Il est des moments où le silence n'est plus une option. Où l'indignation devient une obligation morale. L'interview, jeudi 30 mai dernier, de Benjamin Netanyahu sur LCI, durant laquelle il a présenté une carte tronquée du Maroc, est l'un de ces moments.
Comment un chef de gouvernement, prétendument rompu aux subtilités de la diplomatie internationale, peut-il commettre une telle faute ? C'est une question qui laisse perplexe et indigne tout Marocain fier de son intégrité territoriale.
Le Premier ministre israélien n'est pas un novice dans les arcanes du pouvoir et de la représentation internationale. Il sait pertinemment que les cartes géographiques ne sont pas de simples gribouillis, des outils pédagogiques ou des illustrations à manipuler à sa guise, mais des symboles puissants qui incarnent la souveraineté et l'identité d'un peuple. Elles sont les gardiennes des héritages historiques. Tronquer une carte, c'est mutiler une histoire, c'est nier une identité.
Fort de son expérience politique, Netanyahu sait également, surtout dans le contexte de guerre actuelle entre Israël et le Hamas, que chaque déclaration et chaque image diffusée publiquement, sont minutieusement scrutées, analysées et interprétées. Alors, en présentant une carte du Maroc amputée de son Sahara, il a commis un affront grave à la nation marocaine.
Un récidiviste
Le Sahara marocain n'est pas une question de débat, c'est une réalité historique et une vérité juridique. Netanyahu ne le sait que trop bien, puisqu’Israël reconnaît la souveraineté pleine et entière du Maroc sur son Sahara depuis 2020. Une décision qui avait été perçue à l’époque comme un geste fort, scellant une nouvelle ère de coopération et de respect mutuel entre les deux nations.
Malgré cela, le Premier ministre israélien multiplie les impairs avec une légèreté outrancière.
Deux précédents avaient déjà mis en lumière sa méconnaissance, voire son mépris pour les réalités géopolitiques marocaines. En octobre 2023, on pouvait voir en arrière-plan d’une photo prise en compagnie du Premier ministre italien, Georgia Meloni, une carte du Maroc sans son Sahara. Ce fut le cas aussi en décembre 2020, où un clip vidéo montrait Netanyahu dans son bureau, avec en toile de fond une carte du Royaume amputée de ses Provinces sahariennes.
En ce sens, avec cette nouvelle offense, Netanyahu a fait plus que commettre une erreur diplomatique : il a infligé une blessure symbolique à toute une nation.
Car répéter la même faute diplomatique 3 fois de suite relève d’une manœuvre grossière et d’un manque de rigueur qui trahissent soit une incompétence flagrante, soit un mépris délibéré envers le Maroc. Mais en aucun cas, il ne peut s’agir d’une simple erreur protocolaire.
Alors, légitimement, permettez-moi de rester perplexe face à la réaction du cabinet du Premier ministre israélien sur X : «Malheureusement, une erreur s'est glissée dans la carte présentée lors de l'interview du Premier ministre avec TF1». Ajoutant que «le gouvernement israélien, sous la direction du Premier ministre Netanyahu, a reconnu la souveraineté du Royaume du Maroc sur l'ensemble de son territoire et a corrigé toutes les cartes officielles présentes dans le bureau de son Excellence, y compris la carte présentée par erreur lors de l'interview».
Sauf que le mal est fait. Déjà honni par la rue arabe, cette nouvelle bourde n’a fait que renforcer l’animosité des Marocains envers Israël, surtout que la tentative de Netanyahu de polir son image via les médias français a été pour le moins lamentable. Il est resté fidèle à sa rhétorique habituelle, affirmant la nécessité pour Israël de se défendre contre les attaques terroristes et rejetant toute idée de concessions unilatérales.
Bien que cette position puisse être populaire auprès de certains acteurs de la société israélienne, elle ne tient pas compte des aspirations légitimes du peuple palestinien et des impératifs moraux de justice et de paix.
Bref, cette sortie médiatique a servi à deux choses :
• montrer les limites de sa vision politique très sélective et de sa capacité à inspirer un véritable changement;
• attiser davantage la colère de la rue arabe. Et surtout celle des Marocains.
F. Ouriaghli