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PLF 2023/Professions libérales: Tir groupé sur le gouvernement

PLF 2023/Professions libérales: Tir groupé sur le gouvernement

Les professions libérales mettent la pression sur le gouvernement, alors que le projet de Loi de Finances est actuellement à la Chambre des conseillers.

Motif de la discorde : la retenue à la source qui semble être une pilule difficile à avaler.

 

Par D. William

Les débats autour des projets de Loi de Finances ont toujours été passionnants et passionnés. Le Budget 2023 ne fait pas exception. Ce n’est pas tant les partis de l’opposition qui se font entendre, mais surtout les fédérations sectorielles et les professions libérales. Lesquelles dénoncent les dispositions fiscales contenues dans le PLF et qui vont impacter leurs activités, alors que l’on aborde la dernière ligne droite en ce qui concerne les amendements.

Après avoir été adopté à la majorité par la Chambre des représentants, vendredi dernier, le PLF poursuit son circuit législatif à la Chambre des conseillers. Notaires, médecins du privé, géomètres-topographes et agents et courtiers en assurance (voir pages 12 à 15), pour ne citer qu’eux, espèrent donc amender le texte avant son adoption définitive.

C’est pourquoi ils maintiennent la pression sur le gouvernement. En ce qui concerne les avocats, le texte initial a été amendé, une première fois, en leur faveur. Les amendements comprenaient notamment la suppression de l’article relatif à la révision du régime fiscal qui leur est imposé et le paiement de l’avance de l’impôt sur chaque étape de la procédure judiciaire. Il a été aussi donné aux avocats la possibilité de choisir le mode de paiement des avances sur compte de l’impôt sur le revenu. Ces amendements portaient aussi sur l’exonération des nouveaux avocats de l’impôt durant les 3 premières années d’exercice de la fonction. Malgré ces acquis, l’Association des barreaux du Maroc avait appelé, le 10 novembre, à une grève illimitée à partir du lundi 14 novembre. Pour apaiser les tensions, c’est le chef du gouvernement himself qui s’est saisi du dossier. Aziz Akhannouch s’est ainsi réuni avec les robes noires mardi dernier, en présence des ministres de la Justice et du Budget, Abdellatif Ouahbi et Fouzi Lekjaa respectivement. Une rencontre à l’issue de laquelle un accord a été trouvé entre les deux parties. Les avocats ont pu en effet grappiller encore quelques acquis. Ainsi, le nouvel accord prévoit notamment la réduction des avances sur IR à verser par les avocats de 300 DH prévus dans le projet de Loi de Finances 2023 à 100 dirhams, selon la méthode optionnelle annoncée. En outre, la durée de l'exonération du paiement de l'impôt des nouveaux avocats inscrits aux barreaux est portée à cinq ans à compter de la date d'inscription. Par ailleurs, l'accord prévoit d'élargir au cercle des dossiers à caractère social l'exonération de prépaiement de l'IR. Il s'agit aussi de réduire la retenue à la source à 10% au lieu de 15% pour les avocats personnes physiques et à 5% au lieu de 10% pour les personnes morales. Une commission technique paritaire entre le gouvernement et le bureau de l'Association des avocats sera constituée pour vérifier le reste des éléments du dossier fiscal. Compte tenu de ces avancées, le bureau de l'Ordre des barreaux du Maroc a demandé aux avocats de suspendre la grève à partir du mercredi 16 novembre. Toutefois, nuance Nabil Haddaji, avocat au barreau de Casablanca, «cet accord a eu un accueil mitigé chez les confrères», tout en précisant qu’il «est préalable et non définitif». D’ailleurs, mercredi après-midi, au moment où nous mettions sous presse, se tenait une réunion de l’Ordre des avocats de Casablanca.

Selon Haddaji, il s’agissait d’une réunion «cruciale pour entériner l’accord ou le rejeter partiellement ou totalement». Si Akhannouch a réussi à décanter temporairement la situation, il n’en demeure pas moins vrai qu’il y a un réel désamour entre les avocats et leur ministre de tutelle, luimême avocat. Un désamour né des déclarations de Ouahbi qui les avait accusés de fraude fiscale, et à qui les robes noires reprochent aussi ses décisions unilatérales (projets de loi concernant la Justice, la loi sur la profession d’avocat…) sans concertations préalables avec les acteurs du secteur.

«Ces évènements interviennent dans un climat très tendu. Le projet du nouveau statut de l’avocat n’a pas été conçu en concertation avec les professionnels du secteur, comme d’ailleurs les nouvelles impositions. Il existe toujours des divergences avec l’Exécutif sur certains points que nous espérons régler prochainement», rappelle à ce titre Haddaji. A côté des avocats, les notaires, aussi, ruminent leur colère. A l'issue d'une Assemblée générale tenue mardi 8 novembre, le Conseil régional des notaires de Casablanca a rejeté fermement les dispositions du PLF 2023 les concernant. Les notaires «s’opposent catégoriquement aux dispositions du PLF 2023, à savoir l’augmentation de la TVA sur leurs honoraires». Selon eux, cette mesure va «affecter le pouvoir d’achat des acquéreurs de biens immobiliers, puisque les frais de l’opération vont augmenter». Ils estiment aussi que la retenue à la source de 20% va «approfondir les difficultés financières auxquelles font face la majorité des études de notaires».

Par ailleurs, tout comme les avocats, les notaires ne décolèrent pas contre leur ministre. Le Conseil national de l'Ordre des notaires du Maroc s'est insurgé contre Ouahbi qui, devant la Commission de la justice, de la législation et des droits de l'Homme de la Chambre des représentants, a confirmé que le ministère avait donné son accord pour accorder aux Adoul le droit d'enregistrer les consignations de dépôts, chasse gardée des notaires. Lors d’une réunion tenue samedi dernier, ils ont dénoncé la facilitation offerte par le ministre sur une spécialité exclusive et historique des notaires. Ils dénoncent l'appropriation par le ministre de la Justice du projet de loi réglementant la profession des notaires, déposé au ministère de la Justice, et son utilisation au profit d'autres professions. 

 

Médecins du privé, géomètres-topographes… s’y mettent

Les médecins du privé et les géomètres-topographes viennent grossir le rang des mécontents. Le Syndicat national des médecins du secteur libéral, à travers son bureau national, s’est insurgé contre les différentes mesures du PLF 2023, les jugeant inéquitables. Les médecins du privé, qui offrent au Maroc 70% des services de santé, se disent victimes d’un système fiscal inéquitable et injuste.

Le syndicat rappelle à ce titre que le médecin du privé, à revenu égal, est imposé à hauteur de 38% contre 20% pour les entreprises commerciales. «Ceci, en plus de la taxe d’habitation, la taxe professionnelle et, depuis peu, les cotisations sociales de 991 DH/ mois, soit le montant de cotisation le plus élevé dans notre pays», s’indigne-t-il, relevant, en outre, la proposition du PLF 2023 d’appliquer une retenue à la source de 20% sur les honoraires des médecins. Ainsi, le syndicat demande une refonte globale du système de taxation des médecins du privé, en leur permettant de bénéficier du statut de SARL à associé unique, ainsi qu’une refonte du système de la tarification nationale de référence, dans un contexte où quelque 600 médecins quittent le Royaume chaque année.

Tout autant, les géomètrestopographes jugent les dispositions du PLF 2023 coercitives, estimant que les nouvelles taxations ciblent d’une façon incompréhensible et injustifiée les professions libérales organisées. Pour signifier sa colère, le Conseil national des géomètres-topographes a décidé d’organiser un sit-in le 17 novembre 2022 devant le Parlement. L’Ordre national des architectes a aussi appelé ses membres à observer un sit-in le même jour à Rabat. De même, dans un communiqué publié mardi, l’Association des experts-comptables du Maroc, qui insiste sur le fait que les experts-comptables adhèrent au principe constitutionnel de contribution aux charges publiques en fonction de la capacité contributive de chacun, s’oppose néanmoins au fondement et au principe même de la retenue à la source, au-delà du taux à appliquer.

Bref, ce sont toutes les professions libérales qui sont vent debout contre la retenue à la source sur leurs honoraires, laquelle devrait entrer en vigueur à partir du 1er janvier, avec un taux non libératoire de 20%. Elles estiment que l’adoption de la retenue à la source aura comme impacts, entre autres, «l’encouragement de l’incivisme fiscal auprès des professionnels qui déclarent régulièrement leurs revenus, la perturbation de la trésorerie de l’entreprise, une imposition qui suppose que l’entreprise réalise 100% de marge sur les honoraires facturés, une marge bénéficiaire quasiment nulle, une gestion comptable davantage compliquée, ou encore l’incapacité pour l’entreprise d’investir».

D’ailleurs, un collectif regroupant les représentants des ordres de professions libérales s’est constitué pour dénoncer ce dispositif fiscal. Il englobe les notaires, les architectes, les géomètres-topographes, les vétérinaires, les expertscomptables, les médecins et les chirurgiens-dentistes.  Actuellement, le gouvernement essuie donc un véritable tir groupé. Reculera-t-il face à la mobilisation des professions libérales en retirant la retenue à la source ou choisira-t-il de traiter au cas par cas ? Il semble avoir choisi la seconde option, mais la situation reste très tendue. Et les rencontres avec les différentes professions vont certainement se multiplier pour tenter de désamorcer les tensions et éviter une crise majeure. Akhannouch devra donc continuer à jouer au sapeur-pompier.

 

Les architectes montent aussi au créneau
Les architectes sont également montés au créneau pour dénoncer les dispositions du PLF 2023. Ils demandent au gouvernement de revoir sa copie. Suite à la réunion de son Conseil national le 12 novembre 2022, l’Ordre national des architectes a apporté quelques précisions. Il réaffirme le rôle de l’impôt comme levier indispensable pour renforcer le développement, l’intégration et la consolidation sociale. Toutefois, il estime qu’il existe une contradiction entre le PLF 2023 et le principe de l’équité fiscale, tel que stipulé dans la Constitution. Si les nouvelles dispositions sont approuvées, elles risquent d’avoir des effets néfastes sur la profession, selon l’Ordre. Elles devraient limiter les capacités d’investissement et d’emploi des différents cabinets d’architectes, dont la plupart vivent dans une situation difficile, note la même source, qui appelle, par ailleurs, à une profonde coordination avec les autres Ordres dont les professions sont également impactées.

 

 

 

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