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La souveraineté est un sport de combat

La souveraineté est un sport de combat

Souveraineté sanitaire et industrielle, tous les politiques n’ont plus que ces mots à la bouche. Et tant mieux ! Comme dit l’adage : «Vaut mieux tard que jamais».

 
Après la longue parenthèse en «apparence» libérale qu’a connue le Maroc depuis la mise en branle du Plan d’ajustement structurel à la fin des années 1980, la crise du «Covid» a fait office d’électrochoc ou de piqure de rappel du réel. D’un réel venu nous rappeler à quel point le concept de «souveraineté», loin d’être obsolète et archaïque, était bien au contraire plus que jamais d’actualité. 

Souveraineté sanitaire et industrielle, tous les politiques n’ont plus que ces mots à la bouche. Et tant mieux ! Comme dit l’adage : «Vaut mieux tard que jamais».

Sur le plan alimentaire, le Plan Maroc Vert visait à faire de l’agriculture dans une perspective productiviste de modernisation, un pilier du développement économique et social. En accordant une importance particulière aux exportations de produits agricoles à forte valeur ajoutée, ce plan ambitieux a cependant occulté la nécessité de garantir la souveraineté alimentaire quant à nos besoins en céréales. Puisque jusqu’à nos jours, nous continuons à dépendre du reste du monde en important quasiment la moitié de nos besoins en céréales. Ajoutons à cela la dimension très volatile de notre production céréalière qui demeure fortement tributaire de la pluviométrie. De même, la nature de plusieurs biens agricoles largement exportés (agrumes, …) semble occulter le stress hydrique dont souffre le Maroc de manière récurrente et de plus en plus chronique, la sécheresse actuelle n’arrangeant pas les choses.

Si le plan a été adopté en 2008, c’est que McKinsey à commencé à l’élaborer quelques années avant, soit dans un contexte de croissance économique mondiale florissante et de faibles coûts des matières premières et alimentaires sur les grands marchés mondiaux. L’idée était que privilégier les exportations, allait de pair avec une logique de sécurité alimentaire à travers les marchés, notamment pour les céréales (blé, orge,…).

Mais le «Marché» dont on vantait les mérites et sa capacité d’autorégulation grâce à la main invisible, s’est avéré être manchot. La crise financière de 2007 et économique de 2008 s’est traduite suite aux politiques monétaires expansionnistes des grandes Banques centrales, par d’énormes mouvements spéculatifs sur les matières premières et alimentaires. Ces dernières connurent des flambées historiques. En 2008, le prix du baril atteint un record historique de 147,50 $. Quant au blé, en 2007 déjà, le record fut atteint avec un pic de 303 $ la tonne. Une forte volatilité à la hausse qui ne s’explique aucunement par un déséquilibre entre l’offre et la demande mondiale, mais par des mouvements spéculatifs d’une ampleur jamais atteinte dans l’histoire. Les milliers de milliards de dollars, d’euros, de yen et de livres sterling déversées par les Banques centrales pour recapitaliser les banques, ont pris principalement la forme d’investissements dans les marchés boursiers, mais également dans les marchés des matières premières. Des achats colossaux de contrats à terme réalisés par les spéculateurs ont créé une rareté artificielle. Cette dynamique mortifère se prolongea jusqu’en 2011, et fut entre autres, l’un des catalyseurs des printemps arabes, notamment en Egypte qui importe l’essentiel de ses besoins de blé.

L’urgence aurait due être en 2008 d’acter ce changement de paradigme et d’amender le Plan Maroc Vert  en y incluant un pilier consacré à la souveraineté alimentaire. La rentabilité n’a pas son mot à dire, car la stabilité de l’Etat n’a pas de prix. Cependant, il n’est pas trop tard. Cette crise comme celle du Covid, pourrait être à nouveau l’occasion d’une prise de conscience profonde de la nécessité de s’adapter un monde nouveau, celui d’une multipolarité de plus en plus prononcée. De faire le deuil d’une mondialisation qui nous fut présentée comme heureuse, mais qui au final s’est avérée être tragique. De repenser la souveraineté comme une totalité cohérente.

Mais, au lieu de subir systématiquement toutes les crises avant d’en tirer des leçons, ne vaudrait-il pas mieux apprendre à les anticiper ?

 

Par Rachid Achachi, chroniqueur, DG d'Arkhé Consulting

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