Le "refus familial" constitue un frein majeur à la participation des femmes au marché du travail, ressort-il d’une étude intersectionnelle du Haut-Commissariat au Plan (HCP) sur la participation des femmes au marché du travail marocain.
"Malgré les compétences et les qualifications des femmes, elles se heurtent à cette opposition familiale", ont relevé les participantes à cette étude comparative entre les régions de Casablanca-Settat et de l’Oriental, réalisée dans le cadre du Partenariat d’assistance technique - Mécanisme de déploiement d’experts (PAT-MDE).
Cette barrière, souvent exprimée par le conjoint, subsiste dans les deux régions même en présence d'un besoin financier explicite, mais elle est plus particulièrement accentuée dans la région de l'Oriental qu'au niveau de Casablanca-Settat, soulignant ainsi la variabilité régionale des attitudes à l'égard de l'emploi féminin.
Les contraintes économiques peuvent détourner et transgresser même momentanément les normes sociales traditionnelles, relève l’étude, notant que, spécifiquement dans la région de Casablanca-Settat, les participantes à l’étude ont souligné qu’une difficulté financière du foyer peut amener à une réévaluation des attitudes vis-à-vis de leur travail. Dans de telles circonstances, le travail des femmes est souvent plus accepté car il devient un recours à une situation particulière.
La perception sociale du travail féminin varie également en fonction de la nature de l'emploi. Les postes au sein de la fonction publique jouissent d'une perception positive et d'une acceptation sociale élevée, favorisant ainsi l'intégration professionnelle des femmes qui y sont employées. En revanche, les emplois dans des domaines traditionnellement dit "féminins " tels que l'esthétique, la coiffure ou la couture, font face à des jugements sociaux plus péjoratifs.
Cette distinction est particulièrement prononcée dans la région de l'Oriental par rapport à Casablanca-Settat, où les préjugés peuvent varier mais restent présents.
Les femmes participant aux focus groupes ont exprimé également la nécessité d’arbitrer entre leurs multiples rôles, y compris productif, reproductif, et domestique. Elles ont souligné que la gestion inégale des responsabilités domestiques ajoute une couche supplémentaire de difficultés, engendrant une charge mentale conséquente.
Ce poids supplémentaire s'avère particulièrement pesant dans le contexte de leur quête d'autonomie professionnelle. Le défi de concilier les exigences du travail professionnel avec celles du foyer est fréquemment mis en avant, notamment par les participantes de Casablanca-Settat. Par contraste, dans l'Oriental, certaines femmes bénéficient d'un soutien familial plus substantiel, en raison notamment de la taille plus importante du ménage, leur permettant ainsi de déléguer ou partager une partie des tâches ménagères et de réduire leur charge mentale.
Les participants ont indiqué que des conditions de travail inégale constituaient une contrainte à leur participation. Une grande partie des femmes interrogées ont signalé qu'elles étaient confrontées à diverses formes de harcèlement, d'abus et de discrimination sur le lieu de travail, ainsi que l'absence de régularisation de leur situation professionnelle.
Les inégalités des chances au sein des institutions, la précarité des contrats à durée déterminée sans perspective de conversion en contrats à durée indéterminée, et les salaires insuffisants sont perçus par ces femmes comme des conditions de travail défavorables qui les éloignent du marché du travail. Ces défis sont particulièrement prononcés dans la région de l'Oriental par rapport à Casablanca-Settat, mettant en lumière une disparité régionale dans l'expérience du travail féminin.
Cette étude a pour objectif d’identifier les profils multidimensionnels des femmes les plus susceptibles de ne pas participer au marché du travail, en mettant la lumière sur les interactions entre les contraintes individuelles, sociales et contextuelles auxquelles elles sont confrontées. Elle met également en évidence la complexité des contraintes à la participation des femmes au marché du travail marocain à travers une approche intersectionnelle du genre, combinant des méthodologies de recherche quantitatives et qualitatives.