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Maroc : Repenser l’école pour un avenir durable

Maroc : Repenser l’école pour un avenir durable

 

L’éducation est le socle de toute nation prospère. Mais lorsqu’elle peine à répondre aux exigences du marché du travail, elle devient un frein plutôt qu’un levier d’émancipation. Comment alors adapter notre système éducatif aux défis d’un monde en mutation ?

 

Le problème du chômage au Maroc n’est pas qu’une affaire de chiffres. Il est le miroir d’un mal plus profond, celui d’un enseignement qui tourne à vide, d’une formation qui ne forme pas, d’un système qui diplôme sans réellement outiller. 

Othmane, comme tant d'autres, en a fait l'amère expérience. Après un parcours académique régulier – bac en sciences économiques, licence en gestion des entreprises – il était persuadé que ses efforts finiraient par payer. Mais une fois confronté à la réalité professionnelle, la désillusion frappe. Deux ans plus tard, il enchaîne les candidatures sans réponse, conscient du fossé entre les compétences acquises et les attentes des employeurs. 

Son histoire n’est pas un cas isolé. Tant que l’école restera un monde à part, déconnectée des dynamiques économiques, nous continuerons à diplômer des jeunes en quête d’un emploi introuvable. Depuis l’école primaire, l’enseignement repose sur une transmission verticale du savoir, mettant l’accent sur la répétition plutôt que sur la réflexion.

On inculque aux enfants l’art de la récitation, l’excellence de la mémorisation. On leur apprend à répondre aux questions qu’on leur pose, mais rarement à se poser les bonnes questions. Dans un monde en perpétuel changement, où l’adaptabilité et la pensée critique sont des compétences essentielles, cette approche montre ses limites.

L’orientation scolaire, déterminante pour l’avenir des jeunes, demeure souvent une équation hasardeuse. Les formations techniques et professionnelles, pourtant vitales à tout tissu économique, restent perçues comme des voies de secours, des solutions pour ceux qui ont échoué ailleurs. Pourtant, elles devraient être valorisées au même titre que les formations académiques, car elles répondent à des besoins concrets du marché.

On dit aux jeunes de ne pas attendre l’emploi, mais de le créer. L’idée est noble, mais la réalité est tout autre.

Qui leur a appris à monter un projet ? À gérer une trésorerie ? À comprendre le marché ? Si l’entrepreneuriat est une voie prometteuse, encore faut-il donner aux jeunes les moyens de réussir.

Dans un pays où 80% des emplois sont générés par les TPE et PME, l’absence d’un réel accompagnement des jeunes entrepreneurs est une aberration. Si certaines initiatives ont été mises en place, elles restent souvent inaccessibles ou inadéquates aux réalités du terrain.

Le Maroc ne manque pas de talents. Il manque d’une vision éducative alignée avec les besoins du pays. Il est urgent de repenser l’apprentissage, non plus comme une accumulation de savoirs, mais comme un levier permettant à chaque jeune de devenir acteur de son avenir.

Dès les premières années de scolarité, l’apprentissage doit évoluer vers une approche plus immersive et pratique. Les élèves doivent pouvoir manipuler, expérimenter, résoudre des problèmes concrets, afin de développer des compétences directement exploitables sur le marché de l’emploi.

L’école ne doit plus être un simple lieu de transmission, mais un espace de construction et de confrontation aux réalités du monde professionnel.

Les filières techniques et professionnelles doivent être revalorisées et intégrées pleinement dans la dynamique économique du pays. Il ne s’agit plus de les considérer comme des alternatives secondaires, mais comme des voies d’excellence adaptées aux besoins du marché.

En instaurant un regard neuf sur ces formations, nous ouvrons aux jeunes des perspectives plus alignées avec les opportunités réelles de l’emploi.

Mais cette transformation ne peut s’opérer sans des passerelles fluides entre l’enseignement et le monde du travail.

Il est impératif de multiplier les stages, de généraliser l’alternance, d’instituer des collaborations constantes avec les entreprises. L’université ne doit pas être une bulle théorique, mais un terrain d’interactions où chaque formation trouve un prolongement naturel dans le monde professionnel.

L’accompagnement entrepreneurial doit aussi être structuré dès la conception des projets. Créer une entreprise ne s’improvise pas : cela requiert un cadre de soutien solide, un accès facilité aux financements et un mentorat qui transforme les ambitions en réussites tangibles. Si nous voulons que l’entrepreneuriat devienne un levier efficace pour l’emploi, nous devons doter les jeunes des outils nécessaires dès leur formation.

L’éducation est un levier stratégique qui doit s’adapter aux évolutions du monde moderne. Tant que certaines approches pédagogiques resteront figées dans des schémas dépassés, tant que l’enseignement professionnel ne sera pas pleinement valorisé, tant que notre système éducatif fonctionnera sans une vision claire, nous continuerons à produire des générations d’attente.

Attente d’un emploi qui ne viendra pas. Attente d’une opportunité qui ne se présentera pas. Attente d’un avenir qui s’écrit sans eux.

Un système qui n’intègre pas ses jeunes dans son développement est un système qui se prive de son moteur. Et tant que cette réalité persistera, il faudra se poser une question essentielle : qui a vraiment échoué ? Les jeunes, ou le système qui les a formés ?

Par Abdelkhalek Hassini,  
Enseignant-formateur en France, chroniqueur, conférencier, spécialiste en migration et développement et acteur associatif

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