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France : Un quinquennat, déjà 5 Premiers ministres

France : Un quinquennat, déjà 5 Premiers ministres

La chute de François Bayrou et la nomination express de Sébastien Lecornu à Matignon illustrent l’impasse dans laquelle s’enlise la Vème République. Sans majorité, contesté dans la rue et fragilisé par la crise budgétaire, Emmanuel Macron joue sa dernière carte face à une France ingouvernable.

 

Par D. William

Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, la Vème République traverse une zone de turbulences politiques sans précédent. Emmanuel Macron, empêché de gouverner par une absence chronique de majorité, a vu tomber coup sur coup deux Premiers ministres (Michel Barnier, puis François Bayrou), avant de se résoudre à nommer un homme de confiance: Sébastien Lecornu.

Qui devient le septième Premier ministre de Macron et le cinquième de ce quinquennat, après Edouard Philippe, Jean Castex (premier mandat), Elisabeth Borne, Gabriel Attal, Michel Barnier et François Bayrou (second mandat). Le choix de Lecornu n’est pas étonnant. Ministre fidèle depuis 2017, transfuge de la droite ralliée au macronisme, il incarne la discipline et la discrétion. En lui confiant les clés de Matignon, Macron a préféré s’appuyer sur quelqu’un qu’il connaît bien et sans ambitions présidentielles trop voyantes.

Mais cette stratégie révèle aussi les limites d’un pouvoir acculé. Pas de coalition stable, pas de majorité claire et une Assemblée nationale où cohabitent trois blocs antagonistes : le centre macroniste, la gauche radicale et sociale-démocrate et l’extrême droite, emmenée par le Rassemblement national.

Depuis la dissolution, l’Elysée vit au rythme des compromis temporaires et des humiliations parlementaires. François Bayrou, dernier à avoir tenté l’expérience Matignon, a chuté de manière spectaculaire. Le vote de confiance du 8 septembre s’est soldé par une débâcle : 194 voix pour, 364 contre. La claque est historique.

Bayrou, dans un ultime discours au ton pour le moins alarmiste, a prévenu : la France est sur le fil du rasoir budgétaire. Mais ni son autorité morale ni son passé de compagnon de route n’ont suffi à réunir les troupes. La gauche et l’extrême droite ont voté contre, tandis qu’une partie des républicains l’a lâché.

Dans ce contexte, la nomination de Lecornu est très révélatrice. Emmanuel Macron joue en effet à quitte ou double. Son septième Premier ministre est un pari sur la loyauté, la rigueur et la capacité de résistance face à une assemblée hétéroclite et frondeuse. Mais aussi une manière de verrouiller Matignon.

Le commentaire acide de Marine Le Pen sur «la dernière cartouche du macronisme» n’est pas dénué de lucidité : le chef de l’Etat n’a plus vraiment de plan B. Déjà, les oppositions s’organisent. La France Insoumise a promis une motion de censure, la droite réclame des garanties sur la ligne budgétaire et le Parti socialiste joue un jeu d’équilibriste. Olivier Faure, qui rêvait à haute voix de Matignon, demande d’ores et déjà à Lecornu de renoncer au 49.3 pour espérer une relation apaisée avec l’hémicycle.

Colères sociales

Pendant que la classe politique se déchire dans les salons feutrés du pouvoir, la rue a retrouvé sa voix. Le mouvement «Bloquons tout», surgi des réseaux sociaux, a perturbé le pays le 10 septembre. Dépôts de bus bloqués, barrières dressées sur le périphérique parisien, lycées fermés, viaducs incendiés à l’aube…, autant d’images qui réveillent les souvenirs à peine enfouis des «Gilets jaunes». Les revendications ? Elles sont multiformes  : contre la politique d’austérité, contre la verticalité du pouvoir, contre l’érosion du pouvoir d’achat ou encore contre la dégradation des services publics. Mais, surtout, contre Emmanuel Macron, de plus en plus décrié. Avec une cote de popularité qui oscille entre 15 et 18%, le chef de l’Etat est plus isolé que jamais.

Aujourd’hui, c’est la question budgétaire qui cristallise toutes les tensions. Le plan d’économie de 44 milliards d’euros proposé par Bayrou n’a pas seulement été rejeté par l’Assemblée, il a révolté le pays. En effet, avec la suppression de jours fériés, les déremboursements, le doublement des franchises médicales, la conditionnalité accrue du RSA, l’allongement du délai de carence pour les arrêts maladie…, le cocktail est explosif.

A ces tensions sociales accrues, s’ajoute le spectre d’une dégradation de la note de la dette par Fitch, attendue vendredi 12 septembre. Déjà, la France emprunte au même taux que l’Italie sur dix ans; une première depuis plus de quinze ans. Et devient une énigme pour ses partenaires, un problème pour ses voisins et un souci pour ses créanciers.

Un pays en déroute

Dans ce chaos organisé, une chose frappe : l’érosion du pouvoir présidentiel. Emmanuel Macron, réélu en 2022, croyait encore pouvoir tenir jusqu’en 2027 en équilibriste. Mais l’accumulation des crises, la fragmentation de l’Assemblée et le rejet populaire récurrent le placent actuellement en posture très délicate. Certains, à gauche comme à droite, n’hésitent pas à réclamer sa démission, alors que les centristes prient pour que la mécanique institutionnelle tienne encore quelques mois. Aujourd’hui, la France est dans une forme de cohabitation qui découle sur une véritable paralysie de l’exécutif. L’Elysée n’a plus de prise sur l’Assemblée. Matignon est devenu une antichambre de légitimité temporaire.

Le Parlement vote pour ou contre des gouvernements à durée déterminée. Et la rue, elle, s’invite au débat par la casse et les feux de poubelles. Dans ce contexte, Sébastien Lecornu parviendra-t-il à former un gouvernement ? Obtiendra-t-il un pacte de non-censure avec les socialistes ? La France adopterat-elle un budget 2026 ? Macron pourra-t-il continuer à rester au pouvoir ? Et surtout : la France peut-elle encore être gouvernée sans majorité ? Rien n’est moins sûr. Il n’y a qu’une seule certitude : ce n’est plus le Président qui gouverne, ni le Parlement, ni la rue. C’est l’impasse. 

 

«Bloquons tout» : La France à l’heure de la fronde sociale

Le 10 septembre 2025, la France a vécu une journée de mobilisation sociale d’une ampleur inédite depuis les Gilets jaunes. Sous le mot d’ordre «Bloquons tout», des milliers de lycéens, d’étudiants et de citoyens en colère ont tenté de paralyser le pays pour dénoncer les politiques d’austérité du gouvernement et le budget présenté par François Bayrou avant la chute de son équipe.

De Paris à Rennes, de Lille à Montpellier, en passant par Nantes, Besançon ou Chambéry, des centaines d’actions ont été recensées : lycées bloqués, universités perturbées, routes coupées, gares ciblées, jusqu’à des occupations symboliques devant des institutions publiques. Selon les chiffres officiels, environ 29.000 personnes ont participé à 430 actions recensées, dont 157 blocages, mais les organisateurs estiment avoir mobilisé bien davantage.

Le ministère de l’Education nationale a reconnu qu’une centaine de lycées avaient été perturbés, dont 27 totalement bloqués, tandis que plusieurs universités ont préféré suspendre leurs cours ou basculer vers l’enseignement à distance. Dans certains établissements parisiens emblématiques, comme Henri-IV, Lavoisier ou Claude-Monet, les blocages ont donné lieu à des affrontements parfois violents : barricades, feux de poubelles et interventions musclées des forces de l’ordre.

Au total, près de 300 interpellations ont été effectuées dans le pays, dont 171 à Paris, où la gare du Nord a connu une matinée tendue. Le ministère de l’Intérieur a mobilisé quelque 80.000 policiers et gendarmes pour tenter d’éviter la paralysie et limiter les débordements. Les autorités assurent que les «cibles stratégiques» ont été protégées et que la vie du pays n’a pas été bloquée.

Né de la colère face au plan d’économies de 43,8 milliards d’euros annoncé en juillet, qui prévoit notamment la suppression de jours fériés et le gel des retraites, le mouvement se veut horizontal et sans leader identifié. Mais il a trouvé un relais auprès de syndicats comme la CGT et d’une partie de la gauche, de LFI au PS. Le gouvernement et une partie de la droite dénoncent à l’inverse une «mouvance d’extrême gauche» qui chercherait à «confisquer» la mobilisation.

Dans les cortèges, les revendications dépassent pourtant les clivages partisans : on réclame le retour de la retraite à 60 ans, plus de justice fiscale ou encore une meilleure répartition des richesses… Certains n’hésitent pas à reprendre les slogans des Gilets jaunes, donnant à cette journée un parfum de déjà-vu. Si le pari de «mettre la France à l’arrêt» n’a pas été gagné, la mobilisation du 10 septembre restera comme un signe fort d’exaspération sociale.

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