Quelque chose doit nous échapper ! Autrement, en essayant d’y trouver toutes les nuances possibles, ce que le ministère de la Justice français vient de lancer, sinon choque, du moins pose de nombreux problèmes qui semblent sortis d’un autre âge.
Suite aux attaques de part et d’autre entre Israël et les territoires palestiniens occupés, le ministre de la Justice français, Éric Dupond-Moretti, a affirmé ceci :
«Les propos qui tendent à inciter autrui à porter un jugement favorable sur une infraction qualifiée de terroriste», «même prononcés dans le cadre d’un débat d’intérêt général» sont «constitutifs de l’apologie de terrorisme», écrit le ministre dans une circulaire adressée à toutes les instances concernées.
Autrement dit, personne ne peut plus donner son avis, ni commenter, ni défendre un point de vue autre que celui de désigner les attaques des Palestiniens contre l’Etat d’Israël d’actes terroristes.
Et ce, quels que puissent être le lieu et l’occasion dans lesquels est énoncé ce point de vue ou cette prise de position. A la radio, à la télé, lors d’une conférence, un débat, une réunion… Dire que la Palestine se défend est une incitation au terrorisme. Dire qu’Israël occupe tout un pays et réduit au silence toutes ses populations est aussi un propos condamnable passible d’au moins 5 ans de prison, sinon 7.
Le ministère de la Justice précise son raisonnement en affirmant ce qui suit : «La tenue publique de propos vantant les attaques», en « les présentant comme une légitime résistance à Israël», devront faire l’objet de poursuites pour apologie du terrorisme, comme le demande le ministre français.
A ceci, il faut ajouter également : «la diffusion publique de messages incitant à porter un jugement favorable sur le Hamas ou le Jihad islamique, en raison des attaques qu’ils ont organisées». C’est on ne peut plus clair.
Israël a le droit de bombarder, de tuer avec des drones, d’organiser des liquidations ciblées, de tuer des femmes et des enfants, de détruire les habitations de centaines de milliers de civils, mais personne ne peut le dire, encore moins le dénoncer. Auquel cas, c’est la prison qui fera taire tout le monde. Et si l’on juge que les parties palestiniennes ont le droit de se défendre, alors on défend les terroristes, et c’est encore la prison qui fait le juge de paix !
C’est tout bonnement incroyable. C’est si clair, si limpide, si assumé et décomplexé qu’on en perd le bon sens et toute velléité de logique.
Cela veut simplement dire que tout le monde doit soutenir l’Etat d’Israël et condamner la Palestine. Cela veut dire que plus personne n’a le droit de penser autre chose que ce que lui dicte la république française. Ce qui veut dire : où tu es avec Israël ou tu vas croupir dans une cellule.
Même aux USA du temps de George W.Bush, après l’effondrement des Twin Towers en 2001, l’administration américaine n’a pas osé poussé le bouchon aussi loin.
Là, la France navigue à vue dans une négation totale de tout droit de penser autrement que ce que la république édicte. Cela porte un nom. L’histoire en a connu des exemples édifiants !
Et ce n’est pas fin i: «Ce qui a frappé Israël samedi dernier, c’est le terrorisme, derrière ce mot se cache un coupable, c’est le Hamas», insiste Eric Dupond-Moretti lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, le 11 octobre 2023, en ajoutant : «Il y a quelques minutes, j’ai signé une circulaire pour demander un traitement immédiat, un traitement ferme et naturellement un traitement systématique de toutes ces infractions».
En attendant la suite de cette circulaire et des conséquences, il faut savoir que le procès d'Eric Dupond-Moretti, jugé pour prise illégale d'intérêts, se tiendra du 6 au 17 novembre 2023.
Eric Dupond-Moretti est soupçonné d'avoir usé de ses fonctions de ministre pour régler des comptes à des magistrats avec lesquels il avait eu des différends quand il était avocat.
Il est notamment reproché au ministre d'avoir lancé une enquête administrative contre trois magistrats du Parquet national financier (PNF), qui avaient épluché ses relevés téléphoniques lorsqu'il était avocat, en lien avec l'affaire Bismuth.
Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste