Chaque fin d’année, on se dit que l’année que l’on vient de passer est la plus terrible, entre toutes les autres. Et chaque année, on se trompe, puisque la suivante est encore pire.
Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste
Comme c’est le cas avec le cru 2024, qui nous montre à quel point les sociétés humaines sont en déshérence, entre guerres, conflits, catastrophes humaines et naturelles sans précédent, exil forcé, déportations de peuples entiers, famine, sécheresse systémique, dérèglement climatique accru, épidémies, maladies incurables, des morts par dizaines de millions… Ceci sans parler de la précarité humaine dans tous les domaines de la vie, avec un nombre effarant de pauvres face à une poignée de riches qui regardent ailleurs et rêvent d’une autre planète à occuper, avant de la décimer, elle aussi, à son tour.
Les chiffres de l’année 2024 se passent de commentaire : plus de 33.000 décès de civils ont été enregistrés en 2024, dans 14 conflits armés. Il s’agit d’une augmentation de 72% par rapport à 2022. 2024 devient ainsi l’année la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire, comme l’atteste le dernier rapport des Nations unies sur les conflits dans le monde. Il faut ajouter à cela, plus de trois millions de victimes dans les conflits à Gaza, en Irak, en Syrie, au Yémen, au Soudan, en Somalie, en Ukraine et ailleurs dans le monde.
Aujourd’hui, après l'Afrique qui compte un grand nombre de conflits armés, les régions du monde les plus touchées par les conflits armés sont l'Asie avec 17 guerres, le Moyen-Orient avec 10 guerres, l'Europe avec 3 conflits majeurs et les Amériques avec une seule guerre. Après les guerres, ce sont les retombées des conflits qui plongent des régions entières dans la précarité, comme c’est le cas en Afrique en 2024. Ce qu’il faut retenir à ce niveau, c’est que du fait des guerres et des catastrophes climatiques, 130 millions de personnes ont besoin d’assistance sur le continent.
En 2023, seulement un tiers des besoins a été couvert par l’aide internationale. Sans oublier le cumul des catastrophes, avec les conséquences dévastatrices de la pandémie du Covid-19 dans le continent. Dans ce sens, les ONG tirent la sonnette d’alarme : sur les 20 pays où l’on s’attend à une dégradation de la situation humanitaire en 2024, quatorze sont dans cette situation, parmi eux onze sont africains : Mali, Niger, Burkina Faso, Mozambique, Nigeria, République centrafricaine, RDC, Soudan, Soudan du Sud, Éthiopie et Somalie.
Au niveau des dérèglements climatiques qui viennent consacrer la précarité des régions les plus touchées, il faut noter que 2024 ne semble pas échapper à la règle : le mois de juin a été le plus chaud jamais enregistré dans le monde et le 22 juillet la journée la plus chaude depuis plus de 100.000 ans. C’est dire que le réchauffement du climat est loin d’être un débat creux entre scientifiques, mais une réalité qui impacte lourdement l’humanité, dans un cycle qui va crescendo et qui n’augure rien de bon.
En 2024, la température à l’échelle mondiale est en moyenne plus haute de 1,64°C degré par rapport à l’ère préindustrielle. Ce chiffre peut paraître faible, mais les impacts d’une telle augmentation se font déjà sentir sur la planète : acidification et hausse du niveau des océans et des mers, accélération de la fonte des glaces, vagues de chaleurs marines, etc. Face à cette situation, et à titre d’exemple, des pays comme la Zambie, le Zimbabwe et le Malawi ont déclaré l’état de catastrophe suite à des sécheresses faisant craindre l’arrivée de la famine.
Parallèlement, le nombre des cancers dans le monde bat aussi des records en 2024. Selon l’Organisation mondiale de la santé, le cancer du poumon est le plus fréquent dans le monde, avec 2,5 millions de nouveaux cas, soit 12,4% du total des nouveaux cas. Le cancer du sein chez la femme arrive en deuxième position (2,3 millions de cas, 11,6%), suivi du cancer colorectal (1,9 million de cas, 9,6%), du cancer de la prostate (1,5 million de cas, 7,3%) et du cancer de l'estomac (970.000 cas, 4,9%). Dans ce sens, les chercheurs prévoient plus de 35 millions de nouveaux cas de cancer, en 2050, soit une augmentation de 77% par rapport aux 20 millions de cas estimés en 2022.
En ce qui concerne les chiffres de la famine dans le monde aujourd’hui, considéré comme le plus riche et le plus prospère de l’histoire de l’humanité, il faut souligner que 733 millions de personnes ont été confrontées à la faim, soit 1 personne sur 11 dans le monde et 1 sur 5 en Afrique, selon le dernier rapport sur l’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde (SOFI) publié par cinq agences des Nations unies. Il faut aussi préciser qu’environ 2,33 milliards de personnes dans le monde sont en situation d’insécurité alimentaire modérée ou sévère. Sans oublier que plus de 2,8 milliards de personnes n'ont pas eu les moyens de s’offrir un régime alimentaire sain.
Pourtant, les nouvelles données sur l’obésité chez les adultes révèlent une hausse constante au cours de la dernière décennie, passant de 12,1% (2012) à 16,8% (2024). Les projections indiquent que d’ici 2030, le monde comptera plus de 1,2 milliard d’adultes obèses. Avec les ravages de la famine, il faut aussi ajouter les chiffres liés au manque d’eau dans le monde. Aujourd’hui, plus de 800 millions d’individus, soit 10% de la population mondiale, n’ont pas accès à l’eau potable. L’OMS ajoute également le chiffre de 1,5 milliard de personnes (18% de la population mondiale), qui ont accès à un point d’eau potable situé à moins de 30 minutes aller-retour de chez elles.
Sur un autre plan, dans le monde, 1,53 million de décès toutes causes confondues ont, au total, été associés à la pollution de l'air due aux incendies, selon une étude publiée par des chercheurs dans la prestigieuse revue The Lancet en 2024. Ceci sans parler des autres pollutions qui font plus de dégâts surtout dans les pays sous-développés. En comparaison, au moins 238.000 décès prématurés dus aux particules fines dans l’Union européenne en 2024.
Et la série est longue et touche tous les domaines de la vie dans une société mondiale qui affirme, haut et fort, qu’elle est la meilleure, depuis que la civilisation existe sur terre. Si avec toutes ces avancées et tout ce progrès tous azimuts, la moitié de l’humanité crève la bouche ouverte, si les maladies deviennent plus graves et plus meurtrières, si des milliards meurent de faim et de soif, si la mortalité infantile bat tous les records, si les guerres se multiplient partout dans le monde, ce n’est certainement pas un progrès de l’humanité qui cause toute cette dévastation.
Il est donc autorisé d’affirmer que les humains vivent aujourd’hui dans la pire époque de leur existence. Et ce n’est que le début d’un cycle encore plus terrifiant.