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Tunisie: Les miasmes d’un pouvoir autocratique

Tunisie: Les miasmes d’un pouvoir autocratique

Il y a de ces dirigeants qui ne retiennent rien ou pas grandchose de l’histoire politique de leur pays, aussi récente soit-elle. Le président tunisien Kaïs Saïed en fait visiblement partie. Pourtant, 2011 n’est pas si loin. Même avec une mémoire qui s’use avec le temps, on ne saurait oublier cette fameuse «Révolution de jasmin», qui a mis fin à près de 25 ans de règne de l’exprésident Zine el-Abidine Ben Ali et signé la dislocation d’un clan superpuissant qui avait fait main basse sur les richesses du pays.

Au sortir de ce réveil des consciences qui dénonçait la répression policière, la corruption systématique et le chômage des jeunes, les Tunisiens espéraient, comme partout où le printemps arabe a sévi, des lendemains meilleurs. Un peu plus d’une décennie après, de plus en plus de voix s’élèvent pour s’interroger sur le sens de cette révolution tunisienne. Car, de l’avis de plusieurs acteurs politiques, Kaïs Saïed, trois ans seulement après son élection en tant que chef de l’Etat au terme d’un vote «antisystème», répand les miasmes d’un pouvoir autocratique.

D’aucuns d’ailleurs ne prennent pas de gant : «Saied est un dictateur», peste Hamma Hammami, chef du Parti des travailleurs. Les raisons de cette colère de la classe politique sont multiples. Depuis juillet 2021, le président tunisien polarise tous les pouvoirs, après avoir gelé les travaux du Parlement.

Et dans un référendum qui n’a mobilisé que 30% des Tunisiens en août, Kaïs Saïed a vu ses prérogatives élargies par la nouvelle Constitution, alors que le rôle du Parlement a été restreint. Avec un chef d’Etat omnipotent, qui gouverne à coups de décrets présidentiels et qui n’a de compte à rendre à personne, défenseurs des droits de l’Homme et opposition politique redoutent à juste titre un retour à la dictature. D’ailleurs, le 15 septembre courant, Saïed a présenté une nouvelle loi électorale qui réduit encore davantage le rôle des partis politiques au Parlement : elle instaure le scrutin uninominal à deux tours en lieu et place du scrutin de liste.

Plus clairement, les Tunisiens ne vont plus voter pour une liste proposée par une formation politique, mais éliront leurs députés de façon individuelle. Cette loi qualifiée d’«autoritaire» et de «discriminatoire» fait jaser, et plusieurs partis d’opposition ont décidé de boycotter les législatives prévues le 17 décembre prochain. De même, son décret-loi publié le 16 septembre 2022 relatif aux infractions aux systèmes d’information et de communication, a également créé un tollé. Jugé «liberticide» et «destructeur» pour les libertés individuelles, le texte prévoit des peines de prison à l’encontre des personnes divulguant de présumées fausses informations.

Ce n’est pas pour rien que plusieurs ONG locales et internationales dénoncent le «recul» des libertés en Tunisie et accusent le président de tordre le processus démocratique amorcé en 2011. A ce contexte politique délétère, s’ajoute une situation économique peu reluisante. Le pays est enlisé dans une grave crise, avec une faible croissance (environ 3%), un taux de chômage de plus de 18%, une inflation de plus de 6% et un taux d’endettement qui dépasse 100% du PIB. Avec cette double crise politique et économique, la Tunisie est évidemment dans une très mauvaise passe.

Kaïs Saïed en a-t-il conscience  ? Va-t-il rester sourd aux cris d’orfraie lancés par l’opposition et la société civile ? Va-t-il se laisser avilir par le pouvoir ? L’avenir nous le dira. Mais l’histoire récente de ce pays devrait servir de boussole pour gouverner autrement. 

 

Par D. William

 

 

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