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Tourisme à Marrakech: Patriotisme économique oui, mais…

Tourisme à Marrakech: Patriotisme économique oui, mais…

L’ONMT vient de lancer une campagne nationale de communication incitant à visiter Marrakech.

Au-delà de cette initiative, le tourisme interne doit sortir de cette logique d’actions ponctuelles et épisodiques pour boucher les trous en cas de crise.

 

Par D. William

Soutenir Marrakech. Continuer de promouvoir la destination afin de ne pas voir s’effondrer le tourisme, cœur de l’activité économique de la ville ocre. Depuis le terrible séisme d’Al Haouz, c’est l’une des principales préoccupations des autorités et opérateurs du secteur. Ainsi, après avoir initié une série d’actions pour rassurer les partenaires internationaux, l’Office national marocain du tourisme (ONMT) a décidé, cette fois-ci, de s’adresser aux touristes nationaux. L’ONMT vient en effet de lancer une campagne nationale de communication incitant à visiter Marrakech.

Intitulée «Ntla9awfMarrakech», cette campagne inédite vise à perpétuer le mouvement de solidarité des Marocains en les incitant à venir à Marrakech et à partager un moment de vie avec les Marrakchis dans cette période particulière, indique l'Office. Cette initiative, qui s’inscrit dans le prolongement des différentes mesures qu’il a prises pour soutenir le secteur touristique en général, portera-t-elle ses fruits ? Autrement dit, les Marocains répondrontils à l’appel de l’ONMT ?

Maillon faible

Ces interrogations sont loin d’être superflues. Au moins pour deux principales raisons. La première est que le tourisme domestique a toujours été le maillon faible de la politique touristique nationale. Il est considéré comme un facteur de résilience important pour le secteur et une bouée de sauvetage, particulièrement en cas de choc externe. Ce fut le cas lors de la pandémie. Il se singularise, par ailleurs, par l’échec successif des différents programmes et campagnes mis en place (opérations Kounouz Biladi, entre autres) pour en faire une locomotive de développement durable de l’industrie touristique.

C’est dire que les Marocains voudraient bien être solidaires et faire preuve de patriotisme économique en séjournant à Marrakech pour ce long week-end qui s’annonce, mais encore faut-il que l’offre touristique soit en adéquation avec leurs besoins et attentes. Et c’est là tout le problème  : il y a un déphasage criant entre l’offre et la demande des ménages marocains, tant en termes d’infrastructures d’hébergement que de prix. Si, comme le révèle la dernière enquête du Groupe Sunergia, presque la moitié des Marocains (49%) fait du tourisme national au moins 1 fois par an, en dehors de la visite de la famille et des invitations des amis, il n’en demeure pas moins que les structures d’hébergement ne sont pas adaptées aux familles marocaines. De plus, les tarifs restent également élevés et hors de portée de toutes les catégories sociales. 

C’est pourquoi Othman Cherif Alami estime que «le développement du tourisme domestique doit être logé dans une véritable division au sein de l’ONMT, de la Société marocaine d’ingénierie touristique (SMIT), du ministère du Tourisme et des régions». Selon le président du Conseil régional du tourisme de Casablanca-Settat, pour qu’il devienne un véritable moteur permanent du tourisme marocain, «il faut que chaque région prenne en main la promotion et le développement des produits touristiques de ses propres territoires». De même, poursuit-il, «il faut des financements adaptés, avec une connotation sustainable (tourisme durable) qui pourrait faire du bien et déclencher chez tous les entrepreneurs une véritable créativité dans les nouveaux produits touristiques nationaux».

Par ailleurs, Alami préconise que «les communes de tous les territoires touristiques puissent offrir le foncier par des concessions sur 30, 60, 90 ans et ainsi permettre aux opérateurs, jeunes entrepreneurs, d’investir». Enfin, le président du CRT–CS recommande que les Académies des métiers du tourisme rural, qui sont actuellement éphémères car ouvertes juste durant les vacances scolaires, puissent aussi être mises à profit dans le cadre de la promotion du tourisme national. Outre les carences du tourisme interne, il y a une autre réalité liée, cette fois-ci, à la conjoncture économique : nous sommes encore en pleine période inflationniste, avec un indice des prix à la consommation en hausse de 5,0% sur une année au cours du mois d’août 2023.

Même si l’inflation a diminué, le niveau des prix reste élevé. En outre, le mois de septembre coïncide avec la rentrée scolaire et est marqué, cette année, par une hausse soutenue des prix à la pompe. Les ménages sont donc toujours confrontés à la cherté de la vie et à l’érosion de leur pouvoir d’achat, et ce depuis plusieurs mois. En cela, l’appel de l’ONMT peut certes trouver écho favorable, mais seulement auprès d’une certaine catégorie de citoyens, notamment ceux qui sont un peu plus aisés. Sauf qu’en général ces derniers préfèrent des destinations touristiques étrangères, généralement plus compétitives en termes de prestations et de prix. Cet effet d’éviction est quelque part confirmé par les chiffres  : les Marocains explosent leur tirelire à l’étranger, les dépenses voyages au titre des sept premiers mois de l’année 2023 s’établissant à 14,4 Mds de DH, soit une progression de 49% par rapport à la même période de l’année dernière. Il faudra donc un puissant sursaut patriotique pour que les Marocains se bousculent à Marrakech ce week-end. Et ce, en attendant de trouver enfin la bonne formule pour rendre l’offre touristique domestique durablement attractive. 

 

6,5 millions de touristes au premier semestre
Le volume des arrivées de touristes aux postes frontières a atteint environ 6,5 millions de touristes au premier semestre 2023 (S1-2023), en forte hausse de 92%, soit un additionnel de plus de 3 millions de touristes par rapport à la même période une année auparavant, selon l'Observatoire du tourisme. Par rapport à S1-2022, tous les principaux marchés émetteurs ont affiché de bonnes performances. Il s'agit notamment de la France (75% avec un additionnel de 415 mille touristes), l'Espagne (180% avec 407 mille touristes), le Royaume-Uni (100% avec 167 mille touristes), l'Italie (141% avec 101 mille touristes) et les États-Unis ( 111% avec 94 mille touristes). Les trois principaux aéroports du Royaume, à savoir Marrakech Ménara, Mohammed V et Agadir Al Massira ont accueilli un total de 3,2 millions de touristes, soit 49% du total des arrivées de touristes. Par ailleurs, pour le seul mois de juin 2023, le volume des arrivées de touristes aux postes frontières a atteint environ 1,4 million de touristes, en forte hausse de 20% par rapport à juin 2022. Les principaux marchés ayant contribué à cette performance durant ce mois sont l'Espagne (13% Vs. 2022, soit un additionnel de 14 mille touristes), la France (10%, soit 13 mille touristes), le Royaume-Uni (27%, soit 11 mille touristes), les États-Unis (20%, soit 6.364) et le Portugal (35%, soit 4.037). En revanche, les principaux marchés qui ont enregistré des résultats négatifs sont la Belgique (-12% avec -2 mille touristes) et l'Israël (-22%).

 

 

 

 

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