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Netanyahu - Trump - Khamenei : Trois hommes et une guerre

Netanyahu - Trump - Khamenei : Trois hommes et une guerre

Netanyahu a frappé fort. Le 13 juin 2025, il déclenche une campagne militaire d’envergure contre l’Iran, au nom de la lutte contre le nucléaire. L’Iran riposte. Trump menace de liquider l’Ayatollah Ali Khamenei. Face à l’équilibre régional qui risque de vaciller, l’Occident semble impuissant.

 

Par D. William

Tout commence le 13 juin 2025. Israël lance une série de frappes massives sur des cibles militaires et nucléaires en Iran. Officiellement, pour empêcher Téhéran d’accéder à l’arme atomique. Officieusement ? La question reste posée. En face, la riposte iranienne ne tarde pas. Missiles, drones, menaces existentielles… Tout y passe.

C’est l’escalade meurtrière, avec près de 250 morts côté iranien, civils et militaires confondus, et 24 mors côté israélien, selon le dernier bilan officiel. Et personne ne semble pouvoir arrêter cette mécanique infernale, d’autant plus que les frappes israéliennes ne visent pas seulement des installations iraniennes. Elles tuent des généraux, des scientifiques et des hommes du pouvoir.

Pourquoi maintenant, alors que des pourparlers avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) semblaient progresser ? Pourquoi ces frappes d’une telle ampleur ? L’objectif dépasse-t-il la simple neutralisation d’un programme nucléaire ? La réponse est peutêtre à chercher du côté de ce que certains appellent désormais la «méthode Netanyahu» : créer une situation de guerre permanente pour souder l’opinion, détourner l’attention des crises internes et remettre la question sécuritaire au cœur du débat.

Amar Dib, écrivain, sociologue, juge et médiateur international, apporte pour sa part un autre éclairage. Selon lui, «d’abord, on peut faire une première remarque sur ces bombardements. On constate que l’armée israélienne est capable de cibler à plus de deux mille kilomètres de hauts dignitaires iraniens dans leurs abris, avec une précision incroyable, mais se montre incapable de cibler avec la même précision les dirigeants du Hamas à Gaza. Et qu’elle préfère détruire la totalité des immeubles et des infrastructures de Gaza, en tuant au passage des dizaines de milliers de civils, pour atteindre ces soi-disant dirigeants. Ce constat permet d’interpréter et de comprendre aisément les deux stratégies. La première vise à détruire l’Iran dans sa structure et ses fondements, la seconde vise à vider Gaza de sa population».

Et d’ajouter que «concernant l’Iran, les choses vont être beaucoup plus compliquées. Je ne crois pas en l’idée d’un renversement politique dans l’immédiat, et je ne pense pas que cela puisse arriver rapidement. A mon avis, après cet embargo qui dure depuis plus de trente ans, l’idée est de faire de l’Iran un Etat à la dérive, où se développeraient l’anarchie, la guerre civile et les tensions interethniques, à l’instar d’autres pays musulmans comme l’Afghanistan, l’Irak, la Lybie ou la Syrie. Des contrées où l’intervention militaire occidentale a systématiquement conduit ces pays vers le chaos, la misère, la désolation et les guerres fratricides. Il faut faire tomber le régime des Mollahs pour en réalité faire tomber l’Iran dans sa réalité politique, institutionnelle et religieuse. Et créer les conditions de la division au sein du peuple iranien, en permettant qu’une révolution populaire, permanente et meurtrière s’installe durablement : voilà ce que veut le gouvernement de Monsieur Netanyahu».

Loin de la simple réaction militaire, la stratégie israélienne s’inscrirait donc, selon la lecture géopolitique et historique de Dib, dans un projet d’affaiblissement total de la structure étatique iranienne, jusqu’à l’implosion. Et les Etats-Unis dans tout ça ? «Donald Trump s’est montré déjà incapable de raisonner les dirigeants israéliens pour faire cesser les bombardements sur Gaza depuis bientôt deux ans, je ne vois pas pourquoi Netanyahu l’écouterait davantage pour la guerre en cours avec l’Iran», martèle Amar Dib.

Vers un embrasement régional ?

Pendant ce temps, l’Occident se livre à son rituel bien rodé : appels à la retenue et condamnations molles. Trump, fidèle à son style, alterne menaces tonitruantes et envolées lyriques sur la fin américain a d’ailleurs franchi un seuil inquiétant en déclarant sur Truth Social que «les Etats-Unis savent exactement où se cache le soi-disant guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, mais ne comptent pas l’éliminer... du moins pour le moment».

Une formule volontairement ambiguë, suivie d’un appel à une «capitulation sans conditions». Trump a même ajouté que «tuer Khamenei mettrait fin au conflit», rejoignant ainsi la ligne dure défendue par Benjamin Netanyahu. Ces propos, qui flirtent avec la doctrine de l’assassinat ciblé d’un chef d’Etat, ont semé le trouble jusque dans les cercles diplomatiques alliés, où l’on redoute une rupture totale des tabous internationaux. Se dirige-t-on alors vers un embrasement généralisé ?

La crainte est bien réelle. «Il y a toujours un risque que la région s’embrase et que ce conflit entre deux belligérants devienne une confrontation internationale. Mais je ne le pense pas, car l’Iran reste l’un des alliés de la Russie et de la Chine, et qu’Israël peut compter sur le soutien indéfectible des États-Unis. Cela deviendrait, par pays interposés, une opposition frontale entre les trois plus grandes puissances du monde, et ce scénario nous conduirait à un désastre qui embraserait la planète. C’est pourquoi il faut plutôt comprendre que Monsieur Netanyahou, pour se maintenir au pouvoir et ne pas être poursuivi par la justice israélienne, a besoin de maintenir son pays en guerre. D’autant que les pourparlers avec les émissaires américains et les experts de l’AIEA autour du nucléaire iranien étaient en passe d’aboutir à une issue favorable», analyse notre interlocuteur.

Soulignant que «cela allait conduire naturellement à la levée progressive de l’embargo sur l’Iran et lui permettre de reprendre sa place dans le concert des nations, en jouant de nouveau un rôle prépondérant dans la région. Ce que le Premier ministre Israélien ne pouvait pas admettre». C’est pourquoi, poursuit-il, «il a alors provoqué cette guerre, qui implique directement les ÉtatsUnis et met un terme aux pourparlers sur le nucléaire».

Réactions internationales timides

Sur le Vieux continent, les réactions sont, comme souvent, prudentes, masquant une incapacité de peser réellement sur les événements. La France appelle à la retenue, non sans préciser qu’un «changement de régime» par la guerre en Iran serait synonyme de «chaos»... L’Allemagne exprime son inquiétude. L’Union européenne convoque des réunions. Le tout, sans geste fort. Sans pression réelle. Et pour cause.

Comme le résume Amar Dib avec pertinence, «pour les pays occidentaux, l’Etat d’Israël représente un allié utile, installé aux avant-postes d’une guerre de civilisation qui pourrait opposer le monde musulman au monde judéo-chrétien. Cette conception géopolitique du Proche et du Moyen-Orient les oblige à faire de nombreuses concessions diplomatiques à l’Etat d’Israël et à couvrir ses nombreux manquements sur le plan du droit international et de la diplomatie traditionnelle notamment», analyse-t-il.

Et de conclure que «c’est pourquoi la France comme les États-Unis, qui ont longtemps été par le passé des alliés de l’Irak et de l’Iran, ont depuis renoncé à leurs intérêts économiques et diplomatiques, dans une forme d’alignement systématique, en s’effaçant sur tous les plans pour plaire aux différents gouvernements d’extrême droite qu’a connus Israël depuis trente ans. Par conséquent, rien à attendre de ce côté-là…».

Ce conflit, qui depuis des années ronge les coulisses du MoyenOrient, pourrait désormais dépasser le cadre d’un affrontement bilatéral. Et si les EtatsUnis entraient officiellement dans le conflit ? Jusqu’ici, Washington a maintenu une position de soutien «défensif» à Israël, renforçant sa présence militaire dans la région, évacuant des personnels diplomatiques et préparant des task forces pour «protéger ses citoyens».

Mais cette posture d’assistance peut basculer à tout moment. Le Pentagone a déjà repositionné le porte-avions USS Nimitz. De même, les bombardiers B-2 sont sur le qui-vive. L’administration Trump semble préparer l’opinion à une telle éventualité. Une frappe contre les installations profondes du site nucléaire iranien de Fordo, inaccessibles aux bombes israéliennes classiques, serait le casus belli parfait. Seule la bombe américaine GBU-57 pourrait neutraliser ces sites. Mais si les Etats-Unis franchissaient ce pas, ce serait un tournant tragique dans cette guerre. Dont nul ne peut prévoir les conséquences.

D’ailleurs, dans une déclaration télévisée mercredi 18 juin, l’Ayatollah Ali Khamenei a mis en garde les USA contre toute intervention militaire. «La nation iranienne s'oppose fermement à une guerre imposée, tout comme elle s'opposera fermement à une paix imposée. Les personnes intelligentes, qui connaissent l’Iran, le peuple iranien et son histoire, ne s’adresseront jamais à cette nation sur un ton menaçant, car le peuple iranien ne se soumettra pas. Les Américains doivent savoir que toute intervention militaire des Etats-Unis entraînera inévitablement des dommages irréparables», a-t-il déclaré. Voilà qui est dit. 


 

 

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