Le Maroc est déterminé à atteindre ses objectifs de transition énergétique.
Plusieurs dispositifs d’accompagnement et de financement visant à soutenir les entreprises vertes sont mis en place.
Par M. Ait Ouaanna
Les investissements dans les énergies renouvelables et les technologies vertes sont en passe de devenir le nouveau moteur de l'économie marocaine. Considéré comme l’un des premiers pays africains à se lancer dans cette transition, le Royaume a réalisé des progrès considérables pour réduire ses émissions de carbone et limiter sa dépendance aux combustibles fossiles. Dans le cadre de sa stratégie énergétique adoptée en 2009, le Maroc ambitionne de porter la part des énergies renouvelables dans sa production électrique à 52% d’ici 2030, et de réaliser une économie d’énergie d’environ 20% à l’horizon 2030, à travers une meilleure utilisation de l’énergie dans tous les domaines d’activité économique et sociale.
Par ailleurs, le Royaume a mis en place un cadre législatif pour encourager les investissements verts, y compris des incitations fiscales et des soutiens financiers pour les projets qui contribuent à la transition énergétique. «Notre pays a la chance d’avoir une vision royale qui a démarré depuis plus de 10 ans, avec notamment une stratégie nationale de développement durable qui touche tous les secteurs. Aujourd’hui, ce concept d’investissement vert n’est plus un luxe, ce n’est plus une question de pays riches et de pays pauvres, il concerne tout le monde. Depuis la COP22, l’Etat nous pousse à réduire le gaspillage et à utiliser au maximum nos propres ressources. Nous n’avons plus le droit de gaspiller, non pas seulement pour des raisons écologiques, mais également pour des raisons économiques», insiste Saïd Mouline, Directeur général de l’Agence marocaine de l’efficacité énergétique (AMEE). Ce dernier intervenait lors d’une table-ronde organisée, jeudi 23 février 2023 à Casablanca, par Horizon Press Group, en partenariat avec Tamwilcom, sous le thème : «Investissements verts : quelles solutions de financement pour les PME marocaines ?».
Dans le même ordre d’idées, Saïd Mouline a expliqué qu’il existe plusieurs raisons d’opter pour un investissement vert. Et de citer tout d’abord l’aspect climatique, puis l’aspect économique relatif à l’introduction de plusieurs règles pénalisant les entreprises non respectueuses de l'environnement, notamment la taxe carbone, ou encore l’interdiction aux banques de financer certains projets qu’ils considèrent comme n’étant pas assez verts. Face à l’aggravation des effets du changement climatique ainsi que la multiplication des contraintes de compétitivité, les entreprises marocaines, notamment les PME qui constituent 95% du tissu économique, sont désormais dans l’obligation d’aller vers des produits eco-friendly, ou du moins verdir leurs systèmes de production.
Le financement à portée de main
Pour contribuer à l’atteinte des objectifs fixés par le Royaume en matière de développement durable, plusieurs institutions ont mis en place des dispositifs d’accompagnement et de financement, visant à encourager les investissements verts. «Comme c’est le cas au niveau international, au Maroc aussi, le contexte est favorable pour se lancer dans des projets verts. Des outils de financement sont mis en place par les différentes banques et bailleurs de fonds ainsi qu’une panoplie de mécanismes de soutien à l’économie verte. Les dispositifs de financement existent, il faut juste faire le premier pas et aller vers les organismes qui proposent ce genre de subvention», confirme Fatima Zahra El Khalifa, Directrice générale du cluster EnR.
Par ailleurs, Fatima Zahra El Khalifa a souligné que «la transition énergétique ne consiste pas uniquement à mettre des panneaux solaires sur une installation, c’est beaucoup plus vaste. Il s’agit de toute une série d’actions qui permettent d'atténuer les émissions carbone, à savoir l’utilisation d’une matière première recyclable, la gestion des eaux au niveau des installations des usines, l’efficacité énergétique, les systèmes intelligents appliqués aux énergies renouvelables, la mobilité durable, en plus de l’encouragement des énergies propres à travers la promotion de l’innovation et de l’entrepreneuriat». De son côté, Taoufiq Lahrach, Directeur général délégué de Tamwilcom, a mis la lumière sur «Green Invest», une solution de cofinancement mise en place par ladite institution et qui consiste à financer conjointement avec les banques des projets d’acquisition des biens matériels et/ ou immatériels ainsi que des installations techniques et des constructions en faveur des entreprises. Les projets éligibles à cette offre sont ceux
liés aux énergies renouvelables, à l’efficacité énergétique, à la dépollution et à l’économie des ressources, à la valorisation des déchets, ou encore à la fabrication d’équipements liés aux catégories précitées. «Ce financement, qui peut aller jusqu’à 10 millions de dirhams, est intéressant dans la mesure où il est accordé à un taux de 2,5%, couplé à un crédit bancaire. Il peut s’étaler sur des durées de remboursement assez longues, soit 12 ans. Aujourd’hui, l’investissement vert fait concurrence à l’investissement conventionnel, sachant que le premier est très exigeant et parfois même un peu plus cher que le second. En revanche, une contrainte s’impose à nous tous, celle liée à la réglementation des pays donneurs d’ordre de nos PME. Il est donc indispensable de penser à cocher la case décarbonation pour pouvoir accéder à tel ou tel marché», précise le DG de Tamwilcom.
Le capital-investissement, une solution «efficace»
Le capital-investissement est perçu par Tarik Haddi, Directeur général du Fonds d’investissement Azur Partner, comme une solution de financement intéressante pour les PME vertes. «A travers le monde, l'émergence de nouvelles filières industrielles repose essentiellement sur le capital-investissement. Plusieurs études ont démontré que ce mode d’investissement apporte aux entreprises au moins 6 axes importants. Premièrement, la structure financière, parce qu’il intervient en fonds propres, donc forcément, il améliore les capacités d’endettement à long terme ainsi que les capacités d’investissement. Comparé aux autres financements, particulièrement le financement bancaire, le capital-investissement améliore la productivité, la compétitivité, l’adaptabilité des business models de l’entreprise et sa résilience face aux crises, puisqu’il s’agit d’un accompagnement sur longue durée et d’un financement actif et structuré», insiste-t-il.
Dans cette même veine, Tarik Haddi, également président de l’Association marocaine des investisseurs en capital, souligne que dans un contexte d’enchaînement des crises, à savoir la pandémie, la guerre en Ukraine, la sécheresse, l’inflation ainsi que l’augmentation du taux directeur, le capital-investissement demeure la solution la plus efficace. En ce sens qu’il va permettre aux entreprises de rétablir leur structure financière et pousser les PME à aller vers l’innovation ouverte pour faire travailler les start-up de l’écosystème marocain. In fine, Haddi indique qu’il faut massifier le capital-investissement, procéder à l’ouverture de certains marchés réglementés qui empêchent le déploiement rapide, développer des formations dans les secteurs verts, mettre en place des laboratoires de recherche pour la green tech. Et enfin, concentrer l’appui de l’Etat et des institutions de financement autour d’incubateurs performants, avec des systèmes d’évaluation pour l’accompagnement des startup.