Avec des précipitations totales de 17 milliards de mètres cubes, 2018-2022 est parmi la période la plus sèche de tous les temps.
Le montant des investissements programmés dans le cadre du Programme d'approvisionnement en eau potable et d'irrigation 2020-2027 a été porté de 115 à 150 Mds de DH.
Les travaux de 20 grands barrages se poursuivent pour un coût total de 31 milliards de dirhams.
Par D. William
La situation hydrique au Maroc est plus qu’inquiétante. Sécheresse, baisse des nappes phréatiques, faiblesse du taux de remplissage des barrages sont autant de facteurs qui, aujourd’hui, justifient la mobilisation générale appelée par le gouvernement pour faire face à la rareté de l’eau dans le Royaume. En raison du changement climatique, le Maroc est exposé à des vagues de sécheresse de plus en plus fréquentes, avec une période 2018-2022 considérée parmi la plus sèche de tous les temps, au regard des précipitations totales qui ont enregistré environ 17 milliards de mètres cubes. Ce qui constitue le volume de précipitations le plus faible (en cinq années consécutives) dans l'histoire du Maroc.
«Ceci explique la baisse importante des précipitations de 50% au niveau national par rapport au taux normal des précipitations, sans compter la variation territoriale du taux de précipitations, puisque 51% de celles-ci sont concentrées sur seulement 7% du territoire national dans les bassins du Loukkos et du Sebou», souligne le chef de gouvernement, Aziz Akhannouch, qui s’exprimait lundi dernier à la Chambre des représentants, sur la politique de l’eau au Maroc. De même, à cause de l'exploitation excessive de la nappe phréatique, celle-ci connaît une baisse de trois mètres, dépassant, parfois même, les 6 mètres, comme c'est le cas à Zagora et à la Haute Moulouya.
Ainsi, «plus d'un million de mètres cubes d'eau de la rivière Oum Errabie sont exploités quotidiennement sans permis, et environ 40% de l'eau est perdue par son écoulement depuis les canaux d'eau, sans parler du problème des estuaires des rivières en mer, qui nécessite de réfléchir aux moyens de les capter et de les orienter vers les zones les plus touchées pour faire face à la pénurie hydrique», déplore Akhannouch.
Parallèlement, au 13 décembre, les réserves en eau du Maroc dans les barrages étaient à 4,1 milliards de m3 , soit un taux de remplissage de 25,4%. La situation s’est certes très légèrement améliorée à la faveur des précipitations qui ont eu lieu ces derniers jours dans le Royaume, mais on est encore loin du taux de remplissage enregistré l'an dernier à la même période (34,5%). Au final, la quantité moyenne d'eau par habitant a considérablement diminué, sa part moyenne par an étant estimée à 620 mètres cubes. «Elle devrait diminuer à 560 mètres cubes en 2030 en raison de la croissance démographique, après avoir été d'environ 2.560 mètres cubes dans les années soixante. Dans certaines régions, elle atteint 1.000 mètres cubes et dans d'autres, elle ne dépasse pas 100 mètres cubes», indique le chef de gouvernement.
Les réponses de l’Etat
Le Maroc compte actuellement 149 grands barrages d'une capacité totale de plus de 19 milliards de mètres cubes, 137 petits barrages pour accompagner et soutenir le développement local et 88 stations de traitement d'eau potable, dont 9 unités de dessalement d'eau de mer (qui fournissent 147 millions de mètres cubes par an), 158 usines de traitement des eaux usées, 16 installations de dérivation des eaux, en plus de milliers de puits et de forages pour extraire les eaux souterraines.
«Ces efforts ont permis de généraliser l'approvisionnement en eau potable en milieu urbain à 100% sur la base d'hydrauliques durables et la généralisation de l'approvisionnement en eau potable dans le monde rural, où les aménagements réalisés ont atteint un taux d'accès de 98,5%», précise Akhannouch. C’est pour soutenir cette dynamique que le gouvernement a décidé de donner un coup de boost à la Stratégie nationale de l'eau. Concrètement, il s’agit d’accélérer la réalisation des 20 stations de dessalement d'eau de mer (vs 9 actuellement) et la construction des 57 grands barrages prévus à l’horizon 2030 (vs 14 grands barrages de 2009 à ce jour), en plus des opérations de raccordement entre les bassins, qui ont également connu un retard notable.
A côté de cela, le gouvernement a décidé d'allouer une enveloppe financière estimée à 10,6 milliards de dirhams pour le budget 2023 (soit une augmentation de 5 milliards de dirhams par rapport à l'année précédente), pour la mise en œuvre d'un ensemble de projets structurants, tout en initiant un certain nombre de mesures urgentes. Ainsi, il a été décidé de prioriser la disponibilité de l'eau potable dans les zones touchées, en particulier au niveau des bassins de la Moulouya, de Oum Errabie et du Tensift, et de faire face avec fermeté aux différents effets négatifs résultant de la sécheresse, tels que l'exode rural et les dommages sur les chaînes de production agricole.
«Le gouvernement a également mis en place un programme d'urgence pour faire face au problème de la rareté de l'eau, pour lequel il a alloué une enveloppe financière de 3 milliards de dirhams, pour tous les bassins touchés par les pénuries d'eau, en plus de la signature d'un ensemble de conventions entre les différentes parties prenantes pour surmonter les conséquences du déficit hydrique», fait savoir Akhannouch. Ces mesures ont concerné quatre bassins hydrauliques pour un coût total estimé à 2,3 Mds de DH : Oum Errabie, Tensift, Moulouya et DrâaTafilalet.
Programme d'eau potable et d’irrigation 2020-2027
Le gouvernement va accélérer la mise en œuvre des grands axes du Programme d'approvisionnement en eau potable et d'irrigation 2020-2027. Dans ce cadre, le montant des investissements programmés a été porté de 115 à 150 Mds de DH. Objectif : «pallier le retard pris dans la réalisation de certains projets, et en présenter d'autres, comme l'achèvement de la deuxième tranche de l'usine de dessalement d'Agadir, qui est programmée pour 2025 au lieu de 2030», explique le chef de gouvernement.
Parallèlement, des études sont en cours pour la réalisation des unités de dessalement d'eau de mer à Casablanca, Nador, Safi, Dakhla, El Jadida, Marrakech, Essaouira, Guelmim, Tan-Tan et Tiznit, ainsi que l'examen des programmes liés aux barrages et la liste de nouveaux barrages. Sur ce point, rappelons que les travaux de 20 grands barrages se poursuivent pour un coût total de 31 milliards de dirhams et une capacité de stockage de 6,4 milliards de mètres cubes. Parmi eux, trois sont en cours d'achèvement (Tidas à Khénifra, Todghy à Tinghir et Agdaz à Zagora). Par ailleurs, des appels d'offres ont été lancés pour achever les travaux de deux grands barrages à Larache et Sefrou, pour un coût estimé à 2 milliards de dirhams. De même, les travaux de petits barrages sont achevés dans les provinces de Tiznit et Taourirt, tandis que les travaux de sept petits barrages se poursuivent dans les provinces de Figuig, Nador, Tata, Errachidia, Benslimane, Chefchaouen et Nador, informe Akhannouch, qui précise que, «dans ce contexte, une convention cadre et de partenariat a été signée pour la construction de 129 barrages collinaires et petits barrages, au cours de la période 2022- 2024, avec une enveloppe financière de plus de 100 millions de dirhams annuels pour améliorer la connaissance et l'exploration des ressources en eaux souterraines par la réalisation et l'équipement de forages».
Ces initiatives seront appuyées par la réutilisation des eaux usées, considérée comme une alternative pour réduire le stress hydrique du Maroc. En cela, le gouvernement a préparé une convention encadrant la réalisation de 8 projets de réutilisation des eaux usées traitées, qui permettront d'économiser environ 12 millions de mètres cubes d'eau par an, pour un coût de 454 millions de dirhams, à Kelaat Sraghna, Oujda, Rabat, Salé, Skhirat, Témara, Benslimane, Errachidia, Laayoune, Chtouka Ait Baha et Al Hoceima. Le changement climatique est bien réel et le Maroc se doit d’apporter des solutions appropriées à ce phénomène devenu structurel. D’où la nécessité d’améliorer le contenu du Plan national de l'eau à l’horizon 2050, en le dotant des mécanismes de gouvernance, de suivi et d'évaluation nécessaires pour assurer son efficacité, suggère Akhannouch. Avec l’objectif final de mobiliser 4,5 milliards de mètres cubes d'eau supplémentaires à cette échéance.