Les nombreux cas de salmonellose détectés en Europe suscitent inquiétude et vigilance, même au Maroc.
Les infections par des bactéries «du genre salmonelle» représentent l’une des 4 causes principales de maladies diarrhéiques dans le monde.
C’est une maladie bénigne, mais sa gravité réside dans sa capacité à engager le pronostic vital.
Entretien avec le Docteur Moundir Souhami, biologiste et directeur du laboratoire universitaire d'analyses médicales à Casablanca.
Propos recueillis par Ibtissam Z.
Finances News Hebdo : De nombreux cas de salmonellose ont été détectés en Europe, mettant en cause le chocolat Kinder. C’est quoi la salmonellose et pourquoi la bactérie salmonelle suscite-t-elle autant d’inquiétudes ?
Dr Moundir Souhami : Ce n’est pas lié à une marque spécifique d’aliments. Les salmonelloses sont des maladies infectieuses dues à des bactéries du genre Salmonella, qui contient plusieurs espèces et plusieurs sérotypes et sérovars. On distingue deux principaux types de salmonellose : -La typhoïde et les paratyphoïdes connues par la fièvre typhoïde et paratyphoïde. -Les salmonelloses «mineures» d’origine alimentaire et responsable des toxi-infections alimentaires collectives connus par l’abréviation «TIAC». Je pense que la salmonellose suscite autant d’inquiétudes pour deux grandes raisons : primo, elle est la cause des TIAC, surtout si elle échappe au contrôle au niveau des unités agroalimentaires. Secundo, elle peut engager le pronostic vital de l’homme en question si elle n’est pas prise en charge rapidement. A noter que les infections par des bactéries du genre salmonelle représentent la 2ème cause de maladie d’origine alimentaire en Europe. Il ne faut surtout pas sous-estimer les salmonelles; ces bactéries sont l’une des 4 causes principales de maladies diarrhéiques dans le monde.
F.N.H. : Quelles sont les sources de contamination de la salmonellose ?
Dr M. S. : L’homme se contamine essentiellement à travers des aliments contenant cette bactérie résistante à l’humidité et à la chaleur. On incrimine surtout les œufs et la viande peu cuits, ainsi que les aliments souillés par les excréments d’un animal porteur du germe (fruits, légumes, lait…), sans oublier la contamination interhumaine quand les aliments sont préparés par une personne malade ou porteuse de la bactérie. Les animaux de compagnie (chiens, chats, oiseaux, tortues, rongeurs..) constituent eux aussi un réservoir important des salmonelles. Pour les formes typhoïdes et paratyphoïdes, l’homme reste le seul réservoir de ces bactéries de salmonella, thyphi et parathyphi. La contamination est donc toujours interhumaine.
F.N.H. : Comment identifier les symptômes d'une salmonellose ?
Dr M. S. : Le tableau clinique des salmonelloses est reconnu généralement par une gastro-entérite bégnine, mais on peut avoir des infections graves, surtout chez les enfants, les personnes âgées et les immunodéprimés. Pour bien éclaircir les choses, après une phase d’incubation courte de 12h à 72h, les manifestations cliniques sont des nausées, céphalées, vomissements, fièvres (38-40°) et des diarrhées muqueuses, parfois sanguinoles. Cela peut déborder vers une déshydratation importante et risquée chez les enfants et les sujets âgés. On peut arriver à ce niveau de symptômes avec guérison dans une semaine, comme on peut avoir une évolution non souhaitable vers des infections extra-digestives qui touchent le cerveau (méningites), les os, les articulations, le cœur et parfois même une septicémie. Il existe d’autres formes de salmonellose comme les fièvres typhoïdes et paratyphoïdes qui engendrent une fièvre (39-40°), anorexie, céphalée, douleurs abdominales, diarrhée, ou encore un abattement. Dans ces formes-là, la guérison demande une période de convalescence assez longue, et parfois on assiste à des complications conséquentes qui touchent l’intestin, le cœur et les poumons…
F.N.H. : Quelles sont les personnes susceptibles d’être touchées par cette maladie ?
Dr M. S. : Personne n’est épargné par cette maladie de salmonellose, puisque la contamination est généralement alimentaire. Par contre, la différence réside dans la gravité des symptômes qui se manifestent, surtout chez les enfants en raison d’une déshydratation rapide à cause des diarrhées. Le risque concerne aussi les sujets âgés et les immunodéprimés souffrant de maladies chroniques.
F.N.H. : Une fois contaminée, quelles sont les complications possibles dues à cette pathologie ?
Dr M. S. : Comme je l’ai mentionné plus haut, généralement les personnes atteintes de salmonellose guérissent après un traitement par antibiothérapie. Cependant, il y a des cas qui se compliquent quand le germe atteint certains organes, notamment le cerveau. En conséquence, cela donne des méningites, péricarde avec péricardite…et une septicémie. Cette dernière pathologie est grave et peut être mortelle. Pour la typhoïde, la durée de convalescence est plus longue et le patient peut, toutefois, garder des séquelles.
F.N.H. : Y a-t-il un moyen efficace pour prévenir cette maladie ?
Dr M. S. : Prévenir, c’est toujours mieux que guérir. Les moyens à suivre se résument en une bonne préservation de nos denrées alimentaires. Comment ? En respectant les mesures d’hygiène, à savoir bien laver les légumes et fruits, viandes bien cuites, œufs bien lavés et non conservés pour une longue durée. Il faut aussi respecter scrupuleusement les dates de péremption. C’est très important. Il est conseillé de respecter les chaînes du chaud et du froid. Pour les gens qui cuisinent chez eux ou en restauration collective, un nettoyage fréquent et régulier des mains avec une tenue de cuisine dans les normes de l’hygiène s’impose. Il faut également un contrôle régulier, à travers un examen parasitologique des selles avec coproculture et aussi des prélèvements de la gorge. L’autre point important à retenir pour les personnes qui possèdent des animaux de compagnie : un contrôle chez le vétérinaire s’impose avec un carnet de santé obligatoire.
F.N.H. : Quelles sont les consignes à suivre afin de limiter l’exposition du consommateur ?
Dr M. S. : Tout d’abord, cette responsabilité incombe à l’autorité publique, qui est le ministère de la Santé. Justement, la tutelle peut prévenir cette pathologie à travers des campagnes de sensibilisation, mais aussi des programmes de prévention et de traitement. Cette démarche sanitaire donnera ses fruits grâce à une collaboration avec le ministère de l’Agriculture, par le biais de l'ONSSA, pour effectuer des contrôles draconiens et pertinents au niveau des unités de l’agroalimentaire. Toutefois, il ne faut pas omettre la responsabilité individuelle au sein des familles, qui est plus que nécessaire à travers des mesures d’hygiène et de contrôle de denrées alimentaires au sein du cocon familial. La vigilance doit être de mise même pour les produits consommés par les enfants en dehors de la famille; un droit de regard s’impose pour les parents afin de limiter ce genre d’infection... dans les cantines ou les lieux de restauration.