Le 20 décembre dernier, Donald Trump, le 45ème président des Etats-Unis, a surpris les chancelleries autant d’Occident que d’Orient, en reconnaissant, à travers un décret présidentiel accompagné comme à l’accoutumé d’un tweet, la souveraineté du Maroc sur le Sahara.
Par Rachid Achachi, chroniquer, DG d'Arkhé Consulting
Une décision certes unilatérale, mais qui vient consacrer la fin d’un multilatéralisme stérile et anachronique, qui a perdu de sa substance depuis l’effondrement du bloc soviétique, et l’entrée du monde dans ce qui sera qualifié de «moment unipolaire».
Des cris d’Orfraie ont fusé de partout, des condamnations ont été formulées ici-là, mais rien n’y fait, l’Hegemon du moment en a décidé ainsi. La légitimité de notre cause n’en fut que renforcée; quant aux mécontents, ils devront se faire une raison.
Cependant, cette reconnaissance émanant de la première puissance mondiale constitue-t-elle un point d’inflexion majeur dans un dossier qui n’a que trop trainé dans les couloirs de l’ONU ? La réponse est un oui catégorique. Cela suffit-il à entériner cette question une fois pour toute du point de vue du droit international ? La réponse est un non tout aussi catégorique.
Mais, et il y a toujours un mais, si l’on sort du raisonnement statique en adoptant une lecture dynamique, il est évident que la reconnaissance américaine n’est que le prélude à des reconnaissances ultérieures.
Loin de moi l’idée de jouer au bookmaker diplomatique; il nous est cependant possible de partir d’éléments tangibles et factuels en vue d’identifier quels pays seraient les plus susceptibles d’emboiter le pas à Washington.
La liste peut-être relativement longue. Mais sans aller chercher des pays lointains et exotiques, il est possible de partir de la périphérie immédiate des Etats-Unis, pour identifier le Royaume-Uni comme un candidat potentiel et crédible.
Premièrement, il s’agit de l’un des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU. Puissance économique, militaire et nucléaire, le pays de Shakespeare et d’Adam Smith jouit d’une influence planétaire certaine, notamment à travers le Commonwealth.
Rappelons que la reine d’Angleterre est également la reine de 15 autres royaumes, dont les plus importants sont le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
Oui je sais, certains d’entre vous sont probablement choqués de découvrir que le Canada ou encore l’Australie sont officiellement des monarchies constitutionnelles dont Elizabeth II est la reine. Il est vrai que son pouvoir sur ces Etats n’est certes que symbolique et honorifique, mais son influence n’est pas à négliger.
De même, le Souverain britannique, en l’occurrence Elizabeth II, et ce contrairement à certaines croyances, jouit de prérogatives extrêmement importantes, comme le fait de déclarer la guerre et la paix, de nommer ou démettre de ses fonctions le Premier ministre ou tout autre ministre, ainsi que d’approuver ou d’émettre un véto devant une loi votée par le parlement britannique.
Il est certain que ces prérogatives sont latentes et presque jamais appliquées, car ces dernières sont pour la plupart de facto transférées au parlement et au gouvernement. Mais potentielles ou latentes ne veut aucunement dire inexistantes.
Enfin, et pour clore cette parenthèse, rappelons que nos deux pays étant tout deux des monarchies séculaires, cette proximité en termes de système politique est un atout qu’il serait absurde d’ignorer.
Deuxièmement, le Royaume-Uni est confronté de manière structurelle à des velléités indépendantistes du coté écossais aussi bien que du coté irlandais.
Londres a de ce point de vue tout intérêt à soutenir toutes les dynamiques d’intégration et d’unification territoriale auprès de ses pays partenaires, dont le Maroc.
Car contrairement au droit continental, le droit britannique se fonde d’avantage sur une logique de précédents juridiques que sur des lois rigides et gravées dans le marbre.
Troisièmement, libéré de la tutelle et l’emprise de Bruxelles, Londres jouit, depuis l’entrée en vigueur effective du Brexit, d’une marge de manœuvre plus grande en termes de politique extérieure, ne devant désormais rendre de comptes qu’au parlement britannique.
Winston Churchill avait dit qu’«à chaque fois que l’Angleterre aura à choisir entre le continent et le grand large, elle choisira le grand large».
Cela étant fait avec le Brexit, il est désormais temps pour Londres de convertir cette liberté en actes concrets avec ses nouveaux partenaires dans une perspective «win-win».
Quatrièmement, avec le déclin irrémédiable de l’empire britannique suite aux deux guerres mondiales, Londres a fait, à partir de la fin des années 1940, le choix stratégique de s’aligner intégralement en termes de politique extérieure sur la vision de Washington.
Un alignement et un choix pragmatique, mais avant tout fondé sur une proximité culturelle et civilisationnelle indiscutable. Ne parle-t-on pas de «monde anglo-américain» comme synonyme d’ «anglo-saxon» ?
Dans cette perspective, le ralliement du Royaume-Uni à la position américaine concernant la souveraineté du Maroc sur son Sahara n’est qu’une question temps.
Cependant, il est impératif pour le Maroc de faire preuve d’un lobbying plus actif et plus poussée afin d’accélérer cette dynamique et de la matérialiser.
Enfin, le Maroc a fait le choix implicite, depuis quelques années, de «souverainiser» son appareil productif, ce qui se traduit, de manière de plus en plus explicite, par un déracinement relatif du capital français au Maroc, au profit d’une nouvelle marocanisation de l’économie qui ne dit pas encore son nom.
Cela passe autant par des rachats de capitaux français par des entreprises marocaines que par des marchés perdus par les entreprises françaises au profit de groupes marocains ou d’autres nationalités.
Cette dynamique constitue tout naturellement une aubaine pour l’élite économique britannique.
Cette dernière se devra, si elle désire profiter pleinement du potentiel économique du Maroc, et notamment du Sud de notre pays, de reconnaitre à termes la souveraineté pleine et entière du Maroc sur tout son territoire.