Figure éminente au cœur de la politique et du football marocains, Fouzi Lekjaa jongle habilement entre son rôle de ministre délégué chargé du Budget et celui de président de la Fédération royale marocaine de football.
Sur les deux tableaux, il assure, réussissant à fusionner ces deux univers en apparence opposés.
Par D. William
Il y a de ces hommes qui marquent l’histoire d’un pays et, incontestablement, Fouzi Lekjaa en fait partie. Devenu une figure emblématique du Maroc moderne, il incarne l'alliance parfaite entre le monde politique et le monde sportif, avec notamment sa double casquette de ministre délégué chargé du Budget au sein du gouvernement d'Aziz Akhannouch, et de président de la Fédération royale marocaine de football (FRMF). Deux mondes différents. Voire même complètement antagonistes. Dans l'arène politique, le jeu des intérêts et des ambitions peut parfois éclipser la boussole morale et pousser à succomber à la tentation de mettre de côté les idéaux au nom de la realpolitik.
C'est un théâtre où les acteurs s’associent souvent aisément sur les principes : les alliances, souvent de circonstance, se font et se défont au gré des opportunités, et les ennemis d'hier deviennent les amis du moment. On peut cependant y rencontrer certaines figures qui défendent avec détermination des valeurs nobles et refusent de sacrifier l'intégrité sur l'autel de la politique. Ce qui offre un répit dans le tumulte de la scène politique, rappelant que la morale a sa place même dans les couloirs du pouvoir. Dans le vaste univers du football, bien au-delà des compétitions et des cris de victoire, se trouve un tissu social imprégné de valeurs puissantes. Plus que la simple compétition, ce sport mondial véhicule des principes fondamentaux qui transcendent les frontières. Le respect de l’adversaire, le fair-play, la solidarité, la diversité … sont le socle sur lequel se bâtit ce sport.
Sur le terrain, les joueurs forment une unité cohérente, partageant des triomphes et surmontant les défaites ensemble. Et au-delà du simple jeu, le football devient une force positive, capable d’unifier les peuples autour d'un amour partagé pour le beau jeu. Le Maroc a pu largement s’en rendre compte lors du Mondial 2022 qui s’est tenu au Qatar. Mais il faut croire que, du haut de ses 53 piges, Fouzi Lekjaa est un parfait jongleur. Ce natif de Berkane, ingénieur agronome et lauréat de l’Ecole nationale supérieure de l’administration (ENSA), navigue entre ces deux mondes aisément.
Comme un poisson dans l’eau. Dans son costume de ministre du Budget, il a cette faculté à faire oublier qu’il est le premier responsable du ballon rond dans ce pays. Simplement parce qu’il a la parfaite maîtrise des questions budgétaires. Maîtrise qu’il doit certainement à son riche parcours professionnel et à sa parfaite connaissance des rouages de l’Administration, particulièrement le département des Finances où il a fourbi ses armes en tant qu’inspecteur des finances. Homme de chiffres précis et méticuleux, il est surtout réputé pour sa rigueur et son acharnement au travail. En réalité, Lekjaa n’est pas un homme politique : c’est plutôt un passionné qui a la conviction profonde que le Maroc a le potentiel pour devenir une grande puissance économique régionale, mais que cela passe par une bonne gestion des finances publiques.
Le virus du foot
S’il enfile son costume de président de la FRMF, il fait tout autant oublier que c’est lui qui gère le Budget du Royaume. On croirait alors qu’il n’a fait que ça toute sa vie. Il parle foot, respire foot, vit foot. Il transpire la passion. Il faut rappeler qu’il flirte avec ce sport depuis longtemps, quand il jouait chez les espoirs de la RS Berkane. Mais Lekjaa a définitivement été piqué par le virus du ballon rond quand il a été nommé, en 2009, président du club (RS Berkane) de la ville qui l’a vu naître. Il a alors pris une nouvelle dimension, comme il en a fait prendre à la RS Berkane qu’il a propulsée de la 4ème à la première division en seulement trois ans. Lekjaa quittera la présidence du club en 2019. Mais en ayant fait un travail de fond qui a permis à ce club de commencer à glaner les titres et de compter parmi l’élite du football africain, avec notamment 3 coupes du Trône (2018, 2021, 2022), deux coupes de la CAF (2020, 2022) et une Supercoupe de la CAF en 2022.
Entre-temps, en 2014, il a été promu à la tête de la FRMF. Depuis, jamais le football marocain ne s’est aussi bien comporté. Grâce à son pragmatisme et sa détermination, Fouzi Lekjaa a radicalement transformé le paysage footballistique marocain. Sous sa présidence, le Maroc a connu une véritable période de progrès, avec des investissements significatifs dans les infrastructures sportives, le développement des jeunes talents et la modernisation de la Botola Pro. Alliant discours et méthode, et doté d’une vision stratégique à long terme, il a pu, en peu de temps, conduire le football marocain vers des sommets inégalés, portant aussi bien les équipes nationales masculines que féminines à des niveaux remarquables, avec comme récompense suprême l’épopée formidable des Lions de l’Atlas lors du Mondial 2022 au Qatar.
Mais Lekjaa a pu, surtout, étendre l’influence du Maroc dans les instances footballistiques, aux niveaux continental (CAF) et international (FIFA). Alors, l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations 2025 au Maroc n’est pas une surprise en soi. Tout comme d’ailleurs celle du Mondial 2030, aux côtés de l’Espagne et du Portugal. C’est la juste récompense d’une vision audacieuse et d’une diplomatie sportive conduite dans les coulisses du football mondial sans triomphalisme et avec brio par Lekjaa.
Aujourd’hui, son rôle de président du «Comité Coupe du monde 2030», qui consolide ainsi la confiance que le Roi Mohammed VI place en lui, constitue une étape majeure de sa carrière et dénote de la reconnaissance de son rôle crucial dans le développement du football marocain en général. Incontestablement, Fouzi Lekjaa émerge comme une personnalité polyvalente, qui assure en tant que ministre du Budget et excelle en tant que président de la FRMF, tout en jouant un rôle central dans la représentation internationale du Maroc sur la scène sportive.
Reconnaissons-lui d’avoir pu parfaitement faire la symbiose entre le monde politique et le monde du sport, en faisant notamment des événements footballistiques des plateformes unificatrices et un catalyseur puissant pour renforcer les liens sociaux, transcender les barrières politiques et susciter un sentiment d'unité nationale. Chapeau !