Le concept urbain de la désillusion tous azimuts a pris des tournures ultra-modernes au Maroc depuis dix ans. Et le phénomène des jeunes de moins de 25 ans, qui passent la sainte journée à tuer le temps, n'est pas uniquement urbain. Il est marocain sans aucune distinction géographique.
Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste
Dans les grandes villes, les petites, les bourgades, les villages, les douars, les hameaux…, ils sont des milliers de jeunes désœuvrés, sans diplômes, ou avec, sans travail, sans débouchés d'avenir à sillonner les rues, à vivoter avec des petits boulots, à bricoler dans l’incertain en attendant des jours meilleurs.
En effet, la situation empire depuis dix ans. Et elle s’est aggravée avec les crises liées à la pandémie, qui a mis une bonne partie des jeunes au chômage forcé alors qu’ils avaient un boulot pour vivre, survivre et subvenir à leurs besoins et à ceux des leurs.
Selon les derniers chiffres révélés par le haut- commissariat au Plan (HCP), 3 chômeurs sur 10 (29,7%) sont des jeunes. Près de 3 jeunes chômeurs sur 4 (75,8%) résident en milieu urbain (67,3% sont des hommes et 90,1% sont diplômés). Diplôme ou pas, tout le monde est logé à la même enseigne, celle du blocage. Pas d’offres de travail. La crise sévit et fait des dégâts qui sont, pour certains, irréversibles.
Cela se répercute sur la batterie des chiffres avancés par le HCP. Dans ce sens, le taux de chômage a atteint 31,8% pour les jeunes âgés de 15 à 24 ans, contre 13,7% pour les personnes âgées de 25 à 44 ans et 3,8% pour celles âgées de 45 ans ou plus.
Dans le même ordre d’idées, le taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans titulaires d’un diplôme de niveau supérieur s’élève à 61,2%. Il est de 30,4% pour les jeunes détenteurs d’un diplôme de niveau moyen et de 12,9% pour ceux n’ayant aucun diplôme.
La récession, le manque d’opportunités, la demande qui ne correspond pas aux diplômes obtenus par de nombreuses catégories, un climat de méfiance post-Covid-19… autant de causes qui consacrent cette crise du chômage des jeunes marocains. Surtout dans les villes, puisque le taux de chômage des jeunes est plus important en milieu urbain et parmi les jeunes femmes. Il culmine à 46,7% en milieu urbain contre 15,9% en milieu rural.
Le taux de chômage des jeunes femmes est supérieur de 13 points à celui des hommes (41,9% contre 28,4%). Encore une fois, la crise frappe de plein fouet les femmes que les hommes confirmant une tendance qui n’a pas évolué depuis au moins une décennie et qui s’est accrue avec la pandémie puisqu’entre 2019 et 2021, ce taux a augmenté de 6,9 points contre 3,1 points pour l’ensemble de la population active.
Sans oublier que ce chômage est de longue durée, parce que 70,4% des jeunes chômeurs sont au chômage depuis un an ou plus, et près des trois quarts n’ont jamais travaillé (73,4%). Un pourcentage très lourd de sens, qui montre à quel point il y a urgence de trouver des leviers solides pour résorber le chômage des jeunes, qui sont en proie à de nombreuses dérives allant de l’oisiveté avec tous les impacts psychologiques négatifs que cela implique, aux activités illégales, illicites, voire criminelles.