La réussite de la transformation numérique passe par la formation des enseignants, une meilleure gouvernance du secteur et une infrastructure technologique adaptée. Au Maroc, les technologies de l’information et de la communication (TIC) ont profondément transformé divers aspects de la vie quotidienne.
Par D.Moitsinga
Selon l'Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT), le taux de pénétration d'Internet atteignait 98,9% fin 2023, démontrant une adoption massive des technologies numériques par la population. Le secteur de l’éducation ne reste pas en marge de cette révolution. Il se trouve à la croisée des chemins, marquée par une volonté manifeste de modernisation et d’innovation.
Le gouvernement, conscient des mutations rapides du paysage éducatif mondial, met en œuvre des réformes audacieuses pour intégrer le numérique dans le secteur de l’enseignement. Ces efforts visent non seulement à améliorer la qualité de l'éducation, mais aussi à préparer les jeunes marocains aux défis de l'ère numérique. Parmi ces réformes, figure en bonne place le vaste programme de digitalisation de l’éducation, en partenariat avec des acteurs clés du secteur privé. En effet, ce partenariat s'inscrit dans le cadre du Plan national d'accélération de la transformation de l'écosystème de l'enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l'innovation, connu sous le nom de Pacte Esri-2030. L'objectif est de créer de nouveaux diplômes et certifications adaptés aux besoins du marché du travail, favorisant ainsi l'innovation et la compétitivité. En outre, la maîtrise des fondements du numérique devra être intégrée à toutes les filières de formation, et ce dès le premier cycle de l’enseignement supérieur, et l’accès aux équipements et connexions numériques doit être assuré pour tous les étudiants.
La digitalisation des universités marocaines est devenue aussi une priorité. Une convention a été signée entre les ministères de la Transition numérique et de l'Enseignement supérieur, et l'entreprise Oracle pour moderniser les institutions éducatives. Le programme «Code 212» est au cœur de cette initiative, visant à former les étudiants et les diplômés aux compétences numériques essentielles telles que la programmation informatique, l'analyse des données et l'intelligence artificielle (IA). Rappelons que le nouveau modèle de développement a érigé le capital humain en tant que l’un de ses quatre axes stratégiques de transformation, avec l’ambition d’en faire l’un des leviers de l’accélération de la croissance économique et, par conséquent, du développement social du pays. Et pour ce faire, la performance du système éducatif, gage d’un capital humain compétent, doit placer le numérique au cœur de son déploiement. Le numérique dispose d’une capacité de transformation profonde du business model de l’enseignement supérieur, permettant de dispenser des formations diplômantes à distance, à un nombre élevé d’étudiants et à moindre coût.
En parallèle, des investissements significatifs ont été alloués pour soutenir cette transformation, avec une enveloppe budgétaire de 68 millions de dirhams prévue pour 2024. Le gouvernement a aussi lancé une formation dédiée à 1.000 doctorants de nouvelle génération et la création de trois instituts thématiques de recherche pour promouvoir la recherche scientifique et l’innovation dans des domaines prioritaires tels que l’intelligence artificielle, la biotechnologie, etc. Il prévoit également de créer 18 centres «Code 212» d'ici 2026 pour renforcer les capacités numériques des étudiants.
Cependant, cette intégration du numérique dans l’éducation au Maroc ne se fait pas sans défis. L'un des principaux obstacles réside dans la gouvernance du secteur de l'éducation, où une coordination accrue entre les différents acteurs est nécessaire pour assurer une mise en œuvre harmonieuse des réformes. La formation des enseignants représente aussi un défi, car elle nécessite une refonte des programmes de formation initiale pour inclure les concepts de base de l'IA et d'autres compétences numériques. Il est crucial de fournir aux enseignants les outils et les connaissances nécessaires pour former efficacement les étudiants aux technologies émergentes.
Lors d’un colloque international sur l’IA initié par le Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS), Abdellatif Miraoui, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation, avait abordé cet aspect en soulignant que «l’intégration du numérique dans le secteur de l’enseignement nécessite un engagement à plusieurs niveaux, allant de la formation des enseignants à l’adaptation des programmes d’études. Il est primordial d’exiger une formation à l’IA dans les programmes de formation initiale des enseignants, avant d’intégrer progressivement les concepts de base de l’IA dans les curricula, adaptés au niveau des apprenants».
L’intégration du numérique dans l’éducation au Maroc représente une opportunité majeure pour transformer le paysage éducatif et économique du pays. Pour que cette transformation soit réussie, il est essentiel de surmonter les défis liés à la formation des enseignants, à la gouvernance et à l'infrastructure technologique.