Le secteur du textile marocain traverse une période de turbulences, et ce en partie à cause de la baisse des exportations vers l’UE, un marché hautement stratégique pour le Royaume et lourdement impacté par les effets de l’inflation.
Par M. Boukhari
Le phénomène inflationniste qui a frappé l’Union européenne ces dernières années impacte sensiblement ses partenaires clés, notamment le Maroc. L’un des domaines de collaboration qui semble en pâtir sérieusement est celui du textile. En effet, les exportations marocaines de textile vers l’UE ont enregistré une baisse significative de 14% en 2023 par rapport à 2022, se fixant ainsi à une valeur de 2,55 milliards d’euros, révèlent de récentes données d’Eurostat.
Cette baisse généralisée des importations européennes est le résultat d’un marché asphyxié par un repli du pouvoir d’achat, ce qui a de facto induit à une chute d’environ 21% de la moyenne des prix. Pour Jean-François Limantour, président du Cercle euro-méditerranéen des dirigeants textile- habillement, «l’année 2023 restera dans les annales comme une année noire, marquée par le recul de la consommation vestimentaire européenne, des faillites en cascade de distributeurs notoires, des montagnes d’invendus, des stocks abyssaux et un commerce international fortement contracté».
Quoique le Maroc est passé de cinquième à huitième fournisseur de l’UE, sa part de marché est restée quasi stable, estimée ainsi à plus ou moins 3,1%. Qui plus est, les prix de vente pratiqués par les fournisseurs marocains sur le marché européen n'ont pas été impactés par la tendance baissière observée dans l'Union européenne. On parle alors d’une moyenne de 30,61 euros, affichant une augmentation de 9,5% par rapport à l'année précédente.
Diversifier les marchés d’exportation Faiçal Elahmadi, membre du Conseil d’administration de l’Association marocaine des industries du textile et de l'habillement (AMITH), estime qu’une baisse des exportations vers l’UE pourrait entraîner un ralentissement de la croissance de l’industrie textile-habillement et de l’économie dans son ensemble. Aussi, cela peut conduire, selon lui, à une surcapacité de production et à une pression sur les marges bénéficiaires des entreprises du secteur. Le marché de l’emploi n’est pas en reste. Elahmadi reste convaincu que cette conjoncture pourrait entraîner des difficultés pour les entreprises du secteur, ce qui engendrerait potentiellement des pertes d’emplois. L’autre conséquence est la compétitivité accrue.
«Pour rester compétitives, les entreprises du secteur pourraient être amenées à innover davantage, à investir dans des technologies de pointe et à tenter de diversifier leurs marchés d'exportation», suggère-t-il. Par ailleurs, en vue de relever les défis de la compétitivité, le Maroc est en passe de consolider ses partenariats en Europe, en l'occurrence avec la Suisse. Le 5 mars dernier, l’AMITH et la Fédération suisse du textile ont signé un mémorandum d'entente à Berne visant à renforcer la collaboration entre les représentants du secteur dans les deux pays.
«Le textile marocain est avancé dans l'industrie du prêt-à-porter, mais le problème des tissus bruts persiste. C'est pourquoi les professionnels aspirent à l'implantation d'unités suisses sur le marché marocain pour fournir ce produit brut, renforçant ainsi notre capacité à accéder à de nouveaux marchés européens et américains», affirme le président de l'AMITH, Anas El Ansari. Et de noter que «les secteurs suisse et marocain du textile sont complémentaires, puisque chacun d'eux réalise environ 6 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel, avec près de 1.500 entreprises, employant 220.000 travailleurs côté marocain et 20.000 dans les unités suisses».