Le ministre de la Justice fait les choux gras de la presse. Laminé par l’opposition, flingué sur les réseaux sociaux et vertement critiqué par les robes noires, Abdellatif Ouahbi est politiquement au plus mal. En effet, à peine les avocats ont-ils décidé de regagner les tribunaux après plusieurs semaines de grève pour protester contre le nouveau régime fiscal qui leur est appliqué, voilà qu’il est au cœur d’une nouvelle polémique.
Ce qui cristallise les débats : le concours d’accès à la profession d’avocat, organisé le 4 décembre dernier, qui aurait été entaché de nombreux «dysfonctionnements» et «irrégularités». Dès que la liste des candidats admis (2.081 sur 70.000 dossiers déposés validés) à passer les épreuves orales a été publiée le 30 décembre, des voix se sont élevées pour crier au «népotisme», «conflit d’intérêts», «clientélisme» et à l’absence «d’égalité des chances». Et pour cause, sur cette fameuse liste des admis, on retrouve des noms de famille similaires à ceux d’élus, anciens ministres, membres de cabinets ministériels ou d’avocats connus. Et surtout, celui du fils du ministre de la Justice. Ce qui pousse logiquement les esprits rebelles à affirmer qu’il y a une tentative de filialiser la profession d’avocat, voire d’en faire un métier «héréditaire».
Mais convenons-en : ce n’est pas tant le fait que les «fils de» ou les «filles de» se présentent et réussissent aux concours qui pose problème. Non, ce sont des citoyens comme les autres…, qui ont (seulement) plus de moyens (sic !). Comme nous le confirme d’ailleurs Ouahbi himself : : «Mon fils a deux licences qu’il a eues à Montréal. Son père est riche et lui a payé des études à l’étranger».
Ahurissant ! Ce qui dérange, c’est cette forme d’arrogance, de suffisance, voire de mépris envers les citoyens. Un ministre ne devrait pas dire ça. Ce qui dérange, ce sont les carences dans l’organisation et le manque de transparence qui ont toujours entouré le concours d’accès à la profession d’avocat. Et vu la faiblesse des admis par rapport au nombre important de candidats, forcément il y a beaucoup de mécontents, forcément cela engendre des polémiques. Et encore davantage si parmi les heureux candidats il y a des «fils de» ou filles de»…
Pas étonnant, actuellement, que les appels à la démission se multiplient. Ouahbi cédera-t-il pour autant son fauteuil douillet face à la fronde populaire ? Pas sûr. Surtout qu’il semble avoir pris le goût d’être sous pression. Car, dès sa prise de fonction, il s’est attiré la foudre des avocats pour les avoir accusés d’être des adeptes de la fraude fiscale. Il s’est aussi mis à dos la profession qui lui reproche ses décisions unilatérales, son approche discrétionnaire dans l’élaboration des projets de loi concernant la Justice, ou encore la réforme relative à la loi sur le métier d’avocat.
Bref, le moins que l’on puisse dire, c’est que Ouahbi reste pour le moment l’un des ministres les plus en vue de cette législature. Mais pas forcément en bien, en ce sens qu’il élargit considérablement le fossé qui se creuse entre les politiques et la collectivité.
Par D. William