En dépit de l’abondance de l’offre, les prix des moutons destinés au sacrifice ont connu cette année une augmentation significative. A en croire les professionnels du secteur, celle-ci varie entre 15% et 30%.
Par M. Ait Ouaanna
Cette année encore, les Marocains devront débourser plus pour le mouton de l'Aïd Al-Adha. Malgré les récentes précipitations, la baisse du taux d’inflation et la légère diminution des prix du carburant, les prix des animaux destinés au sacrifice demeurent hors de portée pour beaucoup, et bien loin de ceux pratiqués avant la crise.
D’après les estimations du ministère de l’Agriculture, l’offre nationale en cheptel devrait grimper à 7,8 millions de têtes, dont 6,8 millions d'ovins et un million de caprins, pour une demande estimée à environ 6 millions de têtes. A en croire les chiffres de la tutelle, l'offre excède donc la demande. Pourtant, contrairement à la règle économique qui veut que les prix baissent dans ce cas, ces derniers flambent. Selon les professionnels du secteur, cette hausse varie entre 15% et 30%. Afin de s’enquérir de la situation, Finances News Hebdo s’est rendu au souk hebdomadaire de la commune rurale de Sidi Yahya Zaër, région Rabat-Salé-Kénitra, où nous avons rencontré vendeurs et acheteurs.
«On ne peut le nier, les prix des moutons ont flambé cette année, atteignant une hausse de près de 1.500 dirhams par tête. Cette augmentation est due à plusieurs facteurs, dont la sécheresse persistante qui frappe notre pays depuis plusieurs années déjà. Ainsi, le coût de production a considérablement augmenté, surtout que le prix de l'aliment du bétail a explosé. Par conséquent, il est devenu très difficile de nourrir nos animaux et de maintenir notre activité», nous confie l’éleveur Mustapha Tlihi. «Nous avons besoin d'aide pour faire face à la hausse du coût de production et à la sécheresse. Le gouvernement doit nous soutenir en ces moments pénibles. Sans un accompagnement adéquat, il sera difficile pour nous de continuer à élever les moutons et de répondre à la demande du marché», poursuit-il.
De son côté, Bouabid El Khiyari, également éleveur, souligne qu’en dépit de l’abondance de l’offre, les familles défavorisées seront fort probablement incapables d’acheter le mouton de l'Aïd, vu les prix exorbitants proposés cette année. Par ailleurs, Bouabid se dit préoccupé par une pratique très courante, celle de vendre les femelles ovines. «La vente des femelles ovines met en péril la productivité et la durabilité du cheptel national et prive les éleveurs de la capacité de renouveler leur troupeau et de maintenir une production suffisante. Cela entraîne une diminution progressive du nombre de moutons disponibles, ce qui pourrait se traduire dans les années à venir par une hausse des prix plus importante et une pénurie sur le marché», explique-t-il. Dans ce souk qui se tient tous les mardis, nous avons également fait la rencontre de Mohamed, père de famille venu faire un repérage avant de procéder à l’achat de son mouton de l’Aid. «Les prix ont atteint des niveaux jamais vus auparavant, ce qui rend impossible pour de nombreuses familles de célébrer cette fête religieuse si importante. Une brebis agée est proposée aujourd’hui à 2.000 dirhams, c’est inadmissible !», se plaint-il.
«La crise actuelle rend de plus en plus difficile pour les gens de joindre les deux bouts, et Aïd Al-Adha ne fait qu'aggraver cette situation. Il est essentiel de garantir que cette fête religieuse reste accessible à tous, y compris aux plus démunis», insiste-t-il. Suite à cette hausse significative des prix des moutons nationaux, nombreux sont les Marocains qui n’hésiteront pas aller vers ceux importés d’Espagne ou encore de la Roumanie, et dont les prix sont supposés être nettement moins chers.
Pour rappel, le ministre de l’Agriculture, Mohamed Sadiki, avait annoncé l’augmentation des ovins importés pour cette année, en passant de 300.000 à 600.000, soit le double. Le responsable avait également précisé que ce chiffre pourrait, en cas de besoin, atteindre le million. Confrontés à la concurrence issue des importations de moutons étrangers, les éleveurs marocains vantent la qualité supérieure du cheptel national et appellent le gouvernement à mettre en place les mesures nécessaires afin que celui-ci soit à la portée de tous.
L’ONSSA veille au grain
Concernant la sécurité et la qualité des animaux destinés au sacrifice, l'Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) reste particulièrement vigilant et a entrepris plusieurs actions à l'occasion de l'Aïd al-Adha. «L’ONSSA élabore un programme Aid Al-Adha qui comprend plusieurs composantes, parmi lesquelles l’enregistrement des éleveurs et engraisseurs des ovins et caprins destinés au sacrifice. Parallèlement, l’Office met en place un programme axé notamment sur le contrôle des aliments pour animaux, des médicaments vétérinaires utilisés et de l’eau de boisson. A cela s'ajoute également un programme étoffé de conseils sanitaires pouvant aider les citoyens lors de l’achat, de l’abattage ou encore de l'examen de l’animal ou de la carcasse», détaille le Dr. Abdelghani Azzi, directeur du contrôle des produits alimentaires à l'ONSSA.
Azzi, également vétérinaire, a saisi cette occasion pour rappeler les consommateurs de la nécessité de n’acheter le mouton qu’à travers les points de vente connus. En outre, il a souligné l’importance de s’assurer, lors de l’acquisition de l’animal destiné au sacrifice, que ce dernier porte, sur l’une des oreilles, une boucle en plastique portant la mention «Aid Al-Adha». Pour ce qui est de la conservation de la viande, Abdelghani Azzi appelle les citoyens à laisser la carcasse sécher entre 5 à 6 heures au minimum, avant de la découper en petits morceaux et de la conserver dans des boîtes ou sacs en plastique alimentaire.