Vingt mois de guerre, près de 55.000 morts, des distributions de denrées alimentaires qui tournent au bain de sang, des convois citoyens bloqués, des manifestants arrêtés, des otages oubliés… : et pourtant, à quelques centaines de kilomètres de là, c’est l’affrontement Iran-Israël qui fait les gros titres et mobilise les experts.
C’est clair : la guerre à Gaza n’est plus une actualité brûlante pour les chaînes d’info. Qui préfèrent braquer les projecteurs sur les frappes de Tsahal sur Ispahan ou les missiles iraniens tombés à Haïfa. Ainsi donc, un conflit chasse l’autre, comme si l’un justifiait l’oubli de l’autre.
Il faut bien le dire : en matière de diversion, l’escalade sanglante entre Israël et l’Iran tombe à pic. Depuis l’attaque israélienne contre le territoire iranien, la planète entière retient son souffle. La menace nucléaire, les alliances militaires, les grandes manœuvres…, tout cela fait vibrer les rédactions et grésiller les plateaux de télévision.
A croire que la perspective d’un conflit régional généralisé est plus excitante que la gestion d’un génocide en cours. Rendons-nous à l’évidence : la géopolitique a repris ses droits, même si, dans quelques contrées, certaines intelligences rebelles se font entendre pour qu’on n’oublie pas ce qui se passe à Gaza, cette minuscule bande de terre transformée en cimetière à ciel ouvert.
Le week-end dernier, des dizaines de milliers de personnes vêtues de rouge ont en effet manifesté dans les rues de La Haye, Bruxelles et Paris pour alerter sur le laxisme et l’indifférence coupables. En Libye, les militants pro-palestiniens ont trouvé sur leur route des militaires, avec à la clé quelques arrestations, alors qu’en Egypte, la «Global March to Gaza», qui a réuni des participants de 80 pays selon les organisateurs, a tourné court, plusieurs militants ayant été arrêtés ou molestés.
Les autorités locales ne veulent pas de vagues humanistes. Voilà donc. L’indignation se heurte à des barrages policiers. Les drapeaux blancs à des réponses musclées. Histoire, parfois, de ne pas trop froisser Tel-Aviv ou Washington.
Pendant ce temps-là, à Jérusalem, Netanyahu s’offre des parenthèses diplomatiques. Il promet à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, de faciliter davantage l’acheminement de l’aide dans la bande de Gaza et évoque un cessez-le-feu de 60 jours à Fox News pour une éventuelle libération des otages.
Des propos très cosmétiques. Car, entre les lignes, tout reste verrouillé. L’aide n’entre pas à Gaza. La famine bat son plein. Le système sanitaire est exsangue. Les otages sont toujours otages.
Et, sur fond de génocide, les bombardements meurtriers se poursuivent encore dans ce territoire palestinien, le Hamas servant de prétexte à une offensive sans fin et à des exactions sans limite. On aurait pu toutefois croire que le terme «génocide» figerait les consciences. Il n’en est rien. Concernant Gaza, ce mot est devenu tristement banal. Malheureusement.