► Le Royaume, qui a été l’un des premiers pays à avoir annoncé, en grande pompe, une campagne de vaccination de masse de sa population, n’a toujours pas reçu une seule goutte de ce fameux liquide.
A force d’attendre, les interrogations se multiplient au sein de l’opinion publique. Et les doutes également, entretenus par les démissions récentes du PDG et du DG de Sinopharm, laboratoire qui doit fournir le Maroc en vaccins, et le déficit, voire la communication défaillante des autorités.
Le tout conforté par les tensions naissantes sur le marché des vaccins, où certains pays craignent de manquer de doses, et la situation en Inde, un pays producteur du vaccin AstraZeneca-Oxford à travers le Serum Institute of India, d’où doivent provenir les doses destinées au Maroc.
Ambitions vs réalité
La population ciblée pour la campagne de vaccination au Maroc est de 25 millions de personnes en 12 semaines. Mais cette ambition pourrait être contrariée justement par la réception des doses.
L’on sait en effet, aujourd’hui, que pour vacciner sa population, le Royaume compte quasi exclusivement sur les vaccins développés par le laboratoire chinois Sinopharm et le groupe britannico-suédois AstraZeneca. A ce niveau, il y a deux facteurs qui intriguent.
• D’abord, l’on se demande, avec les démissions inexpliquées des deux plus hauts dirigeants du groupe chinois, si ses engagements vis-à-vis du Maroc vont être tenus. Sur ce point, c’est silence radio du côté des autorités marocaines, notamment le ministre de la Santé, Khalid Ait Taleb, qui aurait gagné à éclairer l’opinion publique.
Rappelons que Sinopharm doit fournir au Royaume 40 millions de doses.
• Ensuite, comme dit plus haut, le marché des vaccins est sous tension.
Et le vaccin AstraZeneca, réputé peu cher, facile à conserver et adapté aux pays en développement, reste très demandé. Au total, 2,5 milliards de doses ont été précommandées à travers la planète.
Dans un entretien accordé à l’agence de presse russe Sputnik, vers fin novembre, Ait Taleb reconnaissait d’ailleurs qu’aujourd’hui «le vaccin est une denrée rare et la capacité de production est limitée pour satisfaire les besoins du monde entier».
Des propos peu rassurants ramenés à la situation d’attentisme actuelle.
Mais AstraZeneca se veut rassurant, précisant qu’il a les capacités de production pour répondre à cette demande mondiale en 2021.
Quels seront cependant les pays prioritaires ?
Le Maroc, avec ses 25 millions de doses commandées, fera-t-il partie de ceux qui seront livrés en premier par AstraZeneca, au regard de la longue liste d’attente ?
Une liste où figure, entre autres, la Grande Bretagne, avec 100 millions de doses commandées, dont 40 millions disponibles d'ici à la fin mars, ou encore l’Union européenne avec 300 millions de doses achetées.
Si l’on se fie à AstraZeneca, il y en aura donc pour tout le monde, même le Maroc. Mais quand ?
Retard à l’allumage
Tout cela explique-t-il le sérieux retard à l’allumage observé pour la campagne de vaccination, au moment où plusieurs pays ont commencé à inoculer le vaccin à leurs citoyens ? Peut-être bien. De quoi rire jaune !
Le Maroc, par la voie de Ait Taleb, assure cependant que toute la logistique est prête.
Et sur la base d’un calendrier vaccinal de 12 semaines, "on pourrait éventuellement être en immunité collective début mai", avance le ministre de la Santé dans un entretien accordé au magazine mensuel de la MAP.
On consent certes que Ait Taleb veuille rassurer la population, mais son assertion suscite certaines remarques qui puisent leur fondement du proverbe «Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs» :
- Primo : Il semble difficile de parler d’immunité collective en mai, alors que le Maroc n’a même pas encore reçu un tout petit flacon du fameux vaccin.
Sauf si le ministre fait allusion à une immunité collective… naturelle qu’on atteindra forcément un jour, au regard de tous ces cas quotidiens dans le pays (sic !).
- Secundo : Avant de parler d’immunité collective, il faut donc non seulement s’assurer de la disponibilité du vaccin en quantité suffisante, mais surtout de l’adhésion de la population.
Or, pour un vaccin qui n’est pas obligatoire, pratiquement rien n’a été fait jusqu’à présent pour sensibiliser les citoyens. Des citoyens exposés aux anti-vaccins et aux fake news sur les réseaux sociaux.
Ait Taleb est-il alors vraiment sûr que plus de 60% de la population cible accepteront de se faire vacciner pour atteindre cette fameuse immunité collective ?
Gare à ne pas se retrouver avec des millions de doses de vaccin inutilisées !
Le vaccin est l’espoir de pouvoir enfin sortir de cette crise, marquée par une économie saignée à blanc, un déficit budgétaire qui se creuse chaque jour davantage et un Maroc endeuillé par au total 7.854 morts de la Covid-19 pour 456.334 contaminations.
Des décès quotidiens, qui, malheureusement, dans la conscience collective, s’inscrivent de plus en plus dans la normalité.
Les autorités doivent donc s’interdire de rater la campagne de vaccination, au nom de l’intérêt supérieur de la Nation.
Mais gardons tout de même espoir, car notre ministre de la Santé nous a garanti que la date de la campagne «sera officiellement annoncée après la réception du vaccin». Inchallah.
D. William