L'annonce de la candidature d'Abdelmadjid Tebboune pour un second mandat à la présidence de l'Algérie est loin de constituer une surprise. Ce théâtre politique, orchestré avec une précision mécanique et cynique, révèle les failles béantes d'un système politique qui semble tourner en boucle, avec Tebboune comme figure récurrente d'un passé qui ne passe pas.
«En réponse aux souhaits de nombreux partis politiques et non politiques, d'organisations et de jeunes, j'annonce mon intention de me présenter pour un second mandat, comme le permet la Constitution, et le peuple algérien aura le dernier mot à ce sujet», a déclaré le président lors d'un entretien avec la presse.
Risible avec un peu de recul. Car, en décryptant cette candidature d’un Tebboune qui prétend, en des termes à peine voilés, qu’il a été plébiscité, il apparaît évident que la scène politique algérienne reste capturée par un cycle de pouvoir autocratique, où le changement est plus une illusion qu'une possibilité tangible.
Tebboune, depuis son élection en 2019, n'a jamais véritablement incarné le renouveau politique. Bien au contraire, son mandat a été marqué par une gestion critiquable de crises multiples, notamment économiques et sociales.
Ses tentatives pour se démarquer du règne de son prédécesseur, Abdelaziz Bouteflika, se sont rapidement dissipées, laissant place à un autoritarisme déguisé et une série de promesses non tenues.
Le bilan de Tebboune est accablant. Comme nous l’écrivions tout récemment, l'Algérie, sous sa présidence, continue de faire face à des défis économiques gigantesques, une crise sociale sans précédent et une répression croissante des libertés.
Les engagements pris semblent être des paroles en l'air, destinées à apaiser un mécontentement populaire grandissant plutôt qu'à engendrer de véritables réformes.
Pourtant, ce président restera encore aux manettes de l’Algérie. Car ces élections ressemblent à un rituel vidé de son essence et s'apparentent davantage à une validation organisée qu'à un exercice démocratique authentique.
Et la décision de Tebboune de se représenter n'est qu'une facette de cette farce électorale. Tant il est vrai que le résultat semble prédéterminé par les manœuvres du pouvoir et les loyautés sécuritaires plutôt que par la volonté populaire.
Le renouvellement du mandat de Tebboune serait ainsi une formalité plutôt qu'une véritable élection, une occasion manquée de répondre aux aspirations démocratiques d'une population jeune et de plus en plus désillusionnée.
Maroc – Algérie, un froid permanent
Au-delà des frontières algériennes, la candidature de Tebboune signifie également la persistance d'un froid glacial entre l'Algérie et le Maroc.
Les relations entre les deux voisins n'ont cessé de se détériorer sous son administration. Le président sortant et son cercle, loin de chercher à apaiser les tensions ou à ouvrir des voies de dialogue, semblent cultiver cette animosité contre le Royaume comme un outil de politique intérieure pour mobiliser autour d'une cause nationaliste.
Le dossier du Sahara marocain reste un point d'achoppement majeur, avec un Tebboune qui persiste à soutenir le polisario pour contrarier le Royaume et tenter vainement de remettre en cause sa souveraineté sur ses provinces sahariennes.
Cette posture, loin d'être juste une position diplomatique, est utilisée par le régime algérien pour détourner l'attention des problèmes internes du pays et souder le peuple autour d'un ennemi commun, imaginé. Cette stratégie de diversion, cependant, a ses limites.
Les problèmes intérieurs de l'Algérie, de la corruption à l'inflation, en passant par le chômage des jeunes, ne peuvent être éternellement masqués par des confrontations diplomatiques.
Les citoyens algériens, englués dans des difficultés quotidiennes croissantes, sont de moins en moins enclins à accepter la rhétorique de l'ennemi extérieur comme excuse pour l'incompétence gouvernementale.
Mais pourront-ils changer l’histoire d’une réélection programmée ? Pourront-ils infléchir le processus politique instigué par les généraux algériens ? Pas sûr. Pour dire que cette élection présidentielle de 2024 pourrait ne rien changer substantiellement pour le peuple algérien.
Tebboune, malgré son bilan désastreux, semble prêt à continuer sur la même voie, sans opposition sérieuse capable de défier son emprise sur le pouvoir. Cette situation laisse peu de place à l'optimisme pour ceux qui espèrent un véritable changement démocratique en Algérie.
Pourtant, l'histoire nous enseigne que rien n'est éternel, surtout pas les régimes autoritaires.
Le désir de changement, bien que réprimé, reste vivace au sein de la population, en particulier parmi les jeunes. Il reste à voir si ce désir pourra un jour se cristalliser en une force capable de transformer le paysage politique algérien.
Par D.William