Récession économique, Loi de Finances rectificative, stagflation… Ces mots s’invitent de plus en plus dans notre langage quotidien. Et mieux vaut ne pas s’y habituer, car ce n’est pas forcément une bonne chose.
Ces mots sont en effet quelque part effrayants, en ce qu’ils traduisent une certaine souffrance économique. Il y a deux ans, ils ne faisaient pas partie de notre vocable journalistique, encore moins de celui des experts qui analysaient la situation économique nationale. Les rares fois qu’ils étaient utilisés, c’était pour parler de pays économiquement fragiles dont les fondamentaux étaient en déliquescence, à l’image d’un Venezuela qui affichait en 2018 un taux d’inflation de plus de 130.000%, avec une économie en contraction de presque 48% entre 2013 et 2018.
Aujourd’hui, tout a radicalement changé. Presque partout, les économies sont en souffrance. Le Maroc n’y échappe pas. Les fragilités de l’économie ayant été mises à nue par une sécheresse sévère, accentuées par les conséquences de la guerre russo-ukrainienne qui a fait flamber les prix des produits alimentaires et énergétiques. Le tout soutenu par les impacts néfastes d’une pandémie qui a porté le taux de chômage à 12,3%, et dont les relents affectent encore bon nombre de secteurs économiques.
Au point que prend corps le scénario d’une stagflation et que l’on évoque déjà la possibilité de recourir à une nouvelle Loi de Finances rectificative. Ce qui serait inédit et surtout inquiétant pour un pays qui, de toute son histoire économique, n’en a adopté que quatre, notamment en 1979, 1983, 1991… et 2020. Et si l’on ne parle pas encore de récession économique, les observateurs avertis sont cependant unanimes à dire que la croissance de 2,9% prévue en 2022, déjà molle compte tenu des ambitions de développement du Maroc, va être revue à la baisse.
Situation sociale tendue
Ce contexte économique défavorable, avec la clé une inflation importée, dégrade le pouvoir d’achat des ménages et attise les tensions sociales. Cela explique la grève de trois jours initiée par les transporteurs routiers, qui réclament des mesures d’urgence face aux problèmes causés par l’envolée des prix des carburants. Le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a ainsi appelé les ministres concernés à programmer, la semaine prochaine, une réunion avec les opérateurs du secteur.
Parallèlement, l’Exécutif a annoncé jeudi soir deux mesures pour soutenir les opérateurs économiques :
• relever les plafonds de garantie au titre de l’offre classique «Tamwilcom» afin d’augmenter le potentiel d’offre de crédits de trésorerie;
• rééchelonner les crédits «Oxygène et Relance» pour une durée pouvant atteindre 3 ans.
Si le gouvernement a laissé entendre que «d’autres mesures seront prises en fonction de l’évolution de la situation», il convient cependant de dire que l’on s’attendait à des annonces autrement plus fortes. Rien n’est en effet proposé pour préserver le pouvoir d’achat des Marocains, dans cette conjoncture où tous les prix flambent, de l’alimentaire au gasoil & essence. Et c’est là où les citoyens attendent le gouvernement, surtout que le Ramadan approche à grands pas.
L’Exécutif va-t-il continuer à rester muet sur ce sujet ? Ce serait cautionner un grand hold-up, au regard de la centralité de la question du pouvoir d’achat dans la Loi de Finances 2022. Ce serait surtout une erreur monumentale de ne pas apporter les réponses appropriées et de sous-estimer cette colère sociale qui monte. Qui monte.
F. Ouriaghli