoins ? Comment s’en sortent les retraités au Maroc ? Comment faire quand on est instituteur avec un salaire qui se situe aux alentours de 5.000 dirhams, selon l’échelle ? À combien on peut louer un petit appartement avec le strict minimum, comment se nourrir, comment se soigner, comment payer l’eau et l’électricité ? comment payer les frais de scolarité des enfants ? Comment fait-on quand on est facteur, caissier, agent de sécurité, vendeur ou agent dans un call center, l’un des domaines qui embauche de plus en plus au Maroc ?
A priori le gouvernement n'arrive pas à trouver les solutions dans cette situation de malaise ! Les différents départements avancent cette question de la crise du Covid-19 comme paravent, suivi par la guerre en Europe et la flambée des prix des matières premières à l'échelle mondiale. Il y a certes un sérieux impact dû à la conjoncture mondiale, mais le rôle d'un gouvernement est de trouver des solutions, de réfléchir à des mécanismes idoines pour alléger la vie de ses concitoyens, des populations pour qui la question qui préoccupe et empêche de dormir est la suivante : comment finir le mois, comment payer les dettes et les crédits, comment survivre ? Bref, des moyens pour soutenir le pouvoir d’achat et vivre dans la dignité.
Parce que pour une majorité, la question est justement de survivre à défaut de vivre dignement. Et le gouvernement devrait agir et vite.