En ordonnant des frappes sur les sites nucléaires iraniens, Donald Trump a choisi de faire entrer les Etats-Unis de plain-pied dans le conflit qui oppose Téhéran à Tel-Aviv.
Une démonstration de force saluée par Israël, mais dénoncée comme une dangereuse escalade par une communauté internationale sidérée.
Le conflit israélo-iranien entre dans une nouvelle phase qui bouscule toutes les certitudes. Ce dimanche 22 juin 2025, les Etats-Unis, emmenés par un Donald Trump qui s’était pourtant donné «deux semaines de réflexion», ont lancé une série de frappes d’une ampleur inédite contre trois sites nucléaires iraniens : Fordo, Natanz et Ispahan.
Mais l’Iran cherchait-il réellement à fabriquer la bombe nucléaire ? Depuis 2018 et le retrait unilatéral de Trump de l’accord de Vienne qui encadrait l’activité nucléaire iranienne, le pays de Mollahs a beaucoup enrichi son uranium et accumulé des stocks qui font trembler.
Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), l’Iran avait assez d’uranium enrichi à 60% pour construire plus de neuf bombes. Est-ce encore le cas après les frappes américaines ? Nul ne le sait.
En tout cas, après avoir envoyé 7 bombardiers furtifs B-2 neutraliser ces installations stratégiques iraniennes, le président américain s’est offert un petit moment de gloire télévisuel.
«Les installations essentielles d'enrichissement nucléaire de l'Iran ont été intégralement et totalement détruites. L'Iran, le caïd du Moyen-Orient, doit maintenant faire la paix. S'ils ne le font pas, les prochaines attaques seront bien plus importantes, et bien plus faciles», a-t-il déclaré.
Ajoutant que «ce sera soit la paix, soit une tragédie pour l’Iran, bien plus grande que celle à laquelle nous avons assisté ces huit derniers jours».
Voilà donc la posture de Trump dans toute sa simplicité : la paix par la force. Benjamin Netanyahu, jamais avare en flatteries à l’égard de son allié qui a qualifié cette opération de «succès militaire spectaculaire», a d’ailleurs salué «une attaque audacieuse» qui «changera l’Histoire».
Cela rappelle curieusement la «mission accomplie» de George W. Bush en Irak. Elle a bien changé l’histoire de la région. Avec les conséquences que l’on connait (sic !).
Vers un embrasement ?
Depuis son retour au pouvoir, Trump s’évertuait pourtant à être un président fort, prêt à imposer la paix par l’intimidation, mais sans user des armes. En avril, celui qui court après le prix Nobel de la paix laissait entendre qu’un accord était possible avec l’Iran.
En mai, il évoquait «une possibilité substantielle de négociation». Mais début juin, Netanyahu appuyait sur l’accélérateur, bombardait l’Iran sans crier gare et entrainait Trump dans la déflagration. Le problème, c’est que le Moyen-Orient est une véritable poudrière.
Et l’Iran, qui a connu la guerre, les sanctions, les soulèvements et les assassinats ciblés, ne va pas simplement baisser la tête.
Il a promis de se défendre par «tous les moyens». Sa télévision d’Etat a annoncé dans la foulée le tir de 30 missiles sur Israël, pendant que ses forces armées revendiquaient une attaque contre l’aéroport Ben Gourion.
Une riposte musclée, d’autant plus inquiétante qu’elle s’inscrit dans une dynamique de guerre déjà bien entamée depuis l’offensive israélienne du 13 juin.
Aussi, à peine les bombes américaines avaient-elles touché le sol iranien que les réactions fusaient de toutes les chancelleries. Sauf que la diplomatie, pour l’instant, parle à une salle vide.
En effet, au sein de la communauté internationale, c’est le concert des condamnations et des appels à la retenue. L’Union européenne, par la voix de Kaja Kallas, a supplié les belligérants de «faire un pas en arrière».
Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, dénonce «une dangereuse escalade dans une région déjà sur la corde raide, et une menace directe à la paix et à la sécurité dans le monde».
Le Qatar évoque des «conséquences catastrophiques». L’Irak y voit une «escalade militaire», tandis que le Comité international de la Croix-Rouge redoute une «guerre aux conséquences irréversibles».
Pékin et Moscou «condamnent» ces frappes, alors que le Pape Léon XIV appelle la diplomatie à «faire taire les armes».
Pour leur part, la France et le Royaume-Uni plaident pour un retour à la table des négociations.
Les Houthis du Yémen menacent les navires américains en mer Rouge. Le Hezbollah, affaibli par les frappes israéliennes, reste imprévisible. Et en Irak, l’ambassade américaine réduit drastiquement son personnel.
Ce n’est pas encore une guerre totale, mais les tensions sont extrêmes et un embrasement régional n’est pas à écarter.
Diplomatie encore possible ?
La diplomatie, même affaiblie, reste la seule voie pour éviter que le Moyen-Orient ne bascule irrémédiablement dans une chouannerie meurtrière. Alors, demeure une grande question : l’Iran acceptera-t-il de revenir à la table des négociations après avoir vu ses sites nucléaires vitrifiés ? Peu probable.
Les Etats-Unis peuvent-ils maintenir un rapport de force sans être aspirés dans une guerre régionale ? Incertain. L’Europe peut-elle jouer les pompiers alors qu’elle a été écartée par Washington et méprisée par Téhéran ? Pas sûr du tout.
Alors, il ne reste plus qu’à attendre. Et à redouter. Car l’Histoire montre que ceux qui déclenchent les grandes opérations militaires ne contrôlent pas toujours leur fin. L’illusion d’une frappe chirurgicale, qui met fin au problème, sans réplique ni rancune, s’est souvent soldée par des années de conflits, d’attentats et de chaos.
F. Ouriaghli