En raison des disparités de genre dans le marché du travail, les femmes font face à des obstacles freinant leur intégration dans la vie économique et dans le marché de l’emploi, ce qui n’est pas sans effets sur le potentiel de croissance de l’économie d’un pays.
Le ministère de l’Economie et des Finances (Direction des études et des prévisions financières), en partenariat avec ONU Femmes et l’appui de l’AFD et de l’UE, a mené une étude intitulée «Analyse genre de la contribution de l’utilisation de la main-d’œuvre à l’amélioration du niveau de vie : Analyse rétrospective et prospective à la lumière des recommandations du nouveau modèle de développement».
L’approche adoptée consiste à décomposer le PIB par habitant en deux effets : effet productivité et effet utilisation de la main-d’œuvre. L’objectif étant de mettre en exergue l'apport des différentes composantes de la main-d'œuvre (emploi, activité et démographie) à la création de la richesse entre 2011 et 2019, et ce selon le genre et la tranche d'âge.
Le taux d’activité à l’échelle nationale a connu une tendance baissière entre 2010 et 2019, passant de 49,6% à 45,8%, contribuant ainsi négativement à l’accroissement du PIBH à hauteur de-17,3% en 2017-2019 contre -77% en 2014-2016. Ceci s’explique, pour l’essentiel, par la contribution négative, décroissante d’ailleurs, de l’activité féminine, passant à hauteur de -52% en 2014-2016 à -56,8% en 2017-2019, contre une contribution de -26,1% et +39,3% respectivement pour l’activité des hommes.
En effet, en dehors de la tranche d’âge des 15-24 ans dont les niveaux d’activité sont en baisse, en lien avec le renforcement de l’accès des jeunes femmes et aussi des hommes à l’éducation et à la formation, les tranches 25-44 ans et 45-59 affectent négativement et de manière significative la progression du PIBH entre 2017 et 2019 à hauteur de -31% et -12,2% respectivement. Ces contributions s’élèvent pour les hommes, dans un cadre respectif, à +7,1% et +46,6%.
Effet positif de la démographie sur le PIB par habitant
L’effet démographique a participé positivement à l’amélioration du niveau de vie au Maroc (+17,3% entre 2017 et 2019 après +29,1% entre 2014 et 2016). Il est à noter dans ce sens que la contribution de la population féminine de plus de 25 ans à la croissance du PIBH demeure positive et supérieure à celle des hommes des mêmes catégories d’âge, soit une tendance inverse à celle constatée pour les autres composantes de l’UMO (activité et emploi).
En effet, les femmes âgées de 25-44 ans et de 45-59 ans contribuent à l’amélioration du niveau de vie respectivement à hauteur de + 6,6% et de +5,5%, tandis que les plus jeunes y contribuent négativement (-10,9%). Ces évolutions restent aussi valables pour la population masculine mais à des degrés moindres (+3,6%, +4,2% et -11%).
Contribution des femmes à la croissance du PIB par habitant fortement affectée par la crise Covid-19
Eu égard aux effets de la crise liée à la pandémie du Covid-19, l’année 2020 a été marquée par un repli du PIBH de 7,1% en glissement annuel. Concernant les contributions de l’activité et du chômage des femmes enregistrées durant cette année, elles ont maintenu les mêmes tendances négatives. C’est dire que l’activité et le chômage ont accentué la contraction du PIBH en 2020 à hauteur respectivement de 30,3% et 8,5% pour les femmes et de 1,2% et 33,9% pour les hommes.
En effet le taux d’activité des femmes, qui ne cesse de baisser, a atteint en 2020 son niveau le plus bas depuis 1999, soit 19,9% contre 21,5% en 2019. Celui des hommes a, pour sa part, affiché un léger recul de 0,6 point de pourcentage, passant de 70,7% en 2019 à 70,3% en 2020.
Pour ce qui est du taux de chômage des femmes qui se situe en moyenne à un niveau supérieur à celui enregistré par les hommes, il s’est accru de 2,7 points de pourcentage passant de 13,5% en 2019 à 16,2% en 2020. Quant au chômage des hommes, il a avoisiné en 2020 près de 10,7% (dépassant pour la première fois depuis 2005 le seuil des 10%) contre 7,8% une année auparavant.
Les recommandations du nouveau modèle de développement
La crise sanitaire a accentué la fragilité déjà bien existante de la situation de la femme sur le marché du travail. Il en résulte donc une contribution contraignante de la baisse d’activité des femmes à la croissance du PIB par habitant.
Tenant compte de cette situation et conscient des enjeux qu’elle sous-entend, le rapport sur le NMD a appelé à ériger l’autonomisation économique des femmes, tant en milieu urbain que rural, en priorité nationale en vue d’en faire un puissant levier du développement de notre pays.
La feuille de route cadrant les grandes orientations du NMD fait état d’une multiplicité de cibles à atteindre à l’horizon 2035 notamment : l’augmentation du taux d'activité des femmes pour atteindre le niveau de 25% en 2025 et de 45% en 2035; l’accroissement du nombre des femmes dans les postes d’emplois supérieurs pour s’établir à 20% en 2025 et à 35% en 2035 ; l’établissement de la parité salariale dans le secteur privé, en réduisant l’écart salarial de 10 points de pourcentage pour se situer à 5% en 2035 ; ainsi que la consolidation de la lutte contre l’analphabétisme des femmes quel que soit leur âge principalement dans le milieu rural.