Par D. William
Le Parti de la justice et du développement (PJD) vise un troisième succès consécutif lors des élections législatives de septembre prochain. Contrairement aux deux précédentes consultations électorales, le PJD n’est pas dans les meilleures dispositions, à moins de deux mois du scrutin.
D’ailleurs, actuellement, ce sont plutôt le Parti de l’Istiqlal (PI) et le Rassemblement national des indépendants (RNI) qui sont donnés favoris. Il faut convenir que les islamistes abordent ces législatives avec deux handicaps de taille.
Le premier a trait au nouveau quotient électoral vertement décrié par la formation politique, mais validé par le Conseil constitutionnel. Le calcul du quotient électoral sur la base des inscrits aux listes électorales au lieu des suffrages exprimés va en effet pénaliser le parti de la lampe, qui risque de se retrouver avec moins de sièges au sein de l’hémicycle. A ce propos d’ailleurs, le politologue Mohamed Belmir nous confiait, à juste titre, que «le nouveau quotient électoral devrait réduire la percée du PJD d’au moins 20%, si l’on tient compte des différentes projections. Il sera donc difficile pour le parti de réaliser le score obtenu lors des dernières élections».
Le second handicap, et non des moindres, est relatif aux guéguerres intestines qui ont fortement miné l’unité du PJD, entraînant la naissance de deux factions : l’une derrière l’actuel secrétaire général du parti et chef du gouvernement, Saad Eddine El Otmani, et l’autre menée par son prédécesseur, Abdelilah Benkirane.
A travers des sorties médiatiques véhémentes, voire irrévérencieuses, et en utilisant les réseaux comme caisse de résonance, ce dernier a fait de la législature de El Otmani un véritable chemin de croix, allant jusqu’à lui demander de démissionner. Benkirane a la rancœur tenace et ne semble toujours pas avoir digéré son limogeage et son remplacement à la tête de l’Exécutif par El Otmani.
C’est un fait. Mis sur la touche à cause de son incapacité à former une coalition gouvernementale, il s’est mué progressivement en «opposant» invétéré de l’actuel chef du gouvernement, contestant avec virulence tous ses choix politiques, quitte parfois à se décrédibiliser.
Point de rupture
Pour le clan Benkirane, les choix politiques de cette majorité gouvernementale ne sont que la résultante des compromis douteux faits par El Otmani, parfois au mépris des références idéologiques du parti de la lampe. Les points de divergence entre les deux factions sont à ce titre nombreux. Mais le point de rupture a été atteint avec la loi-cadre relative au système d’éducation, de formation et de recherche, en raison de l’enseignement des matières scientifiques en langues étrangères, particulièrement en français.
Selon Benkirane, il s’agit d’une «trahison des principes du parti». Le projet de loi relatif aux usages licites du cannabis est venu sceller définitivement la rupture, Benkirane allant jusqu’à décider, le 11 mars dernier, de geler son appartenance au PJD et de couper les ponts avec Saad Eddine El Otmani, les ministres Mustapha Ramid, Abdelaziz Rebbah et Mohamed Amekraz, et l’ancien ministre Lahcen Daoudi. Une semaine plus tard, il est revenu sur sa décision de rompre les relations avec ses «camarades» de parti, mais a maintenu le gel de son adhésion au PJD.
C’est dans ce contexte pour le moins exécrable que les islamistes abordent les élections législatives. L’unité qui faisait la force de cette famille politique a volé en éclats, après 10 ans à gouverner le Royaume. Les islamistes se rendent aujourd’hui compte que l’exercice du pouvoir est bien difficile. Encore davantage s’il faut diriger le pays en faisant partie d’une coalition gouvernementale où, forcément, l’on est amené à faire des choix et compromis qui peuvent parfois corrompre les convictions les plus profondes.
El Otmani en sait quelque chose. Et il en a fait les frais. Saura-t-il néanmoins rebondir et remobiliser ses troupes pour que le PJD réalise le hat-trick ? Les islamistes sauront-ils taire leur divergence et séduire de nouveau l’électorat ? Pourront-ils franchir le rempart que pose le nouveau quotient électoral ? Les jeux sont loin d’être faits.
Et gare à ceux qui veulent enterrer trop vite le PJD ! Primo, parce que le parti de la lampe dispose d’un puissant levier que constitue sa base électorale. Et secundo parce que l’abstention pourrait servir d’arbitre et déjouer tous les pronostics.