Les inégalités hommes-femmes en matière d’accès aux services financiers sont très marquées au Maroc. Malgré les efforts déployés, le taux d’activité des femmes demeure très faible, ce qui n’est pas sans conséquences sur leur inclusion financière. En effet, 8 femmes sur 10 restent en dehors du marché du travail et par conséquent, en dehors du circuit financier.
Par ailleurs, de nombreuses femmes actives et exerçant une activité n'ont pas accès au circuit financier que ce soit par l'épargne, le crédit ou l'assurance. Outre cela, de nombreuses femmes incluses financièrement sont désavantagées par rapport à la gente masculine, pour des raisons sociales, culturelles et législatives.
Afin d’analyser en profondeur l’inclusion financière des femmes et réfléchir aux leviers permettant d'atteindre les objectifs du modèle de développement économique et social, Interworld a organisé, mercredi 8 mars 2023 à Casablanca, en partenariat avec Creditinfo, la 3ème édition du Forum de l’inclusion financière, sous le thème : «inclusion financière des femmes et développement financier».
Intervenant à cette occasion, M'hamed El Moussaoui, Directeur général d'Al Barid Bank, a d’abord rappelé que l’accès des femmes aux services financiers a connu une légère amélioration au cours de ces dernières années, suite notamment à la mise en place de la Stratégie nationale de l’inclusion financière (SNIF). «Entre 2017 et 2021, le pourcentage des femmes ayant un compte bancaire passe à 33% et l'écart hommes-femmes passe de -59% à - 42%, et ce grâce à la mise en place en 2018 de la SNIF. Les femmes représentent l’une des cibles prioritaires de ladite stratégie. Celle-ci vise entre autres à faire du paiement mobile un levier d'inclusion financière des femmes, à accentuer l'orientation de la microfinance vers les femmes, à accélérer le déploiement des offres bancaires destinées aux femmes, et à assurer une éducation financière pour les femmes sans revenus réguliers».
Par ailleurs, El Moussaoui a mis l'accent sur la contribution d'Al Barid Bank au développement de l'inclusion financière des femmes en citant les différents dispositifs mis en place dans ce sens. «Al Barid Bank a introduit des offres bancaires sans distinction de genre que ce soit en termes de création de comptes, d'épargne, de crédit, de bancassurance ou de moyens de paiement. Nous avons également lancé des offres spécifiques aux femmes, à des tarifs préférentiels, en plus de programmes d'éducation financière réservés aux femmes rurales, que nous avons mis en place en partenariat avec l'Union nationale des femmes du Maroc».
De son côté, Saad Belkasmi, avocat au barreau de Casablanca et docteur en droit des affaires, a mis en exergue les obstacles juridiques à l’inclusion financière des femmes, citant ainsi les inégalités des droits financiers en cas de divorce demandé par l’épouse, la non reconnaissance du travail domestique, l’interdiction aux femmes de travailler dans plusieurs secteurs ou encore la problématique de répartition de la succession entre frères et soeurs.
Dans la même veine, Hazim Sebbata, DG de Cash Plus et président de l’Association professionnelle des établissements de paiement (APEP), a expliqué que l’exclusion socio-économique associée à des facteurs culturels, entraîne une forte exclusion financière des femmes par rapport aux hommes. «Une étude menée par l’une des banques marocaines dévoile que les femmes salariées sont quasiment au même niveau d’inclusion financière que les hommes salariés, (57% des hommes salariés ont un compte contre 54% pour les femmes salariées). Cet écart se creuse significativement au niveau des travailleurs indépendants (35% pour les hommes et 21% pour les femmes) et devient très significatif pour les segments sans emploi (34% pour les hommes contre 14% des femmes)», a-t-il relevé.
Et de poursuivre : «l’inclusion financière des femmes au Maroc est entravée par de nombreux obstacles, notamment les barrières culturelles et les stéréotypes de genre, les contraintes juridiques et réglementaires, la discrimination en matière d’emploi, la faible participation des femmes à la population active, le manque de sensibilisation, les obstacles liés aux technologies financières, le manque de services financiers adaptés, les difficultés d’accès aux services financiers ainsi que le manque de garanties financières».
Pour sa part, Samira Khamlichi, experte internationale en finance inclusive, a souligné que «des initiatives de financement orientées genre ont été testées au Maroc et ont connu un franc succès quand elles étaient différenciées. Il s'agit notamment du positionnement de la microfinance comme un produit historique à succès dans le financement des femmes au Maroc et le déploiement de produits de dettes plus récents par les banques. Les bénéficiaires de ces initiatives sont principalement des femmes entrepreneures, mais des problématiques limitent la mesure de la profondeur du marché et des besoins. D'abord, la définition de l'entrepreneuriat est non commune. En outre, nous constatons une non disponibilité de la data genre au sein des institutions financières. Ajoutons à cela le fait que la femme rurale n'est pas encore sous les radars».
Pour faire face à cette situation, Samira Khamlichi a mis la lumière sur une série de mesures à mettre en place, notamment l'harmonisation des visions entre les différents organismes et les bénéficiaires, particulièrement en matière d'offre de crédit ou encore la préparation des femmes à exercer une activité économique durable et génératrice de revenus, notamment les femmes rurales. De plus, l’experte estime qu’il faut impliquer davantage les hommes dans l'égalité des genres et mobiliser le secteur économique dans ces transformations de la société par une plus forte contribution dans l'employabilité des femmes et leur inclusion.