Avec une production céréalière limitée à 32 millions de quintaux, le Maroc devra casser sa tirelire pour combler ses besoins.
Sur le marché européen, le cours du blé se situe actuellement aux alentours de 438 euros la tonne contre… 200 euros la tonne il y a moins d’un an.
La récolte céréalière au titre de la campagne agricole 2021-2022 est pour le moins catastrophique. Selon le ministère de l’Agriculture, il est attendu pour les principales céréales (blé tendre, blé dur et orge) une production de 32 millions de quintaux au Maroc, avec une baisse prévisionnelle du PIB agricole à 14%.
La production céréalière chute ainsi de 69% par rapport à la campagne précédente, soit 17,6 millions Qx pour le blé tendre, 7,5 millions Qx pour le blé dur et 6,9 millions Qx d'orge.
En cause, un déficit pluviométrique sévère, accompagné d’une mauvaise répartition temporelle et territoriale : 188 mm à fin avril, soit un repli de 42% par rapport à la moyenne des 30 dernières années (327 mm) et de 35% par rapport à la campagne précédente (289 mm) à la même date.
Forcément, le Maroc devra donc recourir à l’importation pour combler ses besoins en céréales, particulièrement le blé qui est fortement consommé dans le Royaume.
Mais c’est là que l’affaire se corse. Car, sur le marché mondial, il y a une forte tension sur les prix, exacerbée par la guerre en Ukraine. Pour s’approvisionner en blé, il faut actuellement beaucoup de blé. La subvention du gouvernement destinée à cette denrée pour qu’elle arrive aux minoteries au prix de 260 DH le quintal a connu une forte augmentation : elle est passée de 71 DH en janvier dernier à près de 200 DH le quintal actuellement.
Il ressort des chiffres dévoilés par le ministre du Budget, Fouzi Lekjaa, lundi dernier à la Chambre des représentants, que la facture d'importation du blé tendre a atteint 2,52 Mds de DH à fin avril 2022 pour 20 millions de quintaux. Et globalement, la charge de compensation du blé tendre et de la farine devrait atteindre 7,32 Mds de DH au terme de l’année.
Les raisons de la flambée
La facture céréalière va donc être particulièrement salée à cause de la faiblesse de la production cette année, mais également parce que le cours du blé a pris l’ascenseur. Sur le marché européen, il se situe actuellement à 438 euros la tonne contre 200 euros la tonne il y a moins d’un an, en raison notamment du conflit russo-ukrainien qui se répercute sur le marché mondial des céréales, ces deux pays étant des producteurs agricoles de premier rang. Ils représentent environ 30% du blé commercialisé dans le monde (20% pour la Russie et 10% pour l’Ukraine). Or, le Programme alimentaire mondial (PAM) estime que 13,5 millions de tonnes de blé et 16 millions de tonnes de maïs sont bloquées en Russie et en Ukraine, soit 23% et 43% de leurs exportations prévues en 2021-2022.
Le renchérissement des prix est aussi accentué par les sanctions infligées à la Russie, les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement et de distribution des céréales et les restrictions à l’exportation décidées par l’Ukraine. A cela s’ajoute, outre la spéculation, la toute dernière mesure prise par l’Inde, deuxième producteur de blé au monde : un embargo qui interdit la vente de cette céréale à l’international à cause d’une rude sécheresse qui a plombé la production.
Cette décision va aggraver la crise d'approvisionnement en céréales et attiser les tensions sur les prix, surtout si la guerre russo-ukrainienne persiste.
Seule note qui semble être positive : selon la FAO, la production mondiale de blé devrait atteindre 775,4 Mt en 2021/2022, pratiquement au même niveau que la saison précédente, grâce à des récoltes abondantes en Australie et en Argentine. Ce qui pourrait peut-être contribuer à la détente des prix.
Mais, quoi qu’il en soit, le Maroc va devoir casser sa tirelire pour ses besoins nationaux en céréales. «(…) Le conflit a perturbé l'approvisionnement en blé à l'échelle mondiale. L'Ukraine et la Russie ont fourni environ 20% des importations céréalières du Maroc. Face à une baisse de la production nationale, le Maroc devra chercher de nouveaux fournisseurs à un coût plus élevé, ce qui exercera une pression sur la balance commerciale», indique l’agence de notation Fitch Ratings dans ses dernières prévisions concernant le Royaume.
Le gouvernement marocain assure, de son côté, qu’il dispose d'un ensemble de mécanismes à même de renouveler et de consolider le stock national de blé. Selon le porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas, le Maroc s’approvisionne en blé auprès de différents marchés, avec un stock national couvrant près de quatre mois de consommation.
F. Ouriaghli