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Maroc – Espagne: Retrouvailles entre bons copains

Maroc – Espagne: Retrouvailles entre bons copains

Après Berlin, c’est au tour de Madrid de revenir à la raison et d’avoir une posture claire et sans ambiguïté au sujet du Sahara marocain.

La sincérité de cette décision se mesurera cependant à l’aune des actes concrets qui seront posés par le gouvernement espagnol.

 

Par D. W

Les moments d’égarement diplomatique sont bel et bien terminés. Le Maroc et l’Espagne ont fumé le calumet de la paix après une brouille qui a duré plusieurs mois, entraînant une forte dégradation des relations entre les deux pays. Vendredi 18 mars, le président du gouvernement espagnol a posé un acte très fort.

Dans un message adressé au Roi, Pedro Sánchez a en effet affirmé qu’il «reconnaît l’importance de la question du Sahara pour le Maroc». Mieux encore, poursuit-il, «l’Espagne considère l’initiative marocaine d’autonomie, présentée en 2007, comme la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend». Désormais, «notre objectif est de construire une nouvelle relation, basée sur la transparence et la communication permanente, le respect mutuel et les accords signés par les deux parties et l’abstention de toute action unilatérale, à la hauteur de l’importance de tout ce que nous partageons», note-t-il.

Pour le politique Mohamed Belmir, «la décision de l’Espagne de soutenir le plan d’autonomie pour le Sahara marocain est un tournant historique. C’est un revirement radical de Madrid. En tant qu’ancienne puissance coloniale de ce territoire, elle est la mieux placée pour savoir les droits légitimes et historiques du Maroc dans cette région. Le pays ibérique a compris qu’il a intérêt à assainir ses relations avec le Maroc, devenues toxiques ces derniers temps à cause de l’affaire de Brahim Ghali».

En effet, la clarté du message de Sánchez est à relier à l’ambiguïté qu’a toujours entretenue Madrid au sujet du Sahara marocain, mais également aux actes inamicaux posés par le gouvernement espagnol et qui ont sérieusement altéré les relations bilatérales. Un gouvernement qui berçait et courtisait le Maroc quand il s’agit des questions migratoires et de la lutte contre le terrorisme et le trafic international de drogue, mais qui, dans ses calculs politiques pervers, pactisait avec les ennemis du Royaume et jouait un jeu trouble lorsqu’il s’agit de la cause nationale, le Sahara marocain.

Cette duplicité avait notamment conduit l’Espagne à accueillir sous une fausse identité le chef du polisario, Brahim Ghali, sans en informer le Royaume. Après avoir vivement dénoncé cet acte de trahison, le Maroc avait alors rappelé pour consultations son ambassadrice en Espagne, Karima Benyaich. Ce coup de froid entre les pays a eu eu des conséquences néfastes sur le plan économique.

«Les enclaves occupées de Sebta et Mellila ont été ainsi particulièrement touchées et sont au bord de l’asphyxie économique. L’essentiel de leurs activités est basé sur les échanges avec le Maroc. L’effet était également visible sur les ports espagnols, notamment Algésiras qui a vu son rythme d’activité nettement baisser», analyse Belmir.

 

De Madrid à Berlin

Qu’avait fait le Royaume pour mériter l’attitude hostile de Madrid ? Rien, sinon être constamment au chevet d’un pays qu’il considérait comme «ami et partenaire». C’est pourquoi, lors de la crise catalane, le Maroc a pris position, sans ambiguïté, pour l’intégrité territoriale et l’unité nationale de son voisin du Nord. C’est pourquoi en 2012 le Maroc a répondu favorablement aux demandes du gouvernement espagnol de ne pas recevoir à haut niveau une délégation catalane en visite dans le Royaume. C’est pourquoi en 2002 le Maroc a gracieusement ouvert ses eaux territoriales à 64 bateaux de pêche espagnols,  alors que les accords de pêche n’étaient pas encore conclus. C’est pourquoi également en 2008 le Maroc a procédé à des dérogations pour  accueillir à bras ouverts des travailleurs  et entrepreneurs espagnols, alors que l’Espagne était en pleine crise économique.

Aujourd’hui, l’Espagne, qui s’engage à garantir «la souveraineté et l’intégrité territoriale» du Maroc dans le cadre de «la nouvelle étape» entamée entre les deux pays, semble avoir réellement pris la mesure de ses errances diplomatiques et de ses erreurs. Et veut dorénavant agir «avec la transparence absolue qui correspond à un grand ami et allié». Et Pedro Sánchez s’est voulu rassurant : «Je vous assure que l’Espagne tiendra toujours ses engagements et sa parole».

Au-delà des déclarations d’intention, c’est cependant à travers les actes que posera le gouvernement espagnol qu’il conviendra d’apprécier la sincérité de cette nouvelle posture sur le dossier du Sahara marocain et sur l’inflexion que doit prendre les relations bilatérales. En attendant, le Maroc «apprécie hautement les positions positives et les engagements constructifs de l’Espagne au sujet de la question du Sahara marocain». Partout d’ailleurs, les réactions ont fusé pour saluer le réchauffement des relations entre Rabat et Madrid.

L’Union européenne a ainsi salué «tout développement positif entre ses États membres et le Maroc dans leurs relations bilatérales, qui ne peut être que bénéfique pour la mise en œuvre du partenariat euro-marocain dans son ensemble». L’Espagne rentre donc… dans les rangs, comme l’a fait il y a peu un autre pays «ami» du Royaume, l’Allemagne. Un pays qui avait non seulement multiplié les actes hostiles et actions attentatoires à l’égard des intérêts supérieurs du Royaume, avec une attitude négative sur la question du Sahara marocain, mais qui a aussi combattu le rôle régional du Maroc, notamment sur le dossier libyen, en l’évinçant de la conférence internationale sur la Libye, tenue en janvier 2020, et ce bien que le Royaume reste un acteur central dans la résolution de la crise libyenne. Une attitude qui avait poussé le Maroc à geler ses relations avec l’Ambassade d’Allemagne dans le Royaume, et à rappeler, par la suite, son ambassadeur à Berlin pour consultations.

Mi-décembre dernier, Berlin a changé de fusil d’épaule pour décrisper les relations bilatérales, reconnaissant que le plan d’autonomie constitue «une contribution importante» de la part du Maroc pour résoudre le différend autour du Sahara. Soulignant tout autant le «rôle majeur» que joue le Royaume «pour la stabilité et le développement durable dans la région. En témoigne notamment son engagement diplomatique en faveur du processus de paix libyen». Par deux fois donc, il a fallu que Rabat montre les crocs pour que ses «amis» reviennent à la raison et apprécient avec lucidité et intelligence les relations qui les lient au Royaume. Il faut espérer que l’arithmétique politicienne ne vienne ternir ces réconciliations et ces retrouvailles entre bons copains. 

 

 

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